Les Premières Nations du Nouveau-Brunswick attendent plus que la mise en berne de drapeaux et une minute de silence après la découverte des corps de 215 enfants à Kamloops, en Colombie-Britannique. Elles appellent la province à se confronter à son passé avec honnêteté.

La découverte des restes de 215 enfants issus de la Première nation Tk’emlups te Secwepemc a bouleversé les Canadiens d’un bout à l’autre du pays. Plusieurs cérémonies de recueillement ont eu lieu au Nouveau-Brunswick. Le groupe Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Inc (MTI), qui représente les chefs des neuf communautés mi’kmaques du N.-B., a voulu rappeler que le «traumatisme intergénérationnel des pensionnats et des écoles autochtones est récent et réel dans cette province».

Cette facette de l’histoire doit être transmise davantage, estiment les chefs George Ginnish (Natoageneg/Eel Ground) et Rebecca Knockwood (Fort Folly), coprésidents de MTI.

«Jusqu’à présent, les Néo-Brunswickois n’ont pas été suffisamment renseignés sur l’histoire des pensionnats et des écoles autochtones, et sur l’impact que cela a eu sur nos communautés», écrivent-ils dans une lettre ouverte.

Avant la création de la Confédération, des écoles destinées aux jeunes autochtones de St. Andrews, Woodstock, Fredericton, Sheffield, Sussex et Miramichi ont été regroupées au milieu des années 1790 à Sussex Vales, dans un seul établissement pensé comme un outil d’assimilation.

«Le programme résidentiel de l’école impliquait d’accueillir des enfants en bas âge, de restreindre les contacts avec leurs familles et de les tenir à l’écart des prêtres romains. Ceux qui terminaient leur apprentissage devaient être installés dans un domaine de la compagnie où, selon l’un des commissaires locaux, ils formeraient ‘’une communauté distincte d’Indiens civilisés’’», décrit l’historien J. W. Chalmers.

Des cas d’abus sexuels et de recours au travail des enfants ont finalement entraîné sa fermeture.

«Ce système était ouvert aux abus car les enfants finissaient comme domestiques ou ouvriers agricoles. L’école a fermé en 1826 car ce type d’école n’améliorait pas la vie des enfants autochtones comme on l’avait espéré», peut-on lire sur le site du Musée du Nouveau-Brunswick.

Le groupe Mi’gmawe’l Tplu’taqnn rappelle aussi que plusieurs enfants mi’kmaqs et wolastoqueys du Nouveau-Brunswick ont été retirés de leurs familles pour être envoyés au pensionnat de Shubenacadie qui a été ouvert jusqu’en 1967. De plus, si le gouvernement canadien n’a pas financé de pensionnat au Nouveau-Brunswick, la province a compté 12 écoles de jour situées sur les réserves autochtones ou à proximité, des établissements financés par Ottawa et gérés par les églises catholiques et anglicanes. Celle de Metepenagiag a notamment gardé ses portes ouvertes jusqu’en 1992.

Les chefs mi’kmaqs demandent donc que les gouvernements engagent des ressources pour la recherche et la sensibilisation autour de cette page d’histoire et qu’ils donnent suite aux 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.

«Avant la réconciliation doit venir la vérité», disent-ils.

Dans un message, l’organisation rassemblant les chefs des six communautés Wolastoqeys du Nouveau-Brunswick exprime quant à elle sa «grande tristesse».

«Pour de nombreux Canadiens, cela peut sembler être de l’histoire ancienne, mais pour les peuples autochtones de tout le pays, il s’agit toujours d’une réalité quotidienne avec laquelle nous continuons de vivre. Bien que le gouvernement canadien ait supprimé les écoles de jour et les pensionnats autochtones il y a des décennies, nos parents et grands-parents portent encore les cicatrices physiques et mentales de ces horribles institutions, des cicatrices qui se transmettent à travers les générations. Nous espérons que tous les Canadiens, les Néo-Brunswickois et les peuples autochtones prendront ce temps pour réfléchir sur le visage laid de l’histoire canadienne. Nous rappelons également à tous les Canadiens qu’il y a actuellement plus d’enfants dans le système de protection de l’enfance qu’à l’apogée des pensionnats autochtones.»

Lundi, les drapeaux des cinq campus du CCNB ont été mis en berne. – Gracieuseté

Le gouvernement provincial promet d’enquêter

Mardi, le premier ministre Blaine Higgs a promis devant les députés que la province se penchera sur les écoles de jour autochtones pour déterminer si des enfants «ne sont pas rentrés chez eux, et pourquoi».

«Nous enquêterons sur chacun de ces endroits avec envie», a-t-il déclaré après que les élus aient observé une minute de silence.

«Chaque enfant compte, aucune politique ne réparera jamais les torts qui ont été commis à l’encontre des familles autochtones.»

Tous les députés portaient mardi un ruban orange soulignant la tragédie. La ministre Arlene Dunn a déclaré à l’Assemblée que son gouvernement voulait aller jusqu’au bout de cette question. La ministre n’a pas précisé d’échéancier ni de budget pour cette initiative puisqu’il est trop tôt pour s’engager à quoi que ce soit, selon elle. Elle ignore s’il faudra rechercher des dépouilles.

«Si on reconnaît le travail de la Commission sur la vérité et la réconciliation, on doit pouvoir arriver à la vérité», a dit la ministre, en ajoutant qu’elle veut «déterminer exactement ce qui s’est passé» au Nouveau-Brunswick.

Elle ajoute que l’objectif des écoles de jour était le même que celui des pensionnats, soit celui d’«enlever une culture et d’assimiler des enfants dans la structure colonialiste européenne».

La ministre Dunn a affirmé avoir parlé avec des chefs autochtones mardi matin, et dit qu’elle veut rencontrer tous les chefs de la province pour discuter de cet enjeu.

Au cours des derniers jours, plusieurs sites de l’ancien pensionnat de Shubenacadie, dans le centre de la Nouvelle-Écosse, ont été analysés à l’aide d’un radar pénétrant. Aucune tombe et aucun reste humain n’y a été trouvé jusqu’à présent.

Le chef du Parti vert, David Coon, appelle à la tenue de consultations publiques sur le racisme systémique. Le chef de l’opposition officielle, Roger Melanson, invite le premier ministre à «s’asseoir avec les Premières Nations et écouter ce qu’elles ont à dire».

«Dans notre pays, durant des générations, et avec la complicité de nos institutions, des milliers de parents autochtones ont été privés du droit de voir grandir leurs enfants, de les éduquer selon leur culture, du droit de les protéger, a exprimé plus tôt en chambre Lisa Harris, porte-parole libérale pour les Affaires autochtones. Des enfants ont été brutalisés, blessés, tués. C’est le visage hideux de la colonisation et du racisme systémique. Durant des générations, les Premières Nations nous l’ont dit, mais nous n’avons pas écouté.»

Avec la collaboration du journaliste Alexandre Boudreau

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