Pour la première fois au pays, des communautés autochtones auront le plein contrôle de leurs services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, qui relèvent actuellement de l’autorité fédérale. L’Autorité de gestion des eaux des Premières Nations de l’Atlantique vient d’obtenir le financement nécessaire pour mener à bien ce projet.

Né en 2018, cet organisme à but non lucratif sera bientôt entièrement responsable de l’exploitation, de l’entretien et de la mise à niveau des infrastructures d’eau et d’eaux usées de 18 communautés micmaques et wolastoqi des provinces maritimes.

Dix d’entre elles se trouvent en Nouvelle-Écosse, deux à l’Île-du-Prince-Édouard et six au Nouveau-Brunswick (les Premières Nations d’Esgenoôpetitj, Oromocto, Elsipogtog First Nation, Tobique, Saint Mary’s, et Kingsclear).

En 2020, le gouvernement fédéral a signé un accord prévoyant le transfert des services d’approvisionnement en eau potable et de traitement des eaux usées de ces communautés à l’Autorité de gestion des eaux des Premières Nations de l’Atlantique.

Dans son dernier budget, Ottawa a fait un pas de plus: il prévoit verser à l’organisme 173,2 millions de dollars sur dix ans pour lui permettre de mettre en oeuvre ce nouveau modèle de prestation de services dirigé par les Premières Nations.

«Cette initiative des Premières Nations, la première du genre, aidera à tracer la voie de l’autodétermination tout en renforçant la gestion des infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées dans les réserves», peut-on lire dans le document.

Le chef de la Première Nation de Tobique (Neqotkuk), Ross Perley, se félicite de cet engagement. Près de dix années de discussions et de réflexions menées par le Congrès des chefs des Premières Nations de l’Atlantique auront été nécessaires pour voir cette vision se concrétiser.

«Cela va nous permettre d’amener nos infrastructures d’eau et d’égout à un standard adéquat et de gérer nos actifs de façon plus durable», souligne celui qui assure également le rôle de vice-président de l’Autorité de gestion des eaux des Premières Nations de l’Atlantique.

L’organisme décidera désormais seul du financement des projets, qui ne sera plus assujetti à l’approbation du ministère Services aux Autochtones Canada.

«C’est important pour nous d’obtenir cette souveraineté sur la gestion de l’eau potable, nous croyons que nous pouvons faire mieux que ce qu’a fait le Canada au cours des dernières décennies», lance Ross Perley. Le chef espère aussi la création d’opportunités d’emplois qualifiés pour les membres de sa Nation.

James MacKinnon, directeur des opérations de l’Autorité de gestion des eaux, rappelle que les communautés autochtones reçoivent actuellement un financement individuel sur une base annuelle.

«Cela complique la planification à long terme parce que les allocations ne le permettent pas», explique-t-il.

«Les investissements nécessaires sont très importants.»

Au cours des deux dernières années, l’organisme a collaboré avec le gouvernement fédéral et les collectivités partenaires pour évaluer l’état de leurs infrastructures et les besoins en matière de gestion de l’eau, avant de développer un plan d’investissement sur 10 ans. Il prévoit être entièrement autonome d’ici la fin de l’année. James MacKinnon note que la porte est toujours ouverte pour les autres communautés autochtones de la région qui souhaiteraient le rejoindre.

Enfin des progrès dans l’accès à l’eau potable

À son arrivée au pouvoir, en 2015, le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, avait promis l’élimination d’ici 2021 de tous les avis d’ébullition de l’eau en vigueur dans les réserves. Malgré des investissements de 5,3 milliards $ sur cette période, le gouvernement fédéral n’a pas pu respecter cet engagement.

La ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, espère que l’accès à l’eau potable sera chose faite dans tous les territoires autochtones d’ici 2025. À l’heure actuelle, on compte encore 33 avis d’ébullition de l’eau dans 28 communautés situées en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan. En 2019, on dénombrait 56 réserves touchées.

Une carte publiée par Services aux Autochtones Canada

Au Nouveau-Brunswick, la Première Nation de Pabineau (Oinpegitjoig), près de Bathurst, n’avait pas un accès fiable à de l’eau potable jusqu’à l’installation d’un nouveau système de traitement de l’eau, il y a deux ans.

«On peut enfin boire l’eau du robinet, se réjouit son chef, Terry Richardson. Ça change la vie, on espère que ça va aider à faire grandir notre communauté.»

La Première Nation de Pabineau est l’une des huit communautés autochtones néo-brunswickoises (avec Tobique, Woodstock, Oromocto, Indian Island, Fort Folly, Buctouche et Eel Ground) ayant pris part au vaste recours collectif soutenant que le Canada avait failli à ses obligations en n’ayant pas garanti aux communautés autochtones un accès adéquat à l’eau salubre.

En décembre 2021, les tribunaux ont approuvé une entente de 8 milliards $ entre Ottawa et les Premières Nations concernées, comprenant 1,8 milliard $ pour indemniser les particuliers touchés, 50 millions $ pour ceux qui ont été victimes de séquelles liées à un avis sur l’eau potable, et 6 milliards $ pour moderniser et entretenir les infrastructures.

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