Une femme d’Edmundston a décidé d’apporter un peu de réconfort aux parents ayant vécu un deuil périnatal en leur confectionnant des nids d’ange.

Anik Marchand, membre fondatrice du Comité de sensibilisation au deuil périnatal, est à l’origine de ce projet.

En 2012, elle a vécu le décès de son bébé Thomas à 22 semaines de grossesse. Il était atteint d’une maladie chromosomique le rendant incompatible avec la vie. Elle s’est donc rendue au Centre hospitalier de l’Université Laval de Québec en 2012 pour son interruption médicale de grossesse.

Une fois l’accouchement terminé, elle a eu la chance de prendre son bébé dans ses bras, alors qu’il avait été déposé dans un petit nid d’ange confectionné par des bénévoles du CHUL.

Pour Mme Marchand, ces petits nids d’anges sont l’un des rares souvenirs tangibles que les parents peuvent garder de leur bébé.

«Les parents qui vivent un deuil périnatal repartent les bras vides et le ventre vide aussi, car la maman n’est plus enceinte. Il y a un grand sentiment de vide. Dans mon cas, c’est l’un des seuls souvenirs que j’ai et ça m’est très cher, alors je voulais donner la chance à d’autres parents d’en avoir un.»

Anik Marchand a entrepris le tricot en janvier 2022, espérant être capable d’apprendre cet art. Elle a non seulement appris à tricoter, mais elle a réussi à fabriquer ses petits nids d’ange sans patron.

La jeune femme en a d’ailleurs remis une dizaine au secteur de gynéco-obstétrique de l’Hôpital régional d’Edmundston. Elle croit qu’ils permettront à des parents de faire la rencontre de leur bébé d’une façon un peu plus douce.

«On s’était informé auprès de l’hôpital et il n’y avait pas de ces nids d’ange. Probablement que (décès périnataux) ça arrive moins souvent à Edmundston qu’au CHUL, mais ça arrive quand même. Je me suis dit que, pour les gens de la région qui ont un petit bébé qui n’est pas présenté dans un nid d’ange, ce serait bien d’en tricoter.»

Mme Marchand a l’intention de développer un patron permettant à d’autres personnes de tricoter leurs propres nids d’ange.

«J’ai des gens de la région et de l’extérieur qui sont intéressés à tricoter ça, donc je vais essayer de leur partager un patron prochainement.»

Divers services

En 2018, le Comité de sensibilisation au deuil périnatal a vu le jour. D’abord créé afin d’organiser une cérémonie annuelle permettant aux familles touchées par le deuil périnatal de se recueillir, le comité a ajouté divers services au fil des années.

Parmi ces services, un système de «marrainage» informel a été implanté pour les parents qui vivent un deuil périnatal. On a aussi ajouté des «boîtes à outils» contenant des ressources en lien avec le deuil périnatal.

Un lieu de recueillement, situé au Jardin botanique du Nouveau-Brunswick a aussi été aménagé. Une boîte aux lettres sera ajoutée sur le site pour permettre aux parents de laisser un message à leurs petites étoiles filantes.

Pour Tina Émond, membre fondatrice du comité et chef du secteur de Sciences infirmières de l’Université de Moncton, campus d’Edmundston, la région est de plus en plus sensibilisée au deuil périnatal.

«Ça se parle un petit peu plus. Dans notre coin, on est chanceux, parce que l’on a le comité. Avant lacréation du comité, j’avais même fait le tour de la province pour voir ce qui existait comme soutien communautaire, mais je n’ai rien trouvé. Ça a peut-être évolué depuis, mais je n’en ai pas entendu parler», a indiqué Mme Émond.

«Il y avait un besoin criant, car il n’y avait rien dans la communauté. On n’entendait pas vraiment parler du deuil périnatal avant la création du comité.»

Les fondatrices du comité ont réalisé rapidement qu’il s’agissait d’un besoin important, puisque la première cérémonie du deuil périnatal a attiré une centaine de personnes.

«Nos cérémonies touchent différentes personnes. On a des gens qui viennent de vivre le décès de leur bébé alors que pour d’autres ça fait 20 ans. C’est une occasion d’y penser et de mettre une attention là-dessus, car c’est un moment significatif dans la vie d’un parent», a raconté Mme Émond.

Le comité reçoit même des messages de gens qui habitent à l’extérieur du Nord-Ouest.

Pour ses études de doctorat, Tina Émond s’est d’ailleurs penchée sur l’amélioration des soins offerts à l’urgence de l’Hôpital régional d’Edmundston lors d’une fausse couche.

«Ç’a donné lieu à de nouvelles initiatives, car ça nous a permis de connaître un peu les besoins de la population. Je voulais savoir comment les parents se sentaient envers les soins qu’ils recevaient et comment les infirmières se sentaient à travers les soins qu’elles offraient.»

De fil en aiguille, Mme Émond a été invitée à offrir des formations au sujet du deuil périnatal à l’Hôpital régional d’Edmundston, notamment dans le secteur de gynécologie-obstétrique.

Des médecins travaillant à l’urgence ont aussi participé à une petite séance de sensibilisation.

«Quand ta grossesse est en bas de 20 semaines, tu passes souvent par l’urgence et tu ne vas pas nécessairement en gynéco-obstétrique (…) Le contexte de soins à l’urgence, c’est difficile. C’est occupé, il y a plusieurs cas et une fausse couche n’est pas toujours un événement de vie ou de mort. Des fois, tu ne seras pas vu en priorité et il peut y avoir des lacunes au niveau du suivi.»

«Ce n’est pas par manque de volonté des professionnels de la santé, mais ils manquent souvent de temps et de connaissances.»

De plus, Tina Émond a travaillé à l’élaboration de lignes directrices par rapport aux soins liés à la fausse couche à l’urgence. Elles sont encore à l’étape d’approbation.

Elle souhaite toutefois aller plus loin dans ses démarches en offrant notamment des formations dans d’autres établissements du Réseau de santé Vitalité.

«Je veux aussi évaluer, avec les infirmières, l’impact que ces formations ont eu dans leur pratique.»

Des tabous à démystifier

Même si la population du Nord-Ouest est de plus en plus sensible aux effets qu’un décès périnatal peut avoir sur des parents, il existe encore, selon Tina Émond, certaines perceptions à modifier.

Selon les plus récentes données de Statistique Canada à ce sujet, il y a eu 37 décès périnataux au Nouveau-Brunswick en 2020, dont 15 étaient des morts foetales tardives (période de gestation de 28 semaines ou plus).

D’après Tina Émond, il faut cependant noter que les décès périnataux précoces (avant 20 semaines de grossesse) ne sont pas répertoriés au Canada, ce qui rend le travail de compilation des données plus difficile.

«Les recherches s’entendent pour dire qu’entre 20% et 25% des grossesses se termineraient par un décès périnatal», a-t-elle toutefois précisé.

Selon Mme Émond, un décès qui se produit plus tôt dans la grossesse est perçu différemment d’un décès qui survient vers la fin de la grossesse ou lors des premiers jours qui suivent la naissance de l’enfant.

«Les gens sont beaucoup plus sensibles au deuxième type de décès, car c’est plus concret pour eux. Visiblement, ça paraît plus quand une femme arrive en fin de grossesse. Par conséquent, il y a parfois une non-reconnaissance de l’impact que peut avoir un décès qui se produit au début de la grossesse.»

Dans cette optique, les parents qui seront affectés par ce genre de deuil éviteront d’en parler et iront même jusqu’à s’isoler.

«Les gens veulent rassurer, mais ils disent des choses qui ne sont souvent pas appropriées, comme qu’ils (les parents) n’ont pas connu leur bébé ou qu’ils vont avoir d’autres enfants éventuellement. Ce ne sont pas des commentaires qui sont dits pour blesser, mais parfois il est mieux de ne juste rien dire et d’écouter.»

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