L’opposition soutenue des citoyens à l’épandage d’herbicides ne semble pas freiner le recours à ces produits chimiques. Depuis 2010, le déversement d’herbicides sur les forêts publiques continue de progresser.

Le Nouveau-Brunswick, qui ne représente que 0,7 % de la superficie canadienne, se classe deuxième parmi les provinces canadiennes pour le nombre d’hectares de forêt traités au glyphosate.

D’après la base de données nationale sur les forêts, 28 698 hectares de terres forestières ont été pulvérisés avec des herbicides en 2015. En 2010, la superficie totale traitée atteignait 20 862 hectares, soit 40% du total des terres forestières exploitées.

Pour 2017, la province a approuvé le déversement d’herbicides sur 16 816 hectares de forêts de la Couronne. C’est davantage que lors des années 2016 (16 131 ha), 2015 (15 475 ha) et 2014 (14 214 ha).

Ce montant ne concerne que les forêts publiques et ne représente donc qu’une partie de la superficie totale des terres traitées par herbicides au Nouveau-Brunswick.

Si le glyphosate sert aux agriculteurs, aux forces armées ou à Énergie NB, il est principalement utilisé par l’industrie forestière pour freiner la croissance des feuillus et favoriser la croissance des conifères.

Sans surprise le plus gros joueur, J.D. Irving est la compagnie forestière qui s’en servira le plus. Elle traitera 7000 hectares de terres publiques cette année. Viennent ensuite Fornebu Lumber (3800 hectares), Acadian Timber (3484 hectares) et A.V. Groupe (2457 hectares).

Inquiétudes des environnementalistes

Face à cette tendance, le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick continue de réclamer l’interdiction du glyphosate dans les forêts de la Couronne.

«Nous sommes en train d’éradiquer des sources de nourriture et les habitats de nombreuses espèces», s’alarme Tracy Glynn, directrice de la conservation des forêts.

Elle souhaite que la province suive la voie du Québec qui a interdit l’épandage d’herbicide sur les forêts publiques depuis 2001.

«Dans le passé, on a vu que certains produits approuvés par Santé Canada ont été interdits par la suite. La province devrait se servir du principe de précaution et imposer un moratoire, de nombreuses études démontrent les impacts sur la santé humaine et les animaux.»

Membre de Stop Spraying NB, Caroline Loubbe-Darcy croit que l’arrosage continuera de progresser. Elle craint que les forêts mixtes naturelles de la province de conifères et de feuillus soient transformées en plantations d’épinette et de pin gris.

«L’entente forestière de 2015 a ouvert la voie à plus de coupes à blanc et plus d’épandage sur les terres publiques. Nous allons continuer de voir nos forêts être converties en plantations et nous ne récupérons pas suffisamment d’argent de nos ressources», dit-elle.

«Énergie NB devrait plutôt employer des Néo-Brunswickois pour couper les arbres près des lignes et y planter des arbustes ou des bleuets.»

Les utilisateurs assurent réduire les risques

Mary Keith, vice-présidente des communications de J.D. Irving, note que seulement 0,3% des forêts du Nouveau-Brunswick sont concernées par l’épandage.

«Les herbicides sont un outil efficace de gestion forestière et sont utilisés de manière limitée. L’herbicide que nous utilisons est approuvé par Santé Canada et couramment utilisé dans les cultures agricoles agricoles», écrit-elle.

«Santé Canada a conclu que, lorsqu’ils sont utilisés selon les instructions de l’étiquette, les herbicides à base de glyphosate ne présentent aucun risque visible pour la santé humaine.»

Énergie NB se sert également du glyphosate pour contrôler la végétation sous ses lignes de transmission.

L’entreprise a reçu l’approbation du ministère de l’Environnement pour l’application des produits herbicides Navius, Clearview Brush et Vision Max sur environ 1500 hectares pendant l’été 2017.

Sur son site internet, la société de la Couronne assure que toutes les mesures sont prises pour limiter l’exposition des citoyens aux herbicides en les pulvérisant à bonne distance des zones habitées.

Du côté de la base militaire de Gagetown

Cet été, l’armée a pulvérisé des herbicides sur une superficie de 700 hectares à la base de Gagetown, au sud-est de Fredericton.

Stéphanie Duchesne, officière aux affaires civiles, indique que l’épandage est terminé et qu’il concernait principalement le champ de tir et le secteur d’entraînement. L’objectif est de limiter les risques d’incendie et de dégager le champ de vision.

«Empêcher la repousse de végétation nous permet de voir l’objectif lorsqu’on fait du tir réel et des manoeuvres», explique-t-elle.

«L’épandage se fait notamment dans les zones qui contiennent des obus non explosés, ce sont des secteurs dans lesquels on ne peut pas retirer la végétation mécaniquement.»

Un produit aux effets incertains

Le glyphosate, vendu sous les noms Roundup, Forza où Vision Max est l’herbicide le plus utilisé au monde. Ses effets sur la santé des humains, la faune et la flore continuent de diviser la communauté scientifique et les organismes de réglementation.

En 2015, les experts du Centre international de recherche sur le cancer ont classé le glyphosate dans la catégorie «cancérogène probable». Le produit a été reconnu potentiellement cancérigène par l’État de Californie il y a quelques semaines.

En avril dernier cependant, Santé Canada a déterminé que les produits contenant du glyphosate ne posent aucun danger pour la santé humaine et l’environnement, s’ils sont utilisés conformément au mode d’emploi qui figure sur l’étiquette.

Dans un rapport publié l’été dernier, le Bureau du médecin-hygiéniste de la province concluait que le risque pour la population est faible, même si l’incertitude persiste au sujet des effets du glyphosate sur la santé humaine. «Les niveaux d’exposition à cet herbicide au Nouveau-Brunswick sont semblables ou inférieurs à ce qu’ils sont ailleurs», écrivait la Dre Jennifer Russell.

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