Le gouvernement fédéral fera appel de la décision de la Cour du banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, qui a déterminé que unilinguisme de la lieutenante-gouverneure est inconstitutionnel.

Mais du même souffle, le gouvernement fédéral assure que la prochaine représentante de la reine au Nouveau-Brunswick sera bilingue.

Dominic LeBlanc, député de Beauséjour, affirme que le gouvernement accepte une partie de la décision de la Cour du Banc de la Reine.

«Nous acceptons le principe important que le lieutenant-gouverneur du N.-B. devra être bilingue et nous nous engageons à ce que le ou la successeur(e) de Mme Murphy soit une personne bilingue.»

Le ministre affirme que selon l’avis juridique du ministère de la Justice, il est malgré tout nécessaire de porter la cause en appel pour obtenir une décision d’une Cour d’appel sur les principes constitutionnels contenus dans la décision de la juge en chef de la Cour du Banc de la Reine du N.-B., Tracey K. DeWare.

La décision

La juge DeWare a conclu que la nomination était inconstitutionnelle.

Son jugement a été rendu le 14 avril. Le gouvernement fédéral disposait d’un mois pour décider de la suite du dossier.

La poursuite a été lancée par la Société de l’Acadie du N.-B., qui n’était pas disponible pour réagir à cette nouvelle vendredi soir.

Dans sa décision, la juge a déterminé que la personne qui occupe le poste au N.-B. «doit être bilingue et capable de s’acquitter de toutes les tâches requises de son rôle en français».

Elle a aussi conclu que l’annulation de la nomination de Brenda Murphy causerait trop de tort puisque cela minerait les lois et décrets qu’elle a promulgués depuis sa nomination en 2019.

L’un des motifs de l’appel s’appuie sur des parties de la Charte canadienne des droits et libertés et aux obligations qu’elles imposent sur les institutions du Canada.

Bien que la Charte confère l’obligation d’être bilingue aux institutions et non aux personnes, la juge DeWare a soutenu que le rôle est particulier.

«La Charte n’exige pas que tous les employés du gouvernement, ministres, juges ou premiers ministres provinciaux et fédéraux soient bilingues. Toutefois, ces personnes peuvent toutes être remplacées par une autre personne pour l’exécution de leurs fonctions, contrairement à un lieutenant-gouverneur», peut-on lire dans sa décision.

«Usurpé le rôle de l’exécutif»  

L’avis d’appel du gouvernement fédéral, dont l’Acadie Nouvelle a obtenu copie, remet en question cet aspect de la conclusion de la juge en chef.

«Si l’institution du lieutenant-gouverneur du N.-B. est visée par les dispositions linguistiques en cause comme étant une composante de la législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick, cela ne signifie pas pour autant que ces dernières exigent que le titulaire de la charge soit bilingue.»

Dans l’avis, le bureau du procureur général du Canada affirme aussi que la juge DeWare a commis une erreur en examinant les fonctions de la lieutenante-gouverneure pour déterminer qu’elles exigent la maîtrise des deux langues officielles, et que la juge a donc «usurpé le rôle de l’exécutif».

Toujours selon l’avis, le fait d’avoir des employés bilingues suffit à la lieutenante-gouverneure pour exercer ses fonctions.

«Les droits linguistiques doivent certes être interprétés de manière large et libérale… (…) On ne peut pas pour autant faire l’économie d’une interprétation du texte des dispositions qui les créent et lui faire dire ce qu’il ne dit pas.»

Le gouverneur général nomme les lieutenants-gouverneurs selon l’avis du premier ministre Justin Trudeau.

D’après les motifs d’appel d’Ottawa, ce pouvoir de nomination est à la discrétion complète du représentant de la reine, sans aucune condition de bilinguisme.

De plus, le ministère de la Justice estime que l’avis du premier ministre n’est pas assujetti au contrôle des tribunaux puisqu’il s’agit d’une décision politique.

Un engagement ferme, selon le ministre

L’engagement du gouvernement à nommer une représentante de la reine bilingue n’est pas une obligation légale, et en principe, un autre gouvernement fédéral pourrait éventuellement nommer une personne unilingue à nouveau.

Mais l’idée d’inscrire cette obligation dans une loi est aussi problématique sur le plan constitutionnel, pour certaines des mêmes raisons qui ont motivé l’appel, d’après Dominic LeBlanc.

«L’idée de légiférer est aussi, pour nous, un problème constitutionnel compliqué.»

Selon le ministre, l’un de ces motifs repose sur le principe qu’un article de la Charte ne peut pas être utilisé pour changer un autre article de la constitution.

«On veut entendre la Cour d’appel sur la façon d’interpréter la constitution, parce que pour le gouvernement fédéral, ça, c’est beaucoup plus compliqué que la question des capacités linguistiques de la lieutenante-gouverneure.»

Or, la constitution donne au premier ministre la discrétion de nommer le gouverneur général et les lieutenants-gouverneurs.

«La constitution donne cette discrétion au premier ministre, et ne limite pas la discrétion, au Nouveau-Brunswick par exemple, à ne nommer que des personnes bilingues. Et si on veut changer la constitution, notre position, c’est que ça prend un amendement constitutionnel»

Une décision d’un tribunal ou un projet de loi ne suffirait donc pas, selon lui.

Dominic LeBlanc estime malgré tout qu’il suffira de donner l’exemple.

«Je pense que la réalité, c’est qu’aucun gouvernement futur ne pourra nommer au N.-B. une personne unilingue comme lieutenant-gouverneur.»

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