Dave Gallant a construit une cabane dans les bois, dans laquelle il a vécu seul pendant trois mois. - Gracieuseté
L’auto-isolement et l’autosuffisance, bien avant la COVID-19…
Quelques Néo-Brunswickois adoptent des modes de vie alternatifs pour se rapprocher de la nature et devenir autosuffisants. Ils sont marginaux, mais l’Acadie Nouvelle s’est entretenue avec deux d’entre eux pour en apprendre plus sur leur existence dite «hors réseaux».
Dominic Béland est fier de lui tandis que la société s’inquiète des conséquences possibles de la pandémie de COVID-19.
«Ma ferme est encore branchée à Énergie NB, mais j’y installerai des panneaux électriques l’an prochain, annonce le propriétaire de l’entreprise Queen’s Farm à Riverside Albert. S’ils ne me fournissent pas assez d’énergie, je me chaufferai au bois.»
Le quinquagénaire prévoit d’investir entre 20 000 et 35 000$ pour son autonomie électrique. L’ancien scout raconte aussi fabriquer son pain, élever ses cochons, chasser le chevreuil, récolter son miel et pratiquer la permaculture.
«Ça fait 20 ans que ma famille et mes amis me trouvent parano, alors que je veux seulement me préparer, dénonce l’adepte de la vie dite «hors réseaux» (off-the-grid, en anglais). L’économie s’effondre. Savoir être autonome est essentiel quand tout s’arrête.»
Il souligne par exemple le fait que les Néo-Brunswickois mangent des aliments produits à 97% hors de leur province.
Comme lui, quelques Occidentaux veulent se déconnecter des réseaux, qu’ils donnent accès à l’énergie, aux télécommunications, à l’eau courante, à la nourriture ou au traitement des déchets.
L’éditeur du site internet off-grid.net a estimé leur nombre à 75 000 au Royaume-Uni et à plus d’un million aux États-Unis en 2014. Le groupe Facebook Off Grid Comments and Question – East Coast, dont une administratrice habite au Nouveau-Brunswick, compte 1700 membres.
Le professeur en ethnographie de l’Université Royal Roads en Colombie-Britannique, Phillip Vannini souligne qu’aucune statistique établie scientifiquement n’existe à ce sujet. Le chercheur appuie par ailleurs sur le fait que la vie hors réseau n’est pas un choix dans la grande majorité des cas.
«Nous devons nous rappeler que ce mode de vie est la norme historique, et non l’inverse, rappelle-t-il. L’électrification n’est pas arrivée dans certaines régions rurales du monde occidental jusque tard dans le 20e siècle. Même après ça, des habitants n’avaient pas accès au réseau en Amérique du Nord.»
L’autosuffisance
Vivre de façon autonome est néanmoins devenu plus pratique et plus confortable à partir des années 1990, lorsque les moyens de production d’énergies renouvelables (les panneaux solaires par exemple) ont commencé à devenir accessibles aux particuliers. Ainsi, des villages hors réseau sont apparus au Japon, en Australie, au Danemark…
Atteindre l’autosuffisance est aujourd’hui simple d’après M. Béland.
«Ce sont des notions que l’on perd parce que nos anciens meurent», admet-il néanmoins au sujet de la production de nourriture.
Un autre adepte de la vie hors réseau, Dave Gallant insiste au contraire sur les difficultés qu’il a rencontrées durant les trois mois d’hiver qu’il a passés seul dans une cabane en forêt.
«De plus en plus de gens veulent échapper à toute cette stimulation et à tout ce bruit dans leur vie, utiliser moins de ressources et avoir une vie plus simple, observe-t-il. La réalité, cependant, c’est que la simplicité réside dans une maison normale, avec l’eau courante et le chauffage.»
Le quadragénaire raconte son expérience des affres du froid, de l’humidité, de la corvée d’eau, du travail manuel et, surtout, de la solitude.
«La distance avec les amis et ma famille a été un problème plus important que prévu, se souvient-il. Le manque d’électricité au fond des bois donne l’impression de se trouver à des années-lumière de tout.»
Le travailleur autonome en communication numérique était pourtant coupé du monde en partie seulement. Il pouvait notamment brancher un ordinateur et un téléphone sur des batteries chargées grâce à un panneau solaire fixé sur sa camionnette.
Le calme et la paix sont toutefois les raisons pour lesquelles il tentera à nouveau l’aventure en solitaire dans quelques mois au milieu de la nature, près de Moncton.
La vie paisible est l’un des principaux avantages recherchés grâce à la déconnexion des réseaux selon un article écrit en 2012 par M. Vannini et son collègue Jonathan Taggart d’après 115 entrevues.
«Plutôt que la réclusion, c’est une paix idyllique et une retraite qu’ils cherchent», ont-ils constaté à propos de leurs intervenants.
Ils ont ajouté que l’autosuffisance était notamment une façon pour les gens de se séparer d’éléments indésirables d’un endroit et d’une société. Autrement dit, de s’éloigner de la société de consommation et de ses injonctions.