Au cours de la dernière année, le nombre d’ambulanciers bilingues est passé de 327 à 314. - Archives
Ambulance NB a «dérogé à ses obligations»
Les plaintes au Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick se succèdent, mais la situation ne s’améliore pas, elle se détériore. Ambulance NB compte aujourd’hui moins d’employés bilingues qu’auparavant.
La commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick critique sévèrement, encore une fois, l’organisme responsable d’offrir les services ambulanciers dans la province. Dans son dernier rapport, dont l’Acadie Nouvelle a obtenu copie, Katherine d’Entremont, affirme qu’Ambulance NB (ANB) a «dérogé à ses obligations dévolues en vertu de la Loi sur les langues officielles» et émet plusieurs recommandations.
Ce dernier rapport découle d’une plainte de Murielle et Danny Sonier de Moncton. Les événements remontent au 2 décembre 2016. S’inquiétant de la santé de son frère qui souffre de problèmes cardiaques, Murielle compose le 911. Les pompiers étaient les premiers arrivés sur les lieux. Deux ambulancières sont ensuite arrivées.
Les Sonier ont demandé un service en français.
«We don’t speak French», c’est ce que les travailleuses paramédicales lui ont répondu, selon Mme Sonier. Mme Sonier a été forcée d’agir à titre d’interprète pour son frère qui ne s’exprime pas très bien an anglais.
«Moi-même, agir en tant que traductrice, je ne suis pas confortable. Je ne suis pas infirmière ni médecin. Moi je pourrais mettre mon frère en danger. Il faut être capable de communiquer avec le patient dans sa langue», a confié Mme Sonier à l’Acadie Nouvelle.
Ce n’est pas la première fois que les Sonier portent plainte au bureau de la commissaire aux langues officielles. Une situation similaire s’était produite en 2013. Une plainte avait été déposée et les Sonier ont eu recours aux tribunaux. ANB a reconnu avoir manqué à ses obligations et avait promis de rectifier la situation. Trois ans plus tard, rien ne semble avoir changé.
«Un anglophone qui fait un accident à Tracadie a lui aussi le droit d’avoir les services dans sa langue. Les deux communautés linguistiques ont le droit à ces services dans leur langue. C’est bien beau que la commissaire fasse tout pour régler ces situations. Elle fait des recommandations, mais ces recommandations ramassent de la poussière sur des tablettes», a ajouté la plaignante.
Le juriste et expert des droits linguistiques, Michel Doucet, représente les Sonier depuis leur première plainte à la commissaire aux langues officielles. Ce dernier rapport fournit des munitions au camp des Sonier qui retourne en cour en novembre pour l’audience sur les redressements (compensations).
«Évidemment, le dernier rapport de la commissaire, comme ses autres rapports, on a certainement l’intention de les utiliser à l’audience pour démontrer qu’il y a une violation systémique des obligations linguistiques de la part d’ANB», a précisé Me Doucet.
À la suite de la première plainte des Sonier, en 2013, ANB avait affirmé vouloir corriger le tir en embauchant davantage de personnel bilingue et en formant des employés. Les efforts n’ont vraisemblablement pas porté leurs fruits.
Au cours de la dernière année, ANB affirme avoir embauché 43 travailleurs paramédicaux. Seulement 19 d’entre eux détenaient le niveau de compétence minimal requis pour être considérés bilingues. De plus, en moins d’un an, le nombre d’ambulanciers bilingues est passé de 327 à 314.
«On s’aperçoit avec le dernier rapport de la commissaire que non seulement ça ne s’améliore pas, mais que ça se détériore. Il y a moins d’employés bilingues cette année que l’année dernière. On ne semble pas en mesure de corriger les problèmes qui se présentent. On continue toujours à utiliser la ligne téléphonique (de traduction) alors que la commissaire a souligné dans plusieurs rapports que c’est inacceptable», a renchéri Me Doucet.
Ambulance NB à répondu par courriel à la demande d’entrevue de l’Acadie Nouvelle. L’organisme dit avoir besoin de plus de temps pour analyser le rapport de la commissaire.
«Ambulance Nouveau-Brunswick comprend qu’elle est obligée par la loi de servir les patients dans la langue de leur choix et il s’agit pour nous d’une priorité. Nous avons reçu le document comptant les recommandations de la commissaire aux langues officielles le 24 août. Nous examinerons ses recommandations attentivement et y répondrons conformément à sa demande» a écrit Karen Rawlines, spécialiste des communications chez ANB.
La balle est maintenant dans le camp du gouvernement selon l’expert en droit linguistique. C’est à Fredericton à prendre les mesures nécessaires pour qu’ANB s’acquitte de ses obligations.
Le ministère de la Santé a affirmé, par courriel lundi après-midi, travailler avec ANB pour s’assurer que l’organisme respecte ses engagements en matière linguistique. La porte-parole de ministère soutient que le CCNB offre maintenant une formation en français et que l’embauche de travailleurs paramédicaux est une priorité.
«Cette formation technique pour les futurs travailleurs paramédicaux aidera la province à assurer que les patients obtiennent des services dans la langue officielle de leur choix partout au Nouveau-Brunswick», a avancé Sarah Williams, pote-parole de ministère de la Santé.
Les recommandations
Que l’institution mette à la disposition les ressources nécessaires et instaure les mesures qui permettront la formation à grande échelle de travailleurs paramédicaux détenant la capacité en langue seconde du niveau avancé (3)
Que l’institution procède à l’embauche prioritaire de travailleurs paramédicaux détenant la capacité minimum en langue seconde de niveau avancé (3), et ce dans les plus brefs délais afin d’être en mesure de se conformer à ses obligations dévolues par la Loi sur les langues officielles.
Que l’institution constitue des unités bilingues suffisantes partout en province pour être en mesure d’intervenir en tout temps afin d’octroyer un service de qualité dans les deux langues officielles.
Que l’institution cesse d’affirmer que l’utilisation du service d’interprétation téléphonique, afin de contrebalancer l’unilinguisme de ses employés pour, répond à ses obligations dévolues par la Loi sur les langues officielles en matière de prestation de service.
«Pour le service de qualité inégale, appuyez sur le 2»
Dans son rapport sur Ambulance Nouveau-Brunswick, la commissaire aux langues officielle, Katherine d’Entremont, dénonce l’utilisation potentielle d’un service de traduction par téléphone pour ses travailleurs paramédicaux.
«Un service essentiel comme la prestation de soins urgents peut seulement être octroyé en personne afin d’assurer de comprendre toutes les subtilités des besoins du patient et d’agir dans l’urgence», a indiqué la commissaire dans son rapport.
Selon Mme d’Entremont, ANB a laissé sous-entendre que le service d’interprétation téléphonique lui permet de répondre à ses obligations en matière de langues. Les délais occasionnés par cette technologie et la difficulté à communiquer font en sorte qu’ANB ne peut s’acquitter de ses obligations de cette façon selon la commissaire.
«Sans détour, le Commissariat juge que l’utilisation de ce système va à l’encontre des obligations qui sont dévolues à l’institution et ne permet aucunement d’assurer la prestation de service de qualité égale entre les membres du public qui s’exprime en anglais et en français partout dans la province», a avancé la commissaire.