Alors que les logements abordables se font de plus en plus rares, le gouvernement Higgs fait le choix de cadeaux fiscaux au profits propriétaires d’appartements et d’un plafonnement des loyers au profit des locataires. Les uns comme les autres restent toutefois sur leur faim.

Le premier ministre Higgs s’est longtemps opposé à toute mesure de contrôle des loyers qui, selon lui, entraverait le fonctionnement du marché et découragerait l’investissement. Le gouvernement change finalement son fusil d’épaule: il imposera un plafonnement 3,8% pour l’année 2022.

«Malgré le nombre record de mises en chantier de logements collectifs et l’augmentation de l’offre de logements locatifs, le taux d’inoccupation continue de diminuer et la hausse des loyers se poursuit, a reconnu le ministre des Finances, Ernie Steeves. Quoique nous ayons confiance que le marché s’ajustera à la demande, et que les mesures visant le taux d’impôt foncier annoncées aujourd’hui auront un effet positif, notre gouvernement reconnaît qu’il faut en faire plus pour les locataires.»

Dans le même temps, les propriétaires d’édifices à logements bénéficieront d’une baisse de 50% sur trois ans de la portion provinciale de la taxe immobilière, dont sont exemptés les propriétaires d’une résidence dans laquelle ils habitent.

«Cette importante mesure fiscale favorisera la construction de logements dans la province et accordera un allégement fiscal aux propriétaires de logements dont plusieurs ont subi d’importantes hausses d’évaluation en raison de la force du marché immobilier», fait valoir Ernie Steeves.

La veille du dépôt du budget, le ministre Steeves avait posé devant un immeuble en construction. – Gouvernement du Nouveau-Brunswick

Cela suffira-t-il à enrayer la hausse du prix des loyers qui s’est élevée à 4,9% entre octobre 2020 et octobre 2021?

Willy Scholten, président de l’Association des propriétaires d’appartements du N.-B., ne s’en satisfait pas. L’allégement fiscal ne suffit pas à compenser la hausse fulgurante des évaluations foncières subie par ses membres, souligne-t-il.

Ce fardeau décourage les nouvelles constructions, argumente M. Scholten, rappelant que le taux d’inoccupation a chuté au Nouveau-Brunswick, passant de 3,1% à 1,7%. Aussi continuera-t-il d’exiger l’exemption complète de la portion provinciale de la taxe pour les propriétaires d’appartements.

«Le gouvernement n’a fait qu’empirer la situation du logement», lance-t-il.

«C’est un début, mais nous avions espéré un calendrier d’élimination plus agressif de cette taxe qui entrave la croissance de notre secteur du logement», renchérit le PDG de la Chambre de commerce du Grand Moncton, John Wishart.

«Bien que nous comprenions que les augmentations significatives des loyers par certains propriétaires ne sont pas justifiées, un plafonnement des loyers dans une année où les pressions inflationnistes font des ravages est une initiative risquée.»

Matthew Hayes, membre de la Coalition pour les droits des locataires du Nouveau-Brunswick, est tout aussi mécontent.

«C’est une grande aubaine pour les plus grands propriétaires immobiliers. Ce que les locataires obtiennent en contrepartie ne compense pas du tout», déplore-t-il.

Son organisation souhaitait obtenir un gel des loyers ou un plafonnement à plus long terme. Matthew Hayes espérait aussi des investissements massifs en faveur du logement sans but lucratif et coopératif et juge «insuffisants» les fonds mis sur la table.

Interrogé par l’Acadie Nouvelle, l’économiste Richard Saillant estime que le budget «manque d’imagination» sur la question du logement.

«Je trouve que la démarche du gouvernement est très timide. Que le gouvernement impose un plafond, c’est une surprise et un changement de cap majeur. Mais ça ne nécessite pas de dépenses supplémentaires, il aurait fallu l’accompagner d’un plan d’investissement ambitieux pour promouvoir l’augmentation des logements locatifs.»

M. Saillant doute d’ailleurs que les réductions d’impôts fonciers permettent de regarnir l’offre d’appartements à prix modiques.

«On doit avant tout inciter la construction de logements plus abordables, et les rendre plus attrayants pour les promoteurs de façon à ce qu’ils ne se concentrent pas uniquement sur les segments de marché à plus haut loyer», souligne-t-il.

Rappelons qu’à Moncton, le prix du moyen des loyers des appartements construits entre juillet 2018 et juin 2021 s’élevait à 1385$ par mois. À Dieppe, il s’élevait à 1765$ par mois.

De son côté, le coordonnateur provincial le Front commun pour la justice sociale, Abram Lutes, note que la diminution de la taxe se traduira par un manque à gagner de 112 millions $, un montant que le gouvernement aurait pu consacrer aux services publics et au logement social. Il dénonce «une mesure qui sert les cupides et non les nécessiteux».

«Ces réductions d’impôt massives n’ont pas seulement peu de sens sur le plan fiscal, elles rendent un mauvais service aux Néo-Brunswickois en retirant des fonds nécessaires des coffres publics pour les donner aux riches.»

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