Comme en 2019, la position du Nouveau-Brunswick, seule province à refuser de financer les interruptions de grossesse pratiquées en dehors des hôpitaux, alimente les prises de position des partis fédéraux.

Le règlement provincial 84-20, qui ne considère pas l’avortement comme un service assuré sauf lorsqu’il est pratiqué dans un hôpital, demeure l’objet d’un bras de fer entre Ottawa et Fredericton.

Au Nouveau-Brunswick, des avortements chirurgicaux sont pratiqués dans trois hôpitaux, soit le Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont de Moncton et l’Hôpital régional Chaleur de Bathurst, tous deux relevant du réseau Vitalité, ainsi que de l’hôpital de Moncton, relevant du réseau Horizon. Le gouvernement Higgs continue de s’opposer au remboursement des procédures pratiquées par la Clinique 554, une clinique privée située à Fredericton.

Le premier ministre maintient que la position de la province ne déroge pas à la Loi canadienne sur la santé, qui stipule que rien ne peut entraver, directement ou indirectement, l’accès raisonnable aux services de santé financés par l’État. Ce choix est aujourd’hui contesté en Cour du Banc de la Reine par l’Association canadienne des libertés civiles.

À quelques jours du scrutin, comment se positionne chaque parti sur cet enjeu provincial?

Erin O’Toole s’est démarqué de ses prédécesseurs en devenant le premier chef conservateur à se dire ouvertement «pro-choix». Dans sa plateforme, le parti assure qu’un «gouvernement conservateur ne soutiendra aucune mesure législative visant à réglementer l’avortement» et dit également vouloir «protéger le droit de conscience des professionnels de la santé».

Lors de son passage à Fredericton, M. O’Toole s’est prononcé en faveur du statu quo, en déclarant que les Néo-Brunswickoises ont actuellement accès aux services d’avortement et qu’il laisserait au gouvernement provincial le soin de décider comment les fournir et les financer s’il devenait premier ministre.

«La façon dont les provinces gèrent leurs systèmes de santé n’est pas ce avec quoi le gouvernement fédéral devrait s’ingérer», plaide-t-il.

Comme il l’avait fait lors de la précédente campagne, Justin Trudeau s’est engagé une nouvelle fois à faire pression sur le premier ministre Blaine Higgs pour que les avortements chirurgicaux réalisés à l’extérieur des hôpitaux soient remboursés par l’assurance-maladie. Jusqu’à présent, Ottawa s’est contenté de retenir 140 000$ des transferts fédéraux en santé destinés à la province.

Dans sa plateforme, le Parti libéral du Canada promet d’établir de nouveaux règlements plus explicites «afin qu’il ne fasse aucun doute, peu importe où une personne vit, qu’elle ait accès à des services de santé sexuelle et reproductive». Il s’engage à sévir contre les provinces qui ne respecteraient pas cette norme, avec des pénalités automatiques appliquées aux transferts en santé.

De son côté, le NPD fait valoir que la position libérale est de la «poudre aux yeux».

«Après 6 ans et toute cette rhétorique, le fait demeure que les femmes du Nouveau-Brunswick ont toujours un accès limité à l’avortement», argumente la formation politique sur son site internet.

Les néo-démocrates réaffirment le droit des femmes à des services d’avortement «sûrs et accessibles, peu importe où elles vivent ou combien elles gagnent». «Il n’est pas suffisant que les élu·es disent qu’ils ne rouvriront pas le débat sur l’avortement, nous avons besoin de leaders qui prennent des mesures pour améliorer l’accès aux services. Nous mettrons la Loi canadienne sur la santé en application, pour s’assurer que les provinces rendent l’avortement médical et chirurgical disponible dans toutes les régions du pays, sans obstacle», peut-on lire dans leur programme.

Le programme du Parti vert ne va pas aussi loin, il propose simplement de «s’opposer à toute initiative du gouvernement visant à réduire l’accès à l’avortement légal et sans danger».

Comme d’autres groupes, le Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick tente de peser sur le débat en dénonçant une barrière législative et financière et un accès limité aux services.

Dans une lettre ouverte qu’il a cosignée, il encourage les futurs élus à «prendre les mesures nécessaires pour honorer le caractère universel et gratuit des soins de santé médicalement nécessaires, dont font partie les services d’avortement.»

La directrice générale, Julie Gillet, note que plus de la moitié de la population de la province doit voyager au-delà de deux heures pour se rendre dans l’un des trois centres hospitaliers, ce qui représente des coûts associés au déplacement et à la rareté du transport collectif interrégional.

«On aimerait que le gouvernement fédéral soit plus ferme et pose des gestes plus forts pour que la loi canadienne sur la santé soit respectée et que le règlement 84-20, qui empêche le remboursement des avortements effectués à l’extérieur des hôpitaux, soit abrogé», résume-t-elle.

Retenir une portion plus importante des paiements de transfert en santé, accorder du financement directement aux cliniques qui pratiquent des avortements ou mener des actions législatives ou juridiques visant à mettre en application la Loi canadienne sur la santé seraient autant d’options à la disposition du prochain gouvernement fédéral, souligne Julie Gillet.

La militante féministe ne voit toutefois que peu de raisons de faire preuve d’optimisme.

«Les choses ne bougent pas beaucoup», souffle-t-elle.

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