Les propos de Blaine Higgs, qui a gardé la porte ouverte à une offre privée accrue de soins de santé, inquiètent des experts et font sourciller des membres de l’opposition à Fredericton.

Sans donner trop de détails sur ses intentions, le premier ministre a laissé planer l’idée d’un plus grand rôle du privé dans l’offre de soins de santé au N.-B, lors de la visite de ses homologues de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et de l’Ontario, lundi.

Blaine Higgs a affirmé que «toutes les options sont sur la table» pour régler la crise en santé en réponse à une question sur l’offre de soins de santé privés au N.-B.

Il a également clarifié qu’il veut toujours que les soins de santé soient financés par l’État.

Il s’agirait malgré tout d’une pente glissante, selon Claire Johnson, professeure en gestion de services de santé à l’Université de Moncton.

«À mon avis, ouvrir la porte au privé serait une grave erreur. On a une pénurie de main-d’œuvre et en ouvrant la porte au privé, on ne fait que créer une compétition pour des ressources humaines qui sont déjà rares.»

Elle croit qu’il existe déjà des inégalités dans l’accès aux soins de santé, et que l’offre privée de soins de santé risque d’aggraver ces inégalités.

Le premier ministre Higgs a aussi affirmé que le N.-B. pourrait favoriser les cliniques privées, puisque les médecins veulent passer plus de temps en clinique.

Claire Johnson affirme que le discours de Blaine Higgs sur les cliniques privées a changé, puisqu’il s’oppose depuis longtemps à financer les services d’avortement dans des cliniques privées telles que la Clinique 554, à Fredericton.

Stéphanie Colin, experte de la gouvernance en santé à l’Université de Moncton, affirme qu’elle n’est pas surprise de cette ouverture du premier ministre Higgs à une plus grande place du secteur privé en santé.

«Ça ne m’étonne pas. On connaît l’idéologie des gouvernements conservateurs, même s’ils sont plus progressistes, de tenter de faire appel aux entreprises privées, par l’entremise de sous-traitants.»

Elle affirme que les principes de la Loi canadienne sur la santé sont respectés tant que le citoyen n’a pas à payer pour ces services. Elle n’est toutefois pas convaincue que l’ouverture au secteur privé pourrait améliorer la situation actuelle.

«Tant qu’on ne réussit pas à prouver qu’on va faire mieux, je reste très dubitative.»

«Distraction», selon l’opposition

David Coon, chef du Parti vert, dit qu’il y a plusieurs problèmes au sein du système de santé, mais que le manque de services privés n’est pas l’un d’eux.

«Le premier ministre parle de privatisation dans le système de santé public, c’est une distraction, parce que les problèmes sont clairs. Il y a les déterminants sociaux de la santé. Il y a la structure qui n’est pas suffisante pour les défis qui existent. Il y a une supercentralisation de la gestion, il y a un manque de financement», énumère-t-il.

Susan Holt, chef du Parti libéral, croit que le fait de s’ouvrir à cette possibilité n’inspire pas confiance alors que l’accès aux soins de santé est déjà difficile pour bien des gens.

«Je pense que ce n’est pas un commentaire responsable parce qu’on voit que les Néo-Brunswickois et Néo-Brunswickoises sont inquiets de notre système de santé et du manque d’accès. Suggérer quelque chose comme ça, sans détails, sans explications, je pense que ça ajoute à l’anxiété que les gens ressentent.»

Même si Blaine Higgs affirme qu’il ne veut pas créer un système où des services de santé ne sont pas financés par l’État, Bernadette Landry, coprésidente de la Coalition du N.-B. sur la santé, craint que les moins fortunés risquent d’être défavorisés.

«Il ne nous dit pas clairement ce qu’il entend faire, mais il laisse entendre qu’il est d’accord avec Doug Ford qu’il faut laisser plus de place au secteur privé dans le système de santé du N.-B., et c’est vraiment inquiétant», dit-elle.

La Société médicale réagit

Le Dr Mark MacMillan, président de la Société médicale du N.-B., affirme que les soins de santé publics et universels sont l’un des fondements de la société.

«La Société médicale du N.-B. croit qu’il faut explorer toutes les options pour améliorer l’offre de services dans un système de santé financé par l’État.»

Le Dr MacMillan affirme que certaines cliniques privées sont déjà financées par la province au N.-B. et qu’elles fonctionnent bien, mais que des cliniques privées qui demanderaient des paiements directs seraient préoccupantes en raison de l’iniquité des services de santé qu’elles pourraient engendrer.

Le premier ministre Blaine Higgs a aussi affirmé lundi que plus de médecins veulent travailler en clinique avec leurs collègues, et qu’ils ne veulent plus être limités à un seul endroit où offrir leurs soins.

«Bien que plusieurs médecins, surtout en début de carrière, ont de l’intérêt pour le travail de groupe, la préférence demeure pour les médecins d’avoir un choix et d’être libres dans leur façon de travailler», affirme le docteur MacMillan en ajoutant que cette préférence varie d’un médecin à un autre et qu’elle peut changer tout au long d’une carrière.

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