Une spécialiste américaine des baleines noires applaudit les efforts déployés par les gouvernements et l’industrie de la pêche afin de réduire les risques d’empêtrements de ces mammifères marins, mais il faudra en faire davantage afin de sauver l’espèce.

Depuis quelques années, l’industrie de la pêche au Nouveau-Brunswick, particulièrement les crabiers, doit apprendre à composer avec les baleines noires et les mesures de protection qui ont été déployées par le gouvernement fédéral afin de les protéger.

Ces mesures sont devenues nécessaires puisque ces mammifères marins sont aujourd’hui en danger critique d’extinction.

Fin 2021, le nombre de baleines noires était estimé à 340. «C’est un déclin assez dramatique par rapport à 2010, alors qu’on en comptait environ 500», se désole Amy Knowlton, une spécialiste des baleines noires au Anderson Cabot Center for Ocean Life, situé au New England Aquarium de Boston.

Malgré les défis qui menacent la survie de l’espèce, la scientifique voit certains signes encourageants.

Elle cite en exemple les mesures de surveillance déployées par le Canada à partir de 2018.

Cette surveillance s’est aussi accompagnée de protocoles de fermeture des zones de pêche lorsque des baleines noires y sont aperçues.
La mise à l’essai des systèmes de cordage à la demande est également un autre pas dans la bonne direction, particulièrement dans les zones où les baleines se réunissent afin de manger.

Cordages à faible résistance

«Nous devons aussi ajuster nos activités en sachant que nous ne savons pas exactement où sont situées les baleines en tout temps. Elles bougent sans cesse afin de se rendre d’un habitat à un autre. Elles peuvent donc être menacées, même lorsqu’elles ne font que passer dans une zone où il y a des activités de pêche», dit-elle.

Mme Knowlton, qui se spécialise dans l’impact des activités humaines sur les baleines noires, note par exemple que quatre empêtrements sont survenus depuis le début de l’année.

Elle plaide ainsi pour le déploiement de cordages à faible résistance à la rupture dans l’industrie de la pêche.

«Si une baleine se fait empêtrer lors d’une migration, ces cordages lui permettraient de se libérer sans souffrir des conséquences graves des empêtrements», dit Mme Knowlton.

Depuis 1980, Mme Knowlton et ses collègues ont documenté l’impact de plus de 1700 empêtrements chez les baleines noires, notamment en analysant les cicatrices laissées par les cordages.

Leurs recherches ont permis de montrer que même lorsqu’un empêtrement ne mène pas à la mort d’une baleine, il peut causer des conséquences dramatiques pour l’espèce.

«La croissance des baleines noires affiche souvent un retard à la suite d’un empêtrement, raconte-t-elle. C’est un très gros problème parce que si elles n’atteignent pas leur taille normale, elles n’ont pas les ressources nécessaires pour se reproduire et les femelles ont alors moins de baleineaux.»

Mme Knowlton a d’ailleurs répertorié une baleine ayant été empêtrée dans des équipements de pêche à neuf reprises.

«Ces blessures augmentent les risques d’infection, elles sont parfois incapables de se nourrir lorsque des engins de pêche restent accrochés à elles. Les empêtrements et leurs impacts chroniques poussent l’espèce à l’extinction», dit-elle.

Dans un courriel envoyé à l’Acadie Nouvelle, Pêches et Océans Canada explique avoir reporté «jusqu’en 2024 la mise à l’essai et la mise en œuvre des exigences relatives à l’utilisation d’engins de pêche à faible résistance à la rupture dans les pêches commerciales ayant recours aux engins fixes non surveillés, et utilisant des casiers et des cages, au Canada atlantique et au Québec.»

«Le Ministère prend le temps nécessaire pour garantir que les engins de pêche à faible résistance à la rupture sont sécuritaires, efficaces pour protéger les baleines, et faciles d’accès aux pêcheurs», a indiqué une porte-parole.

La surveillance du fédéral se poursuit

Autrefois, une partie de la population de baleines noires de l’Atlantique Nord se dirigeait, le printemps venu, vers la baie de Fundy et le sud de la Nouvelle-Écosse afin de se nourrir.

Face aux changements climatiques et au réchauffement des eaux, ce mammifère marin a modifié son comportement et se rend dans le sud du golfe Saint-Laurent.

«On savait que quelques baleines s’y rendaient parfois, mais à partir de 2014, de plus en plus de baleines ont été aperçues dans la région», dit Amy Knowlton, une spécialiste des baleines noires au Anderson Cabot Center for Ocean Life.

L’année suivante, des micros du ministère des Pêches et Océans (MPO) installés dans les eaux de la vallée de Shédiac, une zone du golfe du Saint-Laurent situé à l’est du Nouveau-Brunswick et au nord-ouest de l’Île-du-Prince-Édouard, détectent une augmentation des vocalisations de baleines d’avril à septembre.

En 2017, 12 baleines noires sont mortes à la suite d’empêtrements ou de collisions avec des navires.

Un an plus tard, le ministère des Pêches et Océans (MPO) a lancé un programme de surveillance aérienne afin de faire des relevés systématiques des populations de baleines noires dans le sud du golfe Saint-Laurent.

D’après Jean-François Gosselin, biologiste à la section des mammifères marins à l’Institut Maurice-Lamontagne du MPO à Mont-Joli, la surveillance de l’an dernier a permis de montrer qu’une partie de la population de baleines a changé de territoire.

«Avant, elles se concentraient dans la vallée de Shédiac, mais l’année dernière, on avait aussi de bons regroupements de chaque côté du banc de Bradelle, près des Îles-de-la-Madeleine, dit M. Gosselin. Elles sont un peu plus dispersées, c’est probablement ce qui fait que plus de zones de pêche ont été fermées à certains moments pendant la dernière saison.»

D’après, le biologiste, les baleines se déplacent probablement afin de suivre les bancs de calamus, leur proie principale. D’autres travaux sont en cours afin de déterminer si la répartition de ces poissons change au fil du temps.

Chaque année, environ 140 baleines migrent dans le sud du golfe afin de se nourrir.

D’après le MPO, deux cas de mortalité de baleines noires sont survenus dans les eaux des États-Unis depuis novembre 2022.

Depuis décembre 2022, les baleines noires de l’Atlantique Nord ont donné naissance à 11 baleineaux. L’année précédente, 14 baleineaux avaient été recensés.

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