«Il y a un potentiel de récolte dans ce secteur, mais là ils sont en train de tout bûcher. On ne pourra rien récolter ici avant une bonne cinquantaine d’années minimum.»

Acériculteur dans la région de Saint-Quentin, Denis Côté tenait à montrer aux membres de la presse la réalité que vivent de nombreux propriétaires d’érablières du Nouveau-Brunswick.

Le producteur Denis Côté croit qu’il y a suffisamment de bois sur les terres de la Couronne pour que les industries forestière et acéricole coexistent sans se piler sur les pieds et se nuire. – Acadie Nouvelle Jean-François Boisvert

Disposés à prendre de l’expansion sur les terres de la Couronne situées près de leurs installations, ils sont plusieurs à être confrontés à l’appétit insatiable de l’industrie forestière qui court-circuite ces projets en grugeant dans ce potentiel exploitable.

Sur la terre de son fils, Billy – lui aussi acériculteur -, l’image est frappante.

D’un côté une forêt d’érables connectés à un système de tubulures. De l’autre, un large chemin forestier avec des arbres au sol. À moins de 500m de là, une multifonctionnelle poursuit d’ailleurs toujours le travail.

À deux pas des dernières tubulures du producteur Billy Caron à Saint-Quentin, une importante partie du potentiel acéricole a été rasé. – Acadie Nouvelle Jean-François Boisvert

Jeudi matin à Saint-Quentin, communauté autoproclamée Capitale de l’érable de l’Atlantique, ils étaient une soixantaine de producteurs et travailleurs dans ce domaine à prendre part à une manifestation dénonçant le manque d’appui politique du gouvernement.

Les acériculteurs revendiquent notamment un accès plus équitable aux terres de la Couronne. Ce qu’ils veulent précisément, c’est que la province mette à leur disposition 12 000 hectares de forêt publique. La dernière fois que le gouvernement a accordé des hectares supplémentaires à l’industrie acéricole remonte à 2015. Il en avait alors ajouté 4000. Actuellement, l’industrie acéricole occupe 14 500 hectares des terres de la Couronne.

«Les terres de la Couronne représentent environ trois millions d’hectares, et on ne représente que 0,05% de sa capacité exploitable. C’est ridicule tellement c’est peu comparativement à ce que notre industrie rapporte à la province», exprime Jean-François Plante, président de l’Association acéricole du Nouveau-Brunswick.

Troisième plus importante productrice de sirop d’érable au niveau mondial en 2021, la province est, selon lui, à la croisée des chemins. Le sirop se vend comme jamais sur les marchés, le temps est donc propice à la croissance.

Jean-François Laplante, président de l’Association acéricole du Nouveau-Brunswick. – Acadie Nouvelle Jean-François Boisvert

Proximité

Outre obtenir plus de terres, les acériculteurs souhaitent également qu’on limite les opérations forestières près des érablières.

«Les hectares de forêts situés à proximité des érablières constituent un potentiel de croissance. S’il faut toujours aller plus loin ou que l’on coupe en deux ce potentiel, ça devient alors moins rentable pour les acériculteurs. Se faire gruger du terrain comme ça aussi près des érablières, ça complique beaucoup les perspectives de croissance», souligne pour sa part Denis Côté.

Lui et son fils ne sont pas seuls dans cette situation. Patrick Levesque est propriétaire de l’érablière Montagne Verte dans la région d’Edmundston. L’installation compte 122 000 entailles et emploie une dizaine de personnes à l’année, une demi-douzaine d’autres lors de la récolte.

Patrick Levesque, propriétaire de l’érablière Montagne Verte de la région d’Edmundston. – Acadie Nouvelle Jean-François Boisvert

Il souhaite prendre de l’expansion sur les terres de la Couronne situées en bordure de ce qu’il exploite.

«Je ne veux pas aller à 15 km plus profonds en forêt, car ça engendrerait trop de dépenses. Je voudrais juste me servir dans ce qui est près de moi, mais les compagnies forestières le savent et elles se dépêchent à aller bûcher dans ce potentiel. Dans une parcelle que j’avais identifiée, elles ont coupé environ 80% du potentiel. Ce n’est donc plus intéressant», raconte-t-il.

Dans une autre parcelle, il croit pouvoir aller chercher 25 000 entailles supplémentaires. Mais là encore, des compagnies ont les yeux rivés sur celle-ci.

«Il me semble qu’il y a du bois en masse ailleurs. Ce n’est pas loin pour une compagnie forestière, mais pour nous cette distance fait toute la différence entre une opération rentable ou non», ajoute-t-il, plaidant pour une meilleure gestion des inventaires de bois, une gestion qui tiendrait compte des érablières.

Les acériculteurs de la province réclament que Fredericton débloque 12 000 hectares de terres publiques afin de permettre à leur industrie de prendre de l’expansion. – Acadie Nouvelle Jean-François Boisvert

Pas de nouvelle

Selon le président de l’AANB, la frustration des producteurs de sirop d’érable est grande, surtout qu’en ce moment, c’est le silence radio de la part de la province.

«Ça fait déjà deux ans que l’association travaille sur le plan de croissance de 12 000 hectares, qu’on interpelle le gouvernement à ce propos. Mais depuis cet été, plus rien ne bouge. Le gouvernement a la capacité de faire avancer les choses, mais il ne le fait pas. Ce qui est frustrant, c’est qu’on ne sait pas pourquoi», souligne Jean-François Laplante.

Présente lors de la manifestation à Saint-Quentin, la directrice générale de l’AANB, Louise Poitras, a pour sa part promis de continuer à mettre de la pression sur le gouvernement afin qu’il reconnaisse à sa juste valeur l’industrie acéricole.

«S’il n’entend pas notre message aujourd’hui, la prochaine étape sera d’aller le lui dire à Fredericton», promet-elle.

Jean-François Laplante aimerait pour sa part ne pas en arriver là.

«La forêt est grande et ce que l’on fait avec elle n’est pas dommageable. Il y a de la place pour tout le monde, mais en ce moment, on dirait que le soleil ne brille que pour d’autres industries que la nôtre», note-t-il.

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