Preuve que les arrêtés municipaux ont une incidence sur le paysage linguistique, Tigre Géant affiche dans les deux langues officielles à Atholville. La succursale de cette chaîne à Moncton n’affiche qu’en anglais. - Archives
Langue d’affichage: l’arrêté d’Atholville survivra-t-il à la fusion avec Campbellton?
La Communauté régionale de Campbellton n’entend pas se pencher de sitôt sur la question de l’affichage commercial obligatoire en français, et ce, bien qu’elle englobe désormais une municipalité qui avait légiféré favorablement en la matière.
La Communauté rurale de Kedgwick a surpris le monde municipal, la semaine dernière, en adoptant un arrêté forçant ses commerces à afficher en français. Selon celui-ci, toutes les nouvelles enseignes commerciales qui seront érigées sur son territoire devront être en français ou dans les deux langues officielles (avec préséance au français). Cette mesure, adoptée en pleine Semaine provinciale de la fierté française, vise à reconnaître et à faire respecter le caractère francophone de cette localité.
Kedgwick n’est toutefois pas la pionnière dans ce domaine dans la province, ni même au Restigouche. Depuis 2011, une telle politique est en effet en vigueur à Atholville.
Avec la récente réforme municipale, Atholvile a été fusionnée avec Campbellton et Tide Head. Ces deux dernières communautés n’ont jamais légiféré en faveur de l’affichage commercial en français.
Jean-Guy Levesque a été maire d’Atholville avant de guider aujourd’hui la destinée de Campbellton. Il connaît évidemment l’existence de l’arrêté sur l’affichage commercial de son ancienne municipalité. Questionné à savoir si le geste posé par sa voisine de Kedgwick pourrait inspirer Campbellton à s’aventurer dans cette voie, il confirme ne pas avoir d’appétit pour rouvrir le débat linguistique, du moins à ce stade-ci de l’après-réforme.
«J’applaudis Kedgwick, c’est un très beau geste. Mais chez nous, pour le moment, on se doit de choisir très minutieusement tous nos dossiers et tous nos combats», exprime le maire.
Il dit ne pas banaliser le dossier linguistique.
«Ce n’est pas que la langue ne soit pas un enjeu important chez nous, loin de là. Mais partir avec cette volonté-là que tout soit affiché dans les deux langues, ça prend énormément d’énergie et il y a tout un terrain à défricher au préalable. Au moment où l’on se parle, notre conseil en a déjà plein les bras avec le récent regroupement», ajoute M. Levesque.
Selon les données préliminaires, la nouvelle entité regroupée de Campbellton serait majoritairement francophone à plus de 60%. Aux dires du maire, cette réalité francophone est d’ailleurs passablement visible en ville.
«La majorité des commerces que l’on retrouve ici affiche déjà dans les deux langues. Je pense qu’il y a déjà une bonne sensibilisation quant à l’importance d’afficher en français à Campbellton. Je ne vois donc pas cela comme étant un enjeu majeur qui nécessite qu’on s’y attarde dans l’immédiat», dit M. Levesque.
Il invite néanmoins toutes les futures entreprises à s’afficher en français dans la ville, et ce, même si aucun arrêté ne les y oblige.
Pas de presse
S’il n’entend pas forcer la nouvelle ville Campbellton à s’afficher en anglais au niveau commercial, Jean-Guy Levesque ne compte pas se presser non plus pour entamer la révision de l’arrêté municipal sur l’affichage commercial dans le quartier Atholville.
Comme pour les autres entités regroupées, Campbellton doit en effet revoir et harmoniser ses arrêtés municipaux, un processus qui risque de prendre un certain temps puisqu’il touche ici trois municipalités.
Ainsi, tant et aussi longtemps qu’on ne jumèlera pas les arrêtés, les anciens ont force de loi dans leur quartier respectif. Et c’est le cas pour celui de l’affichage à Atholville.
«Pour l’instant, c’est le statu quo dans les trois quartiers. Ainsi, si un commerce vient s’installer dans ce quartier demain, le français sera exigé», soutient M. Levesque.
Selon lui, le processus d’harmonisation des arrêtés devrait débuter d’ici la fin de l’année. L’exercice risque toutefois de s’échelonner sur plusieurs mois. Serait-ce possible de conserver la particularité du quartier Atholville en y maintenant une obligation linguistique au niveau de l’affichage commercial? Le maire ne nie pas cette possibilité.
«Il arrive souvent qu’on ait des politiques différentes pour des quartiers d’une même ville. La politique pour les feux à ciel ouvert, par exemple, était différente à Val-d’Amour qu’au cœur du village d’Atholville. Comme le secteur Atholville est le centre de l’activité commerciale, ce serait peut-être plausible d’avoir une approche différente pour l’affichage», estime le maire. n
Replacer le français dans la liste des priorités
L’initiative de Kedgwick en matière d’affichage commercial en français fera-t-elle boule de neige dans le monde municipal?
S’il est encore trop tôt pour le dire, il est clair qu’il s’agit du souhait de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick (AFMNB).
Directeur général de l’organisme, Pascal Reboul soutient avoir été agréablement surprise par le leadership démontré par la petite communauté restigouchoise pour favoriser la place du français dans son paysage linguistique. Il ne cache pas qu’il aimerait bien voir d’autres municipalités s’en inspirer.
«Kedgwick a semé une graine dans la tête des autres municipalités, si bien qu’on espère vraiment en voir d’autres emprunter cette avenue, adopter des arrêtés favorisant l’affichage commercial en français», explique-t-il.
Cet arrêté de Kedgwick tombe à point puisque l’AFMNB vient de finaliser une demande de financement pour un projet-pilote destiné à accompagner les municipalités désireuses d’entamer un processus similaire. Avec ce projet, l’organisme espère replacer le français dans la liste des priorités de ses membres.
«L’idée est d’arriver avec une formule clé en main, donc avoir une grande partie du travail déjà fait. Ça pourrait grandement faciliter les choses pour les municipalités qui ont un appétit d’aller dans cette direction, mais qui n’ont pas les ressources humaines pour le faire. C’est encore plus vrai à ce moment-ci où tout le monde en a tellement à gérer avec les récents regroupements», indique M. Reboul.