La complexité des soins, l’entraide, l’autonomie ainsi que le contrôle des horaires et des congés peuvent être des facteurs de rétention et de démission. - Archives
Infirmières: les incitatifs financiers constituent un outil «peu efficace»
La professeure en gestion des services de la santé à l’Université de Moncton, Claire Johnson, pense que les incitatifs financiers constituent un outil peu efficace pour attirer et retenir des infirmières. Et ce, même si la Nouvelle-Écosse en propose.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick n’a pas prévu d’accorder des incitatifs financiers aux infirmières qui travaillent déjà dans son système de santé.
Le premier ministre, Blaine Higgs, croit qu’une telle mesure serait trop dispendieuse. Il a dit que la province a déjà augmenté le salaire de ces professionnelles. «Où ça se termine?», s’est-il interrogé.
«Je suis un peu d’accord avec M. Higgs», rit la professeure en gestion des services de santé à l’Université de Moncton, Claire Johnson.
Elle affirme que la littérature scientifique montre que les incitatifs financiers constituent un facteur de recrutement et de rétention peu important (c’est certain pour les médecins en tout cas).
De plus, la chercheuse étudie les témoignages de 57 infirmières qui travaillent dans le système de santé ou l’ont quitté, afin de comprendre leurs motivations respectives.
Charge de travail
«Ces gens n’ont jamais dit que c’était à cause du salaire qu’ils partaient ou restaient, déclare-t-elle grâce aux résultats préliminaires de son étude. C’est leur charge de travail qui est trop lourde.»
Mme Johnson ajoute que la complexité des soins, l’entraide, l’autonomie ainsi que le contrôle des horaires et des congés peuvent être des facteurs de rétention et de démission.
«Le sentiment d’injustice nuit beaucoup à la satisfaction au travail, indique-t-elle aussi. Quand les infirmières évoquent leurs relations avec leurs collègues, elles expriment de petites jalousies. C’est la reconnaissance qui semble être le besoin non comblé.»
Or, le gouvernement de Nouvelle-Écosse offre 10 000$ aux infirmières qui travaillent depuis un an dans son système de santé. Il double cette somme pour celles qui s’engagent à y travailler au moins deux ans.
«Nos infirmières nous disent que c’est une gifle. Ça fait un an qu’on fait du lobbying [pour avoir] des incitatifs de maintien en poste», a réagi Maria Richard, vice-présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick.
M. Higgs a rappelé que son gouvernement offre déjà une prime de 10 000$ aux infirmières qui s’engagent à travailler dans le système pendant trois ans.
Cependant, les incitatifs liés à un engagement sur une durée de travail fonctionnent peu, selon Mme Johnson. Elle pense que les infirmières accordent de l’importance à leur liberté, surtout les plus jeunes.
Reconnaissance
«Ce serait important que les provinces collaborent», soutient la chercheuse, qui les encourage à éviter de faire ressentir de l’injustice aux professionnelles des différents systèmes de santé.
Mais comment améliorer le sentiment de reconnaissance des infirmières? Mme Johnson n’en est pas sûre. Elle croit que le gouvernement devrait parfois s’abstenir de les critiquer, comme l’a fait M. Higgs après le refoulement d’une victime de viol à l’hôpital de Fredericton, en 2022.
Des infirmières évoquent aussi avec amertume l’emploi par les réseaux de santé de plusieurs de leurs homologues faisant partie d’agences privées et qui reçoivent des revenus plus élevés que les leurs.
«C’est difficile de donner de la reconnaissance à un groupe de personnes! Surtout lorsqu’elles sont épuisées au travail», reconnaît quoi qu’il en soit Mme Johnson.
Initiatives
Le gouvernement provincial mise sur le recrutement. Il a réservé 29,7 millions $ pour l’amélioration de la situation des ressources humaines en santé dans son budget 2023 – 2024.
Le ministre Bruce Fitch a indiqué qu’il souhaite surtout recruter des infirmières à l’étranger grâce à cette somme. Il pense qu’elles soulageront leurs collègues déjà en poste, améliorant ainsi la rétention.
«C’est un argumentaire qui se tient, commente Mme Johnson. Mais c’est dommage qu’il n’y ait pas plus d’efforts pour réduire la charge de travail et améliorer la rétention.»
Elle cite en exemple une initiative de Vitalité. Le réseau de santé a formé des trios incluant une infirmière immatriculée, une infirmière auxiliaire et un membre du personnel de soutien, comme un préposé aux soins.
Les membres du groupe se partagent les tâches selon les besoins et les savoir-faire. C’est une façon d’utiliser au maximum les compétences de chacun des employés.
«C’était une belle initiative», applaudit Mme Johnson.