Le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc. - Archives
Avortement: Ottawa tape sur les doigts du gouvernement Higgs
Pour sanctionner son refus de financer les interruptions de grossesse pratiquées en dehors des hôpitaux, le gouvernement fédéral privera le Nouveau-Brunswick d’un peu plus de 140 216 $ de transferts en santé cette année.
Après avoir reproché à la province de contrevenir à la Loi canadienne sur la santé en ne couvrant pas les services d’avortement reçus à l’extérieur du milieu hospitalier, le gouvernement Trudeau revient à la charge. Il a annoncé lundi qu’une pénalité de 140 216$ sera imposée au Nouveau-Brunswick.
«Nous jugeons que le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne donne pas suffisamment d’accès aux services d’avortement assurés, qui sont protégés par un droit constitutionnel accordé aux femmes», a exprimé le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc. «Il n’y a pas un accès équitable et suffisant aux services financés par le gouvernement provincial.»
Le gouvernement progressiste-conservateur fait le choix du statu quo dans ce dossier en maintenant le règlement 84-20 de la Loi sur le paiement des services médicaux, qui ne considère pas l’avortement comme un service assuré, sauf lorsqu’il est pratiqué dans un établissement hospitalier.
Cette position était aussi celle du gouvernement libéral de Brian Gallant avant lui. Les clientes de la clinique 554 de Fredericton, le seul établissement privé qui offre des services d’avortement dans la province, doivent donc débourser jusqu’à 850$.
Confrontée à des difficultés financières, la clinique a réduit l’accès à ses services depuis septembre et est en vente depuis plus d’un an.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle sanction est décrétée. En avril 2020, le gouvernement Trudeau avait réduit ses transferts d’un peu plus de 140 000$ — soit les montants estimés que les patientes auraient payés à la clinique pour des avortements en 2017.
Cette somme avait finalement été remise au gouvernement néo-brunswickois quelques semaines plus tard en raison des dépenses supplémentaires occasionnées par la pandémie. Dominic LeBlanc assure qu’il n’en sera pas ainsi cette fois. Le député libéral de Saint Jean – Rothesay, Wayne Long, a salué mardi une «étape concrète pour aider à défendre le droit de choisir dans notre province».
De son côté, le gouvernement de Blaine Higgs répète que la position de la province ne déroge pas aux exigences fédérales, car les avortements sont couverts par le régime public dans les deux hôpitaux de Moncton et celui de Bathurst.
Invitée à réagir à la décision d’Ottawa, la ministre de la Santé Dorothy Shephard a laissé entendre que celle-ci ne fera pas changer sa politique et que les conséquences seront minimes.
«140 000$, ce n’est pasune nouvelle, M. Long va faire de grandes déclarations et nous procédons conformément aux politiques que nous avons en place.»
Ce bras de fer s’est intensifié depuis la campagne électorale fédérale de 2019. Justin Trudeau avait alors averti son homologue néo-brunswickois qu’il «serait prêt à utiliser tous les outils nécessaires» pour forcer la province à accroître l’accès à l’avortement.
La pression vient aussi de plusieurs groupes, et notamment de l’Association canadienne des libertés civiles, qui a déposé le mois dernier un recours judiciaire à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick exigeant que le gouvernement de Blaine Higgs inclue les avortements non hospitaliers dans la liste des services couverts par l’assurance maladie.