L'usine Produits Belle Baie Ltée est située à l'entrée du quai de Caraquet. - Acadie Nouvelle: Bernard Haché
Inquiétudes à Caraquet sur la production de crevette à l’usine Belle Baie
L’inquiétude exprimée par le maire de Caraquet, Bernard Thériault, quant à l’avenir de l’usine Produits Belle Baie, est-elle fondée?
La semaine dernière, lors d’une réunion ordinaire du conseil municipal, M. Thériault s’est questionné tout haut quant aux difficultés de l’industrie des pêches dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, en commençant par la compagnie Produits Belle Baie.
«On a beaucoup d’inquiétudes sur la situation de l’industrie (des pêches) dans notre région, particulièrement au cours des dernières années. Et je vais commencer par la plus grande, l’usine Produits Belle Baie, qui opère à Caraquet depuis 1968 et qui n’a pas transformé de crevette l’an passé. Elle a été le principal transformateur de crevettes pendant de nombreuses années.»
Pour traiter ce crustacé, l’usine embauche habituellement une cinquantaine de personnes. La production peut s’étendre sur une période de quatre à cinq mois.
En entrevue, Bernard Thériault a reconnu l’apport de cette entreprise à l’économie locale.
«La Belle-Baie est une compagnie qui a très bien servi la communauté et dont on est très fière.»
Mais il a aussi réitéré les préoccupations émises à l’hôtel de ville la semaine précédente.
«Le conseil municipal de Caraquet a des inquiétudes par rapport au fait que la Belle Baie, qui a été dominante dans l’industrie de la crevette, n’en produise plus.»
Ces paroles prennent un sens particulier, alors que plusieurs usines de transformation du N.-B. sont au bord du précipice.
Toutefois, dans le cas de Produits Belle Baie, il n’en serait rien.
Rejoint par téléphone, Me Alie LeBouthillier, le président de Produits Belle Baie Ltée, a reconnu que son entreprise n’a pas transformé de crevettes en 2022, une situation qui pourrait malencontreusement perdurer.
En revanche, la transformation du hareng, dans laquelle l’usine était déjà engagée l’an passé, reprendra en août et devrait se prolonger jusqu’à la fin octobre.
Me LeBouthillier a précisé que le hareng traité à Caraquet provient de la Nouvelle-Écosse et celui-ci procure du travail à quelque 150 personnes durant trois mois.
Une ressource qui s’épuise
Me LeBouthillier croit que la pêche à la crevette est entrée dans une période critique. Ces dernières années les quotas ont été réduits de manière significative, a-t-il ajouté. En 2022, la baisse a été de 25% et la saison qui débutera bientôt verra une diminution supplémentaire de 7%.
Ces ajustements ont eu des suites. La flotte de pêche a perdu des navires et certains quotas auraient été redistribués en conséquence.
D’après les biologistes, la biomasse de la crevette nordique décline. Divers facteurs seraient en cause. Les eaux du Nord sont plus chaudes et le sébaste, un prédateur du crustacé qui n’est plus pêché commercialement depuis des décennies, se serait multiplié.
Il faut s’interroger sur l’avenir de la pêche à la crevette, a indiqué Me LeBouthillier, en laissant augurer le pire.
«C’est à peu près le même scénario que pour la morue.»
En outre, ces derniers temps le prix au marché joue contre les pêcheurs, comme il en est allé pour le homard et le crabe, a-t-il fait remarquer.
«C’est un produit de luxe.»
Le prix du carburant, qui a augmenté de manière importante, ajoute aux difficultés de la pêche. Le président de Produits Belle Baie estimé qu’un bateau qui se déplace consomme au-delà de 100 litres à l’heure.
Or, leurs prises faites, les crevettiers doivent naviguer une journée entière, sinon plus, pour rallier la Péninsule acadienne. Les coûts supplémentaires plombent la profitabilité, ce qui incite les pêcheurs à débarquer leurs produits à proximité des zones de pêche.
Produits Belle Baie, ne pouvant obtenir le volume minimum requis, a mis sa production de crevettes en veilleuse, et il est difficile de savoir quand celle-ci pourra reprendre.
«Lorsqu’on n’a pas le volume, qu’est-ce qu’on fait? Ça prend 3 millions de livres de crevettes pour faire rouler l’usine. Elle coûte cher à mettre en marche et à faire marcher.»
À tout le moins, la production du hareng va se poursuivre, mais comme la crevette manque, la compagnie devra peut-être envisager une solution de rechange telle que le crabe ou le homard, a indiqué Me LeBouthillier.