

L'Hôpital de Moncton. - Archives
Exclusif – Avortements: le réseau Horizon n’a fait qu’absorber une partie de la clientèle de Vitalité
Deux fois plus de femmes ont eu recours à la cessation volontaire de grossesse au sein du réseau de santé anglophone par rapport à Vitalité, en 2016, selon des statistiques obtenues en exclusivité par l’Acadie Nouvelle.
Elles étaient 495 en 2014 à solliciter la procédure dans les hôpitaux du réseau de santé francophone. En 2016, elles étaient 213. Le réseau de santé anglophone a quant à lui effectué 470 avortements en 2016.
En juillet 2015, Horizon a ouvert son premier point de service pour la cessation volontaire de grossesse à l’Hôpital de Moncton, alors que Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont offrait déjà le service de santé aux gens de la région.
Vitalité a indiqué que les ressources en place au CHU Dr-Georges-L.-Dumont étaient suffisantes pour répondre à la demande.
En doublant l’offre dans le Sud-Est, le réseau anglophone n’a fait qu’absorber une partie du trafic hospitalier du réseau francophone, au détriment de l’accessibilité des femmes du Sud-Ouest.
La corrélation est flagrante.

Le nombre de patientes de Fredericton, Saint-Jean et Moncton qui ont sollicité un arrêt volontaire de grossesse chez Vitalité a diminué, respectivement, de 59, 71 et 142 depuis 2014. Le nombre de celles qui ont cogné chez Horizon pour mettre un terme à leur grossesse a augmenté de 67, 84 et 151 depuis la même période.
Qui plus est, Horizon a servi 137 patientes de l’Île-du-Prince-Édouard en 2016. C’est près du tiers du total, soit 29,15%.
La sollicitation de service d’arrêt volontaire de grossesse est forte dans le sud-ouest de la province (Fredericton et Saint-Jean). En 2016, elles ont été 204 à recourir à la procédure, les deux réseaux confondus, et 206 en 2015.
Ces statistiques donnent raison à ceux qui clamaient que la décision d’Horizon n’aidait en rien l’accessibilité à ce droit des femmes.
En mai 2015, le Globe and Mail a dévoilé une série d’échanges de courriels entre le PDG d’Horizon, John McGarry, et ses collaborateurs. Dans un courriel daté du 1er décembre 2014, la directrice générale du réseau hospitalier de Saint-Jean, Brenda Kinney, suggérait l’Hôpital régional de Saint-Jean pour offrir la procédure.
Dans un courriel subséquent, le 21 janvier, John McGarry a indiqué préférer l’Hôpital de Moncton, expliquant que la «forte présence Irlandaise catholique» dans la région de Saint-Jean engendrerait des risques et des coûts pour assurer la sécurité du personnel et des patientes.
Le PDG a ensuite rectifié ses propos en entrevue avec l’Acadie Nouvelle, spécifiant que cette réalité ne motiverait pas la décision finale. Questionné à savoir si Horizon songerait à offrir ce service dans un de ses hôpitaux du Sud-Ouest, il avait alors indiqué vouloir attendre plus longtemps avant de réévaluer la situation.
Pas de changement en vue, dit Horizon
Malgré ce qu’a laissé entendre Brian Gallant en rencontre éditoriale à l’Acadie Nouvelle la semaine dernière, le réseau de santé Horizon n’a pas l’intention d’étendre la cessation volontaire de grossesse à ses établissements du Sud-Ouest. Du moins, pas pour l’instant.
Nous avons sollicité une entrevue avec John McGarry à la lumière de ces nouvelles statistiques sur la provenance des patientes, mais le réseau de santé s’est contenté d’émettre une déclaration via courriel.
«Nous avons présentement les capacités et les ressources pour satisfaire les besoins de notre clinique de Moncton. […] La gestion de l’accès et du coût était notre raison principale d’offrir ce service à un seul point, soit à l’Hôpital de Moncton», a indiqué la conseillère principale en relation avec les médias, Stephanie Neilson-Levesque.
Le site a été désigné pour accueillir près de 600 procédures de cessation volontaire de grossesse par an, poursuit-elle.
Quant aux patientes de l’Île-du-Prince-Édouard, la conseillère rappelle que le gouvernement planifie l’implantation d’un service éventuel.
«Nous continuerons de travailler avec Santé IPE en accommodant les requêtes des patientes de l’Île-du-Prince-Édouard.»
Horizon doit réévaluer son approche, clame le Regroupement féministe
Les statistiques exclusives obtenues par l’Acadie Nouvelle n’étonnent en rien la directrice générale du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick.
«Ça démontre clairement le besoin de ce service à Saint-Jean et à Fredericton, mais il ne faut pas oublier les autres régions plus rurales. Il n’y a pas d’offre de ce service dans le Nord-Ouest non plus», dit Nelly Dennene.
Disponibilité n’est pas synonyme d’accessibilité, souligne la jeune femme. La condition socioéconomique des patientes doit être mise à l’avant des considérations politiques.
«Certaines n’ont pas de voiture ou simplement pas les moyens de faire 1h30 de route pour y recourir. Ces femmes ne sont pas comptabilisées dans ces statistiques et c’est difficile de mettre un nombre exact sur elles. Horizon doit étendre son service ailleurs.»
Même son de cloche chez Justice reproductrice Nouveau-Brunswick. Allison Webster, porte-parole, demande au réseau de santé Horizon de réévaluer son offre de service à la lumière de ces nouvelles statistiques.
«Avec ces statistiques, personne ne peut nier la demande importante dans le Sud-Ouest.»
Il s’agit d’un enjeu politisé, dit-elle, d’où la source des barrières entre l’accessibilité au service et les femmes.
«Il y a des facteurs externes en jeu. Le stigma entourant la procédure décourage les femmes d’affirmer leur droit de la demander. Le gouvernement et le réseau savent que c’est facile de balayer cet enjeu sous le tapis. Il faut le dénoncer.»
La jeune femme garde malgré tout espoir.
«J’espère que le gouvernement et le réseau de santé Horizon vont se rendre à l’évidence et comprendre pourquoi l’enjeu d’accessibilité, la réelle accessibilité, est important. C’est un droit des femmes d’accéder à cette procédure quand elles en ont besoin.»