Des joueurs des Alpines de Moncton, en action, à Halifax, en 1995. - Archives
Cas présumé d’abus chez les Alpines de Moncton: les ex-joueurs peu bavards
En février, un juge ontarien a étudié les témoignages d’abus subis par d’anciens joueurs de la Ligue canadienne de hockey. L’un d’eux, Stephen Quirk, a joué à Moncton. Ses ex-coéquipiers parlent peu, mais la Ligue de hockey junior majeur du Québec affirme prendre des mesures pour le bien-être des jeunes sportifs.
Des joueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), de l’Ontario et de l’Ouest ont subi des viols, des agressions, du harcèlement, des menaces, de la stigmatisation et jusqu’à de la torture.
C’est l’une des conclusions tirées par un juge de la Cour supérieure de l’Ontario, Paul Perell, en février. Il traitait une accusation faite par trois anciens sportifs de la Ligue canadienne de hockey (LCH), Daniel Carcillo, Garrett Taylor et Stephen Quirk.
Ce dernier a raconté l’initiation violente et humiliante que plusieurs de ses coéquipiers lui auraient fait passer quand il jouait pour l’équipe des Alpines de Moncton en 1995. Ceux-ci auraient notamment déshabillé, alcoolisé et aveuglé par un bandeau le Néo-Écossais de 17 ans, puis lui auraient infligé des attouchements intimes douloureux.
Souvenirs d’un jeune joueur
Le hockeyeur Mika Cyr se souvient d’avoir assisté à des exposés sur le consentement sexuel et peut-être sur l’intimidation quand il a joué pour les Wildcats de 2016 à 2020. Il affirme en tout cas n’avoir jamais vu d’actes comparables à ceux décrits par M. Quirk lorsqu’il évoluaie dans la LHJMQ.
«Il n’y avait pas vraiment d’initiation, raconte l’actuel membre des Aigles Bleus de l’Université de Moncton. Nous allions souper, faire des affaires en équipe. Il y avait des petites choses comiques à faire, comme chanter devant les autres joueurs dans l’autobus. Nous avions une bonne équipe soudée, dans laquelle tout le monde était inclus.»
M. Cyr dit avoir pris beaucoup de plaisir à jouer pour les Wildcats.
Souvenirs d’ancien joueurs
C’est aussi le discours de plusieurs anciens joueurs des Alpines de Moncton, qui étaient les coéquipiers de M. Quirk en 1995.
«Mes années de hockey junior font partie des meilleures années de ma vie, témoigne par exemple Sébastien Roger, qui a fait partie des Alpines durant l’année de ses 17 ans. Nous étions des adolescents pas trop encadrés, j’ai eu beaucoup de fun.»
Il a bien reçu une initiation à l’aréna de Moncton. Il soutient néanmoins être incapable de se souvenir d’un traitement «hors norme».
«On a fait des… pff… Je ne me souviens pas honnêtement. Je n’ai aucun mauvais souvenir de ce temps-là, dit M. Roger. Je trouve ça triste que des choses aient pu affecter la vie de M. Quirk. Il n’est probablement pas le seul. Mais autres temps, autres mœurs.»
David-Alexandre Beauregard avait 19 ans et avait déjà joué deux ans à la LHJMQ quand il a rejoint les Alpines de Moncton. Il faisait partie des «vétérans» qui pouvaient mener les cérémonies d’initiation.
«J’ai manqué l’initiation, car j’ai eu un accident d’auto la journée même. C’est une bonne affaire pour moi avec ce qui se passe aujourd’hui, s’exclame-t-il. Je n’avais jamais rien entendu de l’histoire [de M. Quirk] avant qu’elle sorte dans les journaux.»
M. Beauregard indique que toutes les jeunes recrues devaient suivre une initiation durant ses quatre années à la LHJMQ. Il assure que les épreuves étaient plutôt «drôles» et qu’elles n’avaient rien d’humiliant ni de sexuel. Il refuse toutefois de donner des exemples.
«Ça appartient au temps du hockey, assène-t-il. Je ne suis pas là pour dire ce qui s’est passé ou pas.»
Le Québécois confirme quand même un élément du récit de M. Quirk. L’adolescent s’est coupé à cause d’une bouteille de bière dans une cabine de douche le soir de son initiation à l’aréna de Moncton. Un autre joueur des Alpines, désirant rester anonyme, confirme un autre épisode de l’histoire du Néo-Écossais.
«Lors des longs trajets en bus, toutes les recrues étaient obligées de se déshabiller et de se rendre dans les minuscules toilettes du véhicule. Nous étions 6 ou 7 dans cette salle. […] Je me souviens d’y être restée pendant des heures. […] Ça donnait un sentiment horrible de dégradation et de claustrophobie», a raconté M. Quirk à la Cour supérieure de l’Ontario.
Contacté par le journal, le capitaine des Alpines de l’époque, Martin Latulippe, a indiqué, dans une déclaration écrite, ne pas se sentir à l’aise à commenter le passé, mais qu’il est «heureux qu’on ne tolère plus des gestes qui étaient encouragés à une autre époque.»
L’ancien entraîneur des Alpines de Moncton à l’époque, Lucien Deblois, et son adjoint, Roland Collette, n’ont pas répondu aux appels de l’Acadie Nouvelle.
Mesures de la LHJMQ
Aujourd’hui, la LHJMQ compte trois équipes au Nouveau-Brunswick: le Titan à Bathurst, les Wildcats à Moncton et les Sea Dogs à Saint-Jean. Le directeur des communications du circuit, Maxime Blouin, affirme que son organisation a pris des mesures pour améliorer le bien-être des joueurs.
Le relationniste évoque la création d’un comité indépendant d’experts pour accompagner les sportifs en situation problématique. Ce groupe, composé d’anciens policiers et de psychologues par exemple, a aussi rédigé une nouvelle politique de prévention et de traitement du harcèlement et de la violence.
«En lien avec cette politique-là, nous avons fait un atelier de formation de 3h en 2021 pour nos directeurs et nos entraîneurs. Il portait sur les comportements liés aux relations et aux environnements sains, précise M. Blouin. Nous avons aussi fait des ateliers de préventions sur les violences à caractère sexuel et des webinaires sur les comportements inappropriés (abus, harcèlement, intimidation) pour les joueurs.»
Il ajoute que la LHJMQ a mis à disposition des jeunes sportifs des textes de politiques et des vidéos explicatives sur internet. Il annonce enfin la mise en place d’un système de plaintes indépendant dans les prochains mois.