Une délégation du Sénégal a atterri à Moncton, cette semaine, afin de trouver des solutions pour son industrie de la pêche. Le pays africain fait face à un déclin des stocks, un problème de braconnage et – pendant la saison de pointe – du gaspillage.

Avec un sourire désarmant et une facilité pour les liens amicaux, Adama Faye, directeur adjoint de la Protection et de la surveillance des pêches du Sénégal, a accompagné quatre collègues mercredi lors de la visite d’une boucanière de Petit-Cap, près de Cap-Pelé.

Le haut fonctionnaire sénégalais a eu l’occasion d’examiner les installations et discuter avec Guy Boudreau, propriétaire de l’usine Alvin & Rufin Boudreau. Il espère importer les techniques de boucanage du hareng en Acadie au Sénégal. Pendant la saison de pointe, les Sénégalais gaspillent beaucoup de sardinelle (connu localement comme le yaboy), faute d’une technique qui permet d’en conserver en quantité commerciale.

Si M. Faye a une attitude détendue, la nature de sa visite est sérieuse.

Sur les côtes ouest de l’Afrique, le Sénégal traverse une crise des fruits de la mer. Depuis des années, les stocks de poissons dans les eaux de sa côte ouest sont décimés par la surpêche, des changements climatiques et du braconnage de navires internationaux.

L’ampleur de la chute est difficile à comptabiliser, puisque le Sénégal ne tient pas de statistiques détaillées et périodiques sur la biomasse. Des faits anecdotiques tracent cependant un portrait de la crise.

Afin de maintenir leur niveau de capture, les pêcheurs sénégalais s’éloignent de plus en plus des côtes chaque année. Plusieurs le font sans gilet de sauvetage.

«Ce comportement des pêcheurs artisans a révélé ses conséquences. Car les pertes en vie humaine déclarées à nos services dépassent l’entendement. À cela s’ajoutent les dégâts matériels inestimables», peut-on lire sur le site Internet de l’agence de pêche sénégalaise.

«Ils perdent plusieurs pêcheurs par année. Ils n’ont pas d’équipement et ils utilisent des bateaux ouverts, loin au large. Dans leur loi, ils doivent porter des gilets, mais souvent ils ne le font pas», explique Pierre Mallet, gestionnaire régional au ministère des Pêches et des Océans (MPO).

Un dossier publié dans le New York Times en fin avril dévoile qu’en raison de pratiques de pêche illégales de pays étrangers, particulièrement la Chine, la pêcherie du Sénégal est au bord du gouffre. D’immenses navires chinois capturent en une seule semaine ce que l’ensemble des pêcheurs sénégalais débarque en un an.

Le Sénégal n’aurait cependant pas les ressources nécessaires pour renforcer ses lois marines. Les braconniers se tiennent aux frontières des zones de pêche sénégalaises, ce qui leur permet de s’échapper facilement. De plus, le gouvernement n’aurait pas les moyens d’acheter de l’équipement d’imagerie satellite et des navires et avions de surveillance.

«Ils ont un avion, mais elle est en panne et ils n’ont pas d’argent pour la réparer. La France les aide beaucoup au niveau de patrouilles conjointes», mentionne M. Mallet.

«Au Sénégal, 70% à 80% des protéines proviennent de la pêche. Si les stocks s’épuisent, ça va causer un problème majeur.»

Jeudi, la délégation sénégalaise a visité la Station biologique de St Andrews afin d’apprendre des chercheurs canadiens sur les grands pélagiques.

M. Faye passera au moins trois jours avec des agents de pêche du MPO, pendant lesquels il fera des survols aériens et recevra de l’information sur les systèmes de suivi des captures et la surveillance des navires par satellite (VMS).

Les relations diplomatiques entre les ministères de pêche canadien et sénégalais remontent à une trentaine d’années. Une délégation canadienne a visité le Sénégal, l’an dernier, alors que la dernière visite sénégalaise au Canada remonte à 2013.

Le MPO a payé les dépenses de la délégation sénégalaise en visite au Canada. Chaque année, les pêcheurs de l’industrie d’espadon en Nouvelle-Écosse donnent 100 000$ à l’industrie de la pêche sénégalaise.

Pêche illégale au Sénégal

Quand l’Acadie Nouvelle a interrogé M. Faye sur l’état des stocks de sardinelle, il n’a pas adressé le braconnage de pêcheurs internationaux et a minimisé le déclin de la ressource. Il a plutôt parlé d’une stabilité dans la pêche.

«Le stock est, apparemment, un peu stable. Vous savez, la sardinelle est très dépendante des changements climatiques. Il y a certaines espèces – au niveau de la biomasse – qui ont connu certaines perturbations. N’empêche que la production est assez stable. C’est cette sardinelle qui constitue la base de la nourriture de ces Sénégalais.»

En 2012, le Sénégal a fait l’objet d’une enquête majeur de Greenpeace. L’organisation non gouvernementale internationale avait braqué les projecteurs sur le «pillage organisé» dans la pêche du pays africain. L’ancien gouvernement de l’état aurait accordé des autorisations illicites à des navires étrangers.

Entre décembre 2011 et avril 2012, les pêcheurs de l’extérieur auraient pêché illégalement 125 000 tonnes de poisson, soit l’équivalent de la moitié de la totalité des prises des pêcheurs sénégalais en une année.

En février, le quotidien français Le Monde a décrit comment des producteurs de farine de poisson coréens, russes et chinois achètent à faible prix la sardinelle – espèce qui forme la base de la cuisine sénégalaise – afin de produire de la nourriture pour des animaux d’élevage.

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