Le ministre responsable de l'Examen stratégiques des programmes, Victor Boudreau (à gauche), et le président du comité consultatif, Michael Horgan.
Le gouvernement veut trouver de 250 à 400 M$ d’économies d’ici deux ans
FREDERICTON – Le gouvernement libéral lance un immense chantier afin de se débarrasser d’un déficit structurel de plus de 400 millions $ d’ici deux ans. Fredericton songe à restreindre sévèrement ses dépenses et à augmenter les taxes et les impôts.
Le Parti libéral avait promis en campagne électorale d’effectuer une «révision stratégique» afin de trouver plus de 250 millions $ d’économies au sein du gouvernement dès 2016. Le ministre responsable de cet examen a indiqué aux médias, mardi, que l’objectif était dorénavant de 400 millions $.
«Notre situation financière continue d’évoluer. Nous avons révisé les chiffres. Le ministère des Finances nous dit que le déficit structurel est plutôt dans les environs de 400 millions $», a déclaré Victor Boudreau.
Le gouvernement n’a pas l’intention de lésiner sur les moyens pour à la fois réduire ses dépenses et augmenter ses revenus. La fermeture d’écoles et d’hôpitaux, l’abolition de programmes et la rationalisation du nombre d’agences gouvernementales et de sociétés d’État, tout est à envisager, a avancé M. Boudreau.
«Nous avons 22 hôpitaux pour une population de 750 000 habitants. Pouvons-nous faire mieux? Il faut se poser ce genre de questions. C’est la même chose du côté de l’éducation. Nous avons des écoles un peu partout à travers la province où le nombre d’élèves est très petit.»
Fredericton pourrait également se retirer de certains domaines pour faire davantage de place au privé, a prévenu le ministre.
«Est-ce que le gouvernement devrait offrir tel ou tel service ou est-ce qu’il y a quelqu’un de mieux placé pour offrir ce programme ou ce service? Est-ce que le secteur privé peut jouer davantage un rôle?»
Les pertes d’emplois sont à prévoir au sein de la fonction publique et des agences gouvernementales, mais le gouvernement n’a pas identifié un nombre en particulier de postes à éliminer.
Victor Boudreau a dévoilé mardi l’identité des quatre membres du comité consultatif qui sera chargé d’épauler le gouvernement lors de l’examen stratégique des programmes.
Le groupe formé de l’homme d’affaires David Alston (IntroHive), de l’experte en ressources humaines Rachelle Gagnon (Assomption Vie) et de l’économiste André Leclerc (Université de Moncton, campus d’Edmundston) sera présidé par l’ex-sous-ministre fédéral des Finances, Michael Horgan.
Selon lui, le gouvernement devra se pencher sur d’éventuelles hausses de taxes et d’impôts ainsi que sur la privatisation de certains actifs.
«Les Néo-Brunswickois ont dit qu’ils ne voulaient pas la privatisation d’Énergie NB, mais on peut regarder à autre chose (comme) les autoroutes à péage. D’autres provinces ont privatisé leur société des alcools. Je ne dis pas que c’est ce qui sera fait, mais nous allons étudier attentivement les actifs de la province pour voir ceux qui pourraient être monétisés.»
M. Horgan a notamment participé au processus de révision des programmes qui a permis au gouvernement fédéral d’équilibrer son budget dans les années 1990 et dont dit s’inspirer le gouvernement de Brian Gallant, ainsi qu’aux récents efforts de l’administration de Stephen Harper pour se débarrasser du déficit.
Même s’il insiste pour dire que «tout est sur la table», au moins une vache sacrée demeure, a assuré le ministre Boudreau. «Le statut bilingue de la province, ça, ce n’est certainement pas négociable, ni aucun droit garanti par la Charte (canadienne des droits et libertés) ou la Constitution en matière de droits linguistiques».
Victor Boudreau a promis d’être «juste» et «équitable» lors de l’examen stratégique afin d’assurer «qu’il n’y a pas de régions de la province plus durement affectées par cette révision que d’autres.»
Un nouveau secrétariat au sein de la haute fonction publique a été créé afin de mener l’examen stratégique des programmes. Ses plans seront soumis au comité consultatif qui devra donner son avis au gouvernement.
Fredericton accordera aussi la chance à la population de s’exprimer sur la révision lors de consultations publiques dont les détails seront dévoilés cette semaine par le ministre Boudreau. Les consultations serviront également de tournée prébudgétaire.
Le budget 2015-2016 qui sera déposé ce printemps contiendra certaines mesures issues de la révision des programmes, même si l’essentiel des changements viendra plutôt lors de l’exercice financier suivant.
Le SCFP réclame une augmentation des impôts
Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) du Nouveau-Brunswick recommande une hausse d’impôts plutôt que l’examen stratégique pour corriger le déficit structurel de 400 millions $ proposé par le gouvernement provincial.
Daniel Léger, président du SCFP, réclame un retour du taux d’imposition sur le revenu des contribuables au niveau de 2008. Il estime qu’une telle mesure permettrait à Fredericton de trouver des économies, sans mettre à risque des services publics.
«Il ne faut pas oublier qu’on a un gouvernement libéral qui a coupé les taxes en 2009, durant une période de crise économique. Je pense qu’ils ont constaté que ce n’était pas la bonne direction à prendre, et j’espère qu’ils vont sérieusement considérer la possibilité de renverser ces coupures-là.»
En 2008, l’impôt avait été établi à 10,12 % pour la première tranche d’imposition (jusqu’à 39 000 $ environ), 15,48 % pour la deuxième (39 000 $ à 78 000 $), 16,80 % pour la troisième (de 78 000 $ à 127 000 $) et 17,95 % pour la quatrième (plus de 127 000 $).
Dans le budget 2013-2014, les taux ont été fixés à 9,1 % pour la première tranche, 12,1 % à 14,82 % pour la deuxième, 12,4 % à 16,52 % pour la troisième et 14,3 % à 17,84 % pour la quatrième.
M. Léger espère avant tout d’éviter une diminution de la qualité des services aux contribuables. Il estime qu’en raison de la chute du prix du pétrole, plusieurs Néo-Brunswickois qui travaillent dans l’Ouest canadien seront forcés de revenir dans leur village natal, ce qui pourrait entraîner des problèmes sociaux.
«Durant une période difficile, comme on va voir dans nos communautés dans le nord de la province, il va y avoir un besoin au niveau de services sociaux. On a beaucoup de gens qui reviennent de l’Alberta avec de grosses dettes et l’habitude de vivre éloigné de leur famille. On peut prévoir de grosses difficultés.»
M. Léger a ajouté que le SCFP s’oppose à la privatisation de services publics.
Le comité consultatif comprend les personnes suivantes :
Michael Horgan (président) a été fonctionnaire fédéral pendant 36 ans, et il a pris sa retraite en 2014 alors qu’il était sous-ministre des Finances. Au cours de sa carrière, il a été secrétaire adjoint du Cabinet dans les années 1990 et il a été chargé de concevoir le processus de révision des programmes qui a permis d’équilibrer le budget avec succès. Il a également joué un rôle de conseil de premier plan auprès du premier ministre fédéral et du ministre fédéral des Finances dans le cadre des efforts déployés récemment pour équilibrer le budget d’ici 2015-2016. M. Horgan a vécu à Moncton pendant quatre ans, alors qu’il était président de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique de 1998 à 2001, et il a de profondes racines à l’Île-du-Prince-Édouard.
David Alston, un entrepreneur dans le secteur des technologies de l’information au Nouveau-Brunswick, a acquis une vaste expérience en matière de stratégie de marketing et de communications au sein de nombreuses entreprises partout dans la province. Il a participé au lancement fructueux de nombreuses entreprises, notamment Radian6, sans oublier son rôle actuel d’agent principal de l’innovation chez IntroHive.
Rachelle Gagnon est membre de l’équipe des gestionnaires supérieurs d’Assomption Vie. Elle est responsable des ressources humaines et du développement organisationnel. Elle possède une maîtrise en administration des affaires et un baccalauréat en psychologie de l’Université de Moncton, ainsi qu’un certificat en administration publique de l’Université du Nouveau-Brunswick. Elle a donné des cours de ressources humaines et de développement organisationnel dans ces deux universités et au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick.
André Leclerc est professeur d’économie à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, où il est titulaire de la chaire de recherche sur les mouvements coopératifs. Il est détenteur de baccalauréats de l’Université de Moncton et de l’Université de Sherbrooke, d’une maîtrise de l’Université de Sherbrooke et d’un doctorat de l’Université Laval. Ses recherches portent sur les coopératives, l’économie du Nouveau-Brunswick acadien et l’économique du secteur financier.
–Avec la collaboration du journaliste Jean-Marc Doiron