Le conseil d’administration d’Énergie NB a annoncé le licenciement de son PDG, Keith Cronkhite, à cause de sa volonté de transformer en profondeur la société de la Couronne. Son président, Charles Firlotte, souhaite qu’elle ressemble davantage à une entreprise privée.

Énergie NB devrait être plus centrée sur le client, plus efficace et plus commerciale. C’est en tout cas l’avis de son conseil d’administration. Mais ce n’est pas tout, pour son président Charles Firlotte, qui veut s’attaquer à la dette de la société de la Couronne.

«Nous devons penser à une recapitalisation de l’entreprise», déclare-t-il à propos d’une augmentation de capital grâce à laquelle une entreprise renforce ses fonds devenus insuffisants.

«Nous allons réfléchir à des solutions créatives, promet M. Firlotte. Quelle dette avons-nous, est-ce qu’il y a des investisseurs privés qui pourraient être intéressés par une part d’Énergie NB, est-ce qu’il y a d’autres options? Nous retournerons chaque pierre pour donner une situation financière solide à Énergie NB.»

La dette de la société de la Couronne représente 94% de sa structure de capital, une proportion stable depuis 2016-2017. Or le gouvernement de Blaine Higgs a ordonné une réduction de ce ratio d’endettement à 80% d’ici 2027.

Recapitalisation

«C’est préoccupant, commente le député libéral, René Legacy, au sujet de l’idée de recapitalisation d’Énergie NB par des investissements privés. J’ai bien hâte de voir ce qu’ils ont en tête, mais j’espère qu’ils impliqueront de multiples intervenants.»

L’élu se demande d’ailleurs si l’annonce-surprise du licenciement du PDG d’Énergie NB, Keith Cronkhite, est une précaution avant la révélation du rapport de la société de la Couronne pour le quatrième trimestre de l’exercice comptable.

«Le premier ministre a semblé envoyer des indices au sujet de résultats pas trop beaux ces dernières semaines», raconte M. Legacy, qui s’inquiète des conséquences de la dette d’Énergie NB.

Le député vert Kevin Arseneau insiste en revanche sur l’importance du service public rendu par la société de la Couronne.

«Elle nous appartient, martèle-t-il. Dans une crise climatique, il faut pouvoir prendre des décisions pas uniquement pour faire diminuer la dette. Ce ne serait pas responsable de rester dans des voies non renouvelables.»

Holding

Son chef, David Coon, s’était inquiété de la possible emprise du secteur privé sur Énergie NB en novembre, quand le gouvernement progressiste-conservateur a déposé le projet de Loi 77, adopté depuis.

Énergie NB deviendra une filiale d’une société de portefeuille (holding company en anglais) créée par le gouvernement. Cette entreprise publique aura la possibilité de créer d’autres filiales qui, elles, seront privées, pour s’attaquer à sa dette.

«Ce projet de loi donnerait au gouvernement le pouvoir de convertir certaines parties d’Énergie NB en les transférant à des entités commerciales appartenant à la Société de portefeuille Énergie NB, sans revenir devant l’Assemblée législative», a craint M. Coon.

Il a estimé que le gouvernement pourrait faire usage de cette nouvelle structure pour faire davantage de partenariats avec le secteur privé et, finalement, vendre certains actifs d’Énergie NB, dont les lignes de transport d’électricité.

Transformation

Le ministre du Développement de l’énergie, Mike Holland, a nié cette possibilité. Elle nécessiterait une autre modification de la Loi, selon lui.

«Toutes les opérations financières d’Énergie NB seront quand même assujetties à la Commission de l’énergie et des services publics. Les lignes de transmission et la génération d’électricité ne font pas partie de ceci, […] elles font partie du service public, et Énergie NB n’est pas à vendre», a assuré le ministre.

M. Holland a cette fois seulement déclaré par écrit qu’il soutient la transformation organisationnelle d’Énergie NB en vue d’améliorer son rendement.

Vert comme dans nucléaire

Jusqu’à présent, Énergie NB s’est peu fié aux sources d’énergie renouvelables sous le prétexte que leur intermittence rend difficile leur intégration à son réseau. Cette façon de penser changera-t-elle avec son prochain PDG?

«Les énergies renouvelables ne sont pas complètement efficaces, mais elles doivent faire partie de la solution», déclare le président du conseil d’administration (CA) de la société de la Couronne, Charles V. Firlotte.

Le communiqué de presse annonçant le licenciement du PDG Keith Cronkhite évoque les énergies soi-disant vertes. Mais quelle définition en fait le CA d’Énergie NB?

«Je pense que l’énergie nucléaire est propre, qu’elle fait partie de notre futur et que l’arrivée des petits réacteurs modulaires est prometteuse, non seulement pour le Nouveau-Brunswick, mais aussi pour le Canada», précise M. Firlotte.

Voilà une opinion qui déplaira au Parti vert du Nouveau-Brunswick.

«Le nucléaire est présenté comme vert et sans émission, alors que ce n’est pas une énergie renouvelable», soutient son député Kevin Arseneau.

La directrice de l’énergie et des changements climatiques au Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, Louise Comeau, pense en outre que juger les énergies renouvelables insuffisamment fiables est obsolète.

«Énergie NB pense que nous avons besoin de grosses centrales en cas de besoin, mais il y a énormément de façons de créer des réserves d’énergie pour le moment où le vent ne souffle pas et où le soleil ne brille pas», assure-t-elle.

L’énergie peut se stocker dans des batteries, par exemple. Un réseau intelligent peut par ailleurs déplacer en continu l’offre d’électricité en temps réel en fonction des besoins ainsi que stocker de l’électricité dans des appareils ménagers (chauffe-eau, systèmes de climatisation, réfrigérateur, chauffages, etc.).

Mme Comeau évoque aussi les travaux de rénovation écoénergétique des bâtiments et le projet de Boucle Atlantique, qui pourrait permettre au Nouveau-Brunswick d’accéder plus facilement aux surplus hydroélectriques du Québec et du Labrador.

«La réticence d’Énergie NB à adopter les énergies renouvelables à cause de leur variabilité est difficile à justifier à notre époque. Ses dirigeants pourraient parler à presque tous les autres fournisseurs d’électricité du continent pour apprendre comment faire», assène le professeur au département d’ingénierie électrique et informatique de l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse, Larry Hughes.

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