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Budget provincial: des investissements pas à la hauteur des défis, selon plusieurs
Des partis d’opposition et d’autres intervenants accueillent tièdement le budget du gouvernement provincial. Bien qu’il ne contient pas de compressions significatives, il ne contient pas non plus les investissements nécessaires pour relever les défis qui se dressent devant le N.-B., selon eux.
David Coon, chef du Parti vert, estime que les investissements annoncés en santé ne sont pas suffisamment ambitieux et ciblés pour régler la crise actuelle.
«Cela ne réduira pas les temps d’attente pour les soins de santé primaire. Nous avons vu une explosion du nombre de gens en attente d’avoir un médecin de famille ou une infirmière praticienne, de 30 000 à 50 000», dit-il.
Le député de Fredericton-Sud estime qu’il est nécessaire d’investir davantage dans le recrutement d’infirmières, d’infirmières praticiennes et d’adjoints aux médecins pour permettre aux médecins de soigner plus de patients.
M. Coon croit aussi que la province devrait embaucher des médecins hospitaliers spécialisés pour libérer les médecins de famille qui doivent travailler dans des hôpitaux.
Cette obligation réduit l’accès des patients de ces médecins de famille et nuit également au recrutement de nouveaux médecins, d’après lui.
David Coon affirme qu’il est «décevant» que la province n’ait pas annoncé d’initiative pour tenter de régler les temps d’attente dans les hôpitaux, où des gens doivent parfois attendre plus de 12 heures dans une ambulance.
«C’est dangereux et c’est inacceptable, et il n’y a pas d’investissement dans le budget pour s’assurer d’avoir un nombre adéquat d’employés pour gérer le volume de personnes qui utilisent les urgences.»
Rob McKee, député libéral de Moncton-Centre, exprime aussi des doutes par rapport à la capacité du plan de réforme en santé de la ministre Dorothy Shephard de régler les problèmes de main-d’œuvre.
«On annonce 38 millions $ pour leur plan de réforme en santé, mais je ne pense pas qu’on voit les investissements nécessaires pour s’attaquer à cette question. On voit des ambulances qui sont là pendant des heures, ça prend une main-d’œuvre et ça prend des solutions aujourd’hui pour régler cette question-là. Je ne vois rien dans ce budget qui me donne confiance qu’on va s’attaquer à ce problème.»
Les deux députés d’opposition sont également sceptiques face à la stratégie du gouvernement pour régler la crise du logement.
«Un plafond des hausses de loyers, c’est excellent, mais en même temps, ils donnent 45 millions $ aux propriétaires d’appartements», dit le chef du Parti vert au sujet de la réduction de l’impôt foncier pour les propriétés résidentielles non habitées par leur propriétaire.
Il estime que ces fonds seraient mieux dépensés en investissant directement dans la création de logements abordables.
«La façon d’y arriver est de séparer la Société d’habitation du N.-B. du ministère du Développement social, et de lui donner le financement nécessaire pour construire du logement par elle-même et pour appuyer le développement de logement par des coopératives ou des organismes sans but lucratif.»
Rob McKee affirme aussi que les locataires auront probablement de la difficulté à obtenir un remboursement de leur loyer lorsque le plafonnement des loyers entrera en vigueur, puisqu’il est rétroactif jusqu’au 1er janvier 2022.
«Comment allons-nous aviser les citoyens de la limite de hausse des loyers rétroactive? Je crois que les propriétaires d’appartement ont les pleins pouvoirs, c’est difficile de porter plainte contre eux sans se faire évincer.»
Le député libéral affirme que la réduction de l’impôt foncier aurait dû être liée aux appartements qui offrent un loyer abordable.
«On n’a pas vu cette connexion, donc il y a toujours la possibilité d’augmenter les loyers.»
Un autre surplus à prévoir
L’économiste Richard Saillant estime que la province sous-estime à nouveau ses revenus et que le gouvernement Higgs va probablement avoir un nouveau surplus «majeur» à la fin de l’année financière 2022-2023.
«On prévoit que l’économie va peut-être croître de 5% cette année lorsqu’on inclut l’inflation. Encore une fois, le gouvernement ne prévoit aucune augmentation de ses revenus. Or, une règle de base est que lorsque ton économie est en ressort important, les recettes devraient suivre.»
En 2021-2022, le gouvernement prévoyait des revenus de 10,3 milliards $, mais il s’est finalement retrouvé avec 11,2 milliards $ à dépenser selon ses derniers états financiers vérifiés. Les estimations du troisième trimestre, qui sont utilisées pour ses prévisions budgétaires, comprenaient un surplus de fin d’année de 488 millions $.
Cette fois-ci, le gouvernement prévoit une maigre croissance de son revenu à 11,3 milliards $.
L’économiste estime somme toute qu’il s’agissait d’un budget sans grands coups d’éclat, sauf un.
«C’est un budget qui manquait d’imagination. On cherchait à parer au plus urgent sans prendre énormément de mesures, sauf pour la mesure très importante, compte tenu du gouvernement duquel on parle, de plafonner les augmentations de loyers», dit-il.
Des investissements «insuffisants»
Le Regroupement féministe du N.-B., qui avait demandé des investissements de taille dans les services sociaux, est demeuré sur sa faim.
«Dans l’ensemble, le budget demeure modeste, et les investissements dans les filets sociaux, largement insuffisants», lit-on dans son communiqué.
Le gouvernement publie depuis l’an dernier une analyse comparative de la façon dont ses politiques affectent les personnes selon leur genre, mais selon le RFNB, la politique budgétaire du gouvernement ne s’est pas ajustée en fonction de ces données.
«Le manque criant d’investissements dans les filets sociaux tels que le logement, l’assistance sociale et les services de garde démontre que (l’analyse selon le genre) n’est toujours pas menée de façon adéquate.»
L’Association francophone des municipalités du N.-B. craint elle aussi que les investissements ne soient pas à la hauteur des défis qui se pointent à l’horizon. La réforme de la gouvernance locale est amorcée et les municipalités auront besoin de davantage d’appui de la part de la province, selon l’AFMNB.
Yvon Godin, maire de Bertrand et président de l’Association, estime que la somme de 10 millions $ pour mener à bien la réforme risque d’être insuffisante.
«Les municipalités ont besoin de financement supplémentaire pour embaucher dès maintenant les directions générales des nouvelles entités et les premiers dirigeants des Commissions de services régionaux (CSR) pour mener, avec les facilitateurs, le processus de transition.»
La Fédération des jeunes francophones du N.-B., de son côté, souligne les 47 millions $ réservés au Fonds pour les changements climatiques, ainsi que les investissements en matière de soins en santé mentale pour les jeunes.
«Aucun investissement n’a été annoncé concernant les études postsecondaires et plusieurs de nos écoles francophones ont besoin de rénovations. Nous attendons encore des annonces à ce sujet. La FJFNB continuera à surveiller ces dossiers de près», dit toutefois son président, Simon Thériault.