Le Telegraph-Journal de Saint-Jean et le Times & Transcript de Moncton. - Archives
Vente des journaux Irving: fermetures et fusions à prévoir?
Plusieurs spécialistes et observateurs craignent que l’acquisition des journaux de la famille Irving par Postmedia s’apparente à un cadeau empoisonné sur le plan de la diversité de l’information au Nouveau-Brunswick.
L’entreprise torontoise Postmedia a annoncé jeudi qu’elle achètera tous les journaux quotidiens – le Telegraph-Journal, le Times and Transcript et le Daily Gleaner – et hebdomadaires appartenant à la famille Irving.
Dans un communiqué, Postmedia dit avoir conclu un accord pour acheter toutes les actions en circulation de Brunswick News Inc. (BNI), qui fait partie de J. D. Irving Ltd.
Le document ne mentionne pas les journaux francophones L’Étoile et l’Info Week-End. Dans un courriel envoyé à l’Acadie Nouvelle, un porte-parole de l’entreprise précise toutefois que ces publications font aussi partie de l’entente.
L’accord proposé comprend l’acquisition des propriétés numériques de BNI et de l’activité de livraison de colis.
Marie-Linda Lord, professeure en information-communication à l’Université de Moncton, note que la vente des journaux BNI était en quelque sorte prévisible, même si elle ne s’y attendait pas.
«La situation des médias au Canada, surtout de la presse écrite, est très difficile. Nous avons vu au cours de la dernière décennie un grand nombre de quotidiens et d’hebdomadaires qui ont dû fermer leurs portes parce que le lectorat et les revenus publicitaires diminuent», analyse la professeure, qui s’est intéressée à la concentration de la presse au Nouveau-Brunswick.
D’après Erin Steuter, professeure à l’Université Mount Allison, l’arrivée de Postmedia au Nouveau-Brunswick représente à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.
«Leur couverture a souvent servi à défendre les intérêts d’affaires de la famille et leurs journaux n’ont pas fait une bonne couverture d’enjeux importants, notamment environnementaux. C’était très malsain», dit-elle.
Menace pour l’information locale
Mme Steuter craint toutefois que la qualité de l’information locale puisse en prendre pour son rhume à la suite de cette transaction.
April Lindgren, professeur de journalisme à l’Université Ryerson et responsable du Local News Research Project, partage les craintes de sa collègue.
«C’est probablement une bonne chose pour les Néo-Brunswickois que les journaux ne soient pas détenus par un seul conglomérat qui contrôle autant d’industries. Nous ne savons pas quelles sont les intentions de Postmedia, mais ils n’ont pas la réputation d’investir. Le statu quo c’est le mieux que l’on peut espérer. S’ils procèdent à des consolidations, la province se retrouvera avec moins de journaux locaux», s’inquiète-t-elle.
D’après des données du Local News Research Project, Postmedia a procédé à la fermeture ou au regroupement de 57 salles de nouvelles à l’échelle du pays depuis 2008.
Mme Lord ajoute qu’elle ne serait pas du tout surprise que la communauté anglophone se retrouve qu’avec un seul quotidien si la transaction va de l’avant. Elle s’interroge aussi sur l’impact que pourrait avoir Postmedia, une entreprise contrôlée par des intérêts de l’extérieur de la province, sur la ligne éditoriale des journaux d’Irving.
«Les journaux de BNI avaient une position pro-entrepreneuriale, mais pas strictement en faveur de la famille Irving. Ils défendaient aussi les autres grandes familles de la province, comme les Oland, Ganong et McCain. Quand Molson est arrivée à Moncton, par exemple, ils ont été très critiques parce que cette entreprise allait faire concurrence à Moosehead. Ils avaient cette philosophie de défendre l’entrepreneuriat néo-brunswickois. Est-ce que ce sera le cas avec Postmedia? J’en doute», prédit-elle.
Erin Steuter espère néanmoins que le retrait des Irving de l’espace médiatique de la province soit une occasion pour l’apparition de nouveaux médias dans la région. BNI tolérait mal que d’autres journaux puissent faire concurrence à ses publications anglophones, rappelle-t-elle,
Postmedia n’a pas voulu accorder d’interview à l’Acadie Nouvelle afin de répondre aux questions soulevées par l’acquisition des journaux de la famille Irving.
Irving se retire des médias
Postmedia a offert à JD Irving 7,5 millions de dollars en espèces et 8,6 millions de dollars en actions de Postmedia afin de faire l’acquisition de BNI. La transaction est assujettie à diverses conditions de clôture, dont l’approbation de la Bourse de Toronto.
La transaction marque la sortie de J.D. Irving du secteur des médias.
«Postmedia est en bonne position pour faire la transition, vers le monde numérique, de l’offre de contenu fiable pour les Néo-Brunswickois en ce qui a trait aux nouvelles locales, régionales et nationales, ainsi qu’en leur proposant un accès à une couverture de l’actualité beaucoup plus large», a fait valoir le co-chef de BNI, Jim Irving, dans un communiqué.
Le président et chef de la direction de Postmedia, Andrew MacLeod, a indiqué que l’acquisition permettrait à son entreprise d’être présente d’un océan à l’autre, «tout en bâtissant une plateforme de distribution nationale et un réseau pour nos activités de livraison de colis.»
Postmedia Network Canada possède déjà 120 marques sur plusieurs plateformes imprimées, en ligne et mobiles.
– Avec des extraits de La Presse Canadienne
Statu quo pour les journaux francophones indépendants
L’annonce de l’achat de BNI par Postmedia devrait être sans conséquence sur les journaux francophones indépendants du Nouveau-Brunswick, soit l’Acadie Nouvelle et le Moniteur Acadien.
Bien que BNI imprime ces journaux, il n’en est pas propriétaire.
«Le vice-président de BNI, Jamie Irving, m’a informé ce matin que rien ne change et que notre entente pour l’impression et la distribution reste valide avec les nouveaux propriétaires jusqu’à son échéance en septembre prochain», dit Francis Sonier, éditeur et directeur général de l’Acadie Nouvelle.
Le directeur général du Moniteur Acadien, Jason Ouellette, est lui aussi d’avis que ces changements auront peu d’impact sur son journal qui, de toute façon, prépare un virage numérique.