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Embauche de policiers pour réduire la criminalité: une stratégie contestée
Le ministre de la Sécurité publique souhaite embaucher 80 policiers supplémentaires afin de faire baisser la criminalité dans la province, une stratégie remise en doute par une criminologue de l’Université de Moncton.
Dans son discours sur le budget prononcé mardi, le ministre des Finances, Ernie Steeves, a indiqué que «le nombre d’actes criminels, toutes catégories confondues, est en hausse partout dans la province.»
Pour contrer la tendance, le gouvernement compte investir 32,6 millions de dollars afin d’assurer «une plus grande visibilité policière, optimiser le temps des agents dans les communautés, augmenter le taux de résolution de crimes, réduire le taux de criminalité et renforcer la confiance du public.»
Lors d’une entrevue avec l’Acadie Nouvelle jeudi après-midi, le ministre de la Sécurité publique, Kris Austin, a indiqué que le plus gros de cette somme servira à embaucher 80 nouveaux policiers dans la province.
«De ce nombre, 51 seront des agents de première ligne, directement sur le terrain dans nos communautés, et 29 seront des agents qui travaillent sur les crimes majeurs», a indiqué M. Austin.
Il précise que ces mesures visent à répondre aux inquiétudes dont on lui a fait part lors d’assemblées publiques à la suite de son assermentation à titre de ministre.
«La clé de cette augmentation d’effectifs vise davantage les communautés rurales du Nouveau-Brunswick, ajoute le ministre. L’idée, c’est donc vraiment d’accroître la visibilité de la GRC en milieu rural et d’améliorer leur temps de réponse aux urgences et certaines infractions mineures de vol.»
Des données fiables?
Ces nouveaux investissements, dit Kris Austin, sont justifiés par les statistiques annuelles sur la criminalité publiées par Statistique Canada.
«Les données que nous avons reçues portent sur les taux de criminalité au niveau national et provincial, dit-il. Quand on regarde les différentes catégories de crimes – drogues, exploitation des enfants, violence conjugale, vols – on voit une tendance à la hausse constante depuis les six ou sept dernières années. Malheureusement, le Nouveau-Brunswick dépasse les moyennes nationales.»
Pour Véronique Chadillon-Farinacci, professeure de criminologie à l’Université de Moncton, l’approche privilégiée par le gouvernement afin d’endiguer la criminalité pose de nombreux problèmes.
Dans un premier temps, on aurait intérêt à procéder à une analyse détaillée des crimes commis dans la province avant d’investir des sommes aussi considérables dans l’embauche de policiers.
«Il faut comprendre de quoi on parle quand on dit que la criminalité augmente. Pour être en mesure de faire des choix éclairés qui auront un impact, il faut faire des analyses qui offrent un portrait plus précis.»
Par exemple, les solutions visant à s’attaquer à une augmentation des agressions sexuelles ne seront pas les mêmes que celles dans le cas d’une augmentation des vols de moins de 5000$, dit-elle. Dans un cas comme dans l’autre, plus d’agents ne feront pas faire chuter ce genre de crimes.
Le cas de Moncton
Moncton a beaucoup fait parler d’elle l’an dernier à la suite de la publication des données de Statistique Canada sur la criminalité puisque la municipalité figurait parmi l’une des villes avec le plus haut taux de criminalité au pays. Selon plusieurs, il s’agit d’une preuve qu’il faut augmenter la présence policière.
Mme Chadillon-Farinacci dénonce toutefois une analyse trop simpliste de la réalité.
Une plus grande présence policière n’aurait que très peu d’impact sur les crimes ayant le plus contribué à faire gonfler les taux de criminalité dans la grande région de Moncton, note-t-elle.
Parmi ces crimes, on peut penser aux cas de fraude, de communications indécentes ou harcelantes, les vols de 5000$ et moins, les menaces ou les introductions par effraction.
«À Moncton, le taux de criminalité est à la hausse depuis 2016, mais ce sont surtout les crimes contre la propriété qui augmentent. On parle aussi de méfaits, de fraudes, d’entrées par effraction. Ce n’est pas en augmentant le nombre de policiers que l’on peut régler ce genre de problème, notamment parce qu’ils réagissent aux crimes qu’on leur signale», dit la professeure.
Mme Chadillon-Farinacci plaide aussi pour un meilleur partage des données sur la criminalité par les forces de l’ordre afin que les décideurs puissent financer des solutions qui répondent aux besoins.
«Il y a moyen d’être plus créatif dans la manière qu’on s’attaque à certains enjeux à Moncton ou au Nouveau-Brunswick, mais pour choisir la bonne approche, ça prend des informations détaillées à peu près impossibles à obtenir auprès des policiers.»