Jim Irving, co-PDG de l’entreprise JD Irving Limited. - Acadie Nouvelle: Alexandre Boudreau
L’interdiction du glyphosate serait «désastreuse» pour J.D. Irving
Un comité de députés réunis pour se pencher sur l’utilisation des pesticides au Nouveau-Brunswick a eu la visite de Jim Irving, co-PDG de JD Irving Limited, qui a affirmé que l’interdiction du glyphosate aurait des conséquences «désastreuses» pour l’entreprise.
Le Comité sur les changements climatiques et l’intendance de l’environnement étudie depuis plusieurs mois la question de l’utilisation du glyphosate au Nouveau-Brunswick.
Santé Canada estime que son utilisation est sécuritaire, mais le produit continue d’être controversé au Nouveau-Brunswick.
Le Nouveau-Brunswick paye environ 2,5 millions $ annuellement pour l’épandage d’herbicides sur les terres de la couronne.
Environ le tiers de ces terres sont gérées par l’entreprise JD Irving (JDI), un conglomérat qui gère des entreprises dans plusieurs secteurs, et qui est notamment un poids lourd de l’industrie forestière.
Andrew Willett, directeur de la recherche et du développement de JDI, a condamné ce qu’il qualifie de désinformation au sujet du produit.
«On ne peut pas faire des politiques publiques et des investissements publics (en s’appuyant sur) ce que dit Karen sur Facebook ou sur ce qu’on a lu sur Google.»
Jim Irving, le co-PDG de cette entreprise, a affirmé au comité de députés qu’une interdiction de l’épandage de glyphosate sur les terres de la Couronne serait désastreuse pour son entreprise.
«Ce serait désastreux à court terme, ce serait difficile, ça aurait un impact considérable sur nos affaires si on ne pouvait pas utiliser d’herbicide», a-t-il répondu à une question de la députée Francine Landry.
Le bois mou prélevé sur les terres de la couronne représente environ la moitié des ressources exploitées par JD Irving. Le reste provient de terrains privés.
Jim Irving a expliqué aux députés que l’industrie forestière au Canada a perdu des plumes et que plusieurs entreprises forestières ont déjà choisi d’aller voir ailleurs, notamment aux États-Unis.
«Les entreprises sont parties où c’est plus facile de réaliser des affaires, honnêtement. On est chez nous, ici», a dit le co-PDG.
Sans l’utilisation du glyphosate, il ne serait plus possible de continuer à investir de façon à ce que l’entreprise demeure compétitive sur le marché international, a affirmé Jim Irving aux députés.
L’industrie forestière est un employeur de taille au N.-B. Le gouvernement provincial estime que 24 000 personnes travaillent dans ce secteur, dont une bonne partie pour le compte de JD Irving.
L’empire Irving cherche aussi à trouver d’autres moyens d’arriver à ses fins sans utiliser de glyphosate, mais ces alternatives demeurent jusqu’à maintenant trop coûteuses ou beaucoup moins pratiques.
«Si on peut le faire, on va certainement le faire. (…) Ça coûte cher, et tout ce qui vient avec, c’est controversé. On aimerait ne pas avoir de controverse.»
David Coon, chef du Parti vert, a interrogé le magnat de l’industrie forestière sur les profits qu’elle réalise sur les terres publiques du N.-B.
«On n’a pas à vous donner ce chiffre. C’est une entreprise privée, on n’a pas à divulguer notre chiffre de ventes», a rétorqué Jim Irving.
Il a toutefois ajouté qu’environ 30% à 40% des matières premières utilisées par l’entreprise proviennent des terres de la Couronne.
David Coon a fait remarquer que le père de Jim Irving, James, dispose d’une fortune de 4,1 $ milliards de dollars américains, selon le magazine Forbes.
Il a laissé entendre que l’entreprise pourrait se permettre d’encaisser des dépenses si le glyphosate était interdit.
«Quand vous dites que le fait de suspendre l’utilisation du glyphosate serait catastrophique pour l’entreprise, pour moi, ça ne se tient pas debout.»
Il a aussi fait remarquer que l’entreprise ne manque pas de moyens pour avoir l’oreille du gouvernement puisqu’elle dispose de plus d’une dizaine de lobbyistes.
Jim Irving a écarté les propos du chef du Parti vert lorsqu’il s’est adressé à des journalistes à la fin de la réunion.
«Ça vient de M. Coon, il n’a jamais été un gros partisan de l’industrie. C’est sa base politique, d’être anti-entreprises», a dit Jim Irving.
Une comparution controversée
Le passage de l’entreprise forestière au comité de l’assemblée n’est pas passé inaperçu chez les opposants à l’utilisation du glyphosate.
Caroline Lubbe-D’Arcy, du groupe Stop Spraying NB, estime que J.D. Irving n’avait pas sa place au comité puisque l’entreprise peut déjà facilement faire connaître ses positions auprès du gouvernement.
Lundi, une vingtaine d’opposants au glyphosate ont manifesté à Riverview, près du bureau de circonscription du ministre des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie, Mike Holland.
Le député a passé au moins une demi-heure à débattre du sujet avec quelques-uns des manifestants.
JDI et Forest Protection Limited ne figuraient pas à l’horaire du comité il y a quelques semaines, mais elles ont été ajoutées à l’horaire à la suite d’un courriel envoyé par le président du comité, Bill Hogan, député progressiste-conservateur de Carleton.
M. Hogan fait valoir que le comité a déjà élargi sa plage horaire pour accommoder d’autres groupes, y compris des communautés autochtones.
«Au début, on n’avait pas l’intention d’inviter chaque Première Nation au Nouveau-Brunswick à se présenter devant nous, mais à la fin de la journée on l’a fait. Alors on a décidé d’offrir la même chance à JDI et Forest Protection Limited», a-t-il dit mardi.
Pour sa part, le ministre Holland affirme qu’il ne sentait pas le besoin d’accueillir l’entreprise au comité puisque la volonté de l’industrie forestière avait déjà été représentée par l’organisme Forêt NB.
«J’ai répondu (au président) que je pensais qu’on devait utiliser notre temps de comité pour délibérer sur ce qu’on a entendu afin de pouvoir élaborer des recommandations», a dit le député lundi.
Mardi, Jim Irving a toutefois précisé que l’entreprise JD Irving n’est pas membre de Forêt NB et que l’entreprise voulait comparaître au comité pour présenter le point de vue de l’industrie.