Le ministre des Gouvernements locaux et de la Réforme de la gouvernance locale, Daniel Allain, à Fredericton, le 26 mai 2023. - Acadie Nouvelle: Alexandre Boudreau
Révocation d’arrêtés municipaux: Daniel Allain répond aux critiques
Le ministre des Gouvernements locaux et de la Réforme de la gouvernance locale, Daniel Allain, a défendu son projet de loi en comité vendredi matin. Il a notamment affirmé que les critiques à l’endroit de son projet de loi controversé proviennent de personnes qui ne l’ont pas lu.
Le projet de loi du ministre vise à établir un processus de contestation des arrêtés municipaux qui seraient défavorables à certains propriétaires de terrains privés, notamment des fermiers et des entreprises forestières qui sont maintenant assujetties à de nouveaux arrêtés.
Cette partie de la loi répond à la demande de groupes représentant l’industrie agricole et forestière qui ont fait pression sur le gouvernement. Le projet de loi a été critiqué par les associations municipales, qui craignent une perte d’autonomie.
Daniel Allain donne l’exemple d’un fermier qui utilise son tracteur sur ses terres, mais qui doit maintenant se plier à un arrêté sur le bruit excessif parce que sa ferme a été amalgamée à une municipalité.
Il assure toutefois que ce pouvoir de révoquer des arrêtés nécessite un processus d’appel qui passe par la commission de la gouvernance locale, qui sera indépendante du gouvernement.
«Avant que ça vienne au ministre, ça va être analysé et étudié par la commission qui est indépendante.»
Lors d’une réunion du comité qui étudiait son projet de loi vendredi, le ministre a aussi tenu à répondre aux critiques de son projet de loi en affirmant que ces personnes ne l’ont pas lu.
«Ils devraient prendre le temps de le lire. […] …Un individu, un journaliste, un conseiller municipal, un porte-parole d’un conseil municipal… devrait au moins prendre le temps de lire le projet de loi.»
Il a même affirmé que de la désinformation (misinformation) circule au sujet de son projet de loi.
«La désinformation, c’est qu’il y a certains individus qui n’ont pas lu le projet de loi. Le projet de loi n’était pas là pour s’accaparer du pouvoir, [pour faire] attaque à la démocratie, c’est l’inverse. C’était pour que les gens, les propriétaires du N.-B., aient accès à un mécanisme d’appel.»
Il a critiqué certaines expressions utilisées par des maires pour décrire son projet de loi, mais il n’a pas précisé de quelle façon les doléances des associations municipales étaient erronées ou relevaient de la désinformation.
«Je suis fier du projet de loi qu’on a amené, il y a certains individus qui parlaient au nom des municipalités. Je ne crois pas qu’ils ont lu le projet de loi. Il n’est pas ridicule, ce n’est pas une claque dans la face de personne.»
Une erreur dans la loi?
Daniel Allain répète depuis quelques jours que la modification ou la révocation d’un arrêté par son bureau ne se fera pas sans un processus de consultation public composé de plusieurs étapes et d’un examen de la part de la commission. C’est un aspect de la loi qui peut facilement porter à confusion, parce qu’il contient probablement une erreur, selon un expert.
D’après Lyle Skinner, un avocat de droit constitutionnel expert de questions parlementaires, on y établit bel et bien un processus de consultation publique nécessaire pour révoquer un arrêté. Mais dans sa forme actuelle, le projet de loi donne aussi le pouvoir au ministre de révoquer unilatéralement un arrêté sans aucune consultation. Autrement dit, ce pouvoir du ministre n’est pas rattaché au processus de consultation publique.
M. Skinner croit que cela n’est probablement pas l’effet escompté du projet de loi.
«Je pense que c’est probablement un oubli de rédaction, d’après les déclarations du ministre en comité.»
Le ministre Allain n’a pas pu répondre à nos questions à ce sujet. L’Acadie Nouvelle a cherché à avoir des précisions du ministère, mais on n’a pas répondu à notre demande avant l’heure de tombée.
Pas d’exemples spécifiques
«Il n’y a pas d’exemple spécifique» d’un arrêté adopté au N.-B. qui nécessiterait une intervention du ministre, a aussi ajouté Daniel Allain en réponse aux questions de journalistes vendredi.
Il a repris un exemple utilisé jeudi par l’Alliance agricole du N.-B. concernant un arrêté sur les coupes à blanc qui a finalement été rejeté par le conseil municipal de Miramichi.
«Il y a un caractère de ruralité qu’on veut garder. Et il y a des municipalités qui vont peut-être prendre des décisions dont elles ne connaissent pas toutes les conséquences. Je crois que l’Alliance agricole en a mentionné un. Le ministre va avoir un pouvoir additionnel, mais ça sera une consultation publique, il y aura un rapport public aussi.»
L’opposition reste sur sa faim
Vendredi, le député vert Kevin Arseneau n’a pas eu l’occasion de poser des questions sur le projet de loi, dont l’étude en comité se poursuivra probablement à l’avenir.
Le député, qui est aussi fermier, affirme que la protection des agriculteurs devrait être du ressort d’une loi appartenant au ministère de l’Agriculture, et que cela ne devrait pas passer par un processus de révocation d’arrêtés municipaux.
Il croit que cela pourrait donner des échappatoires à des corporations qui voudraient éviter des arrêtés municipaux.
«Quand il parle d’intérêt public, le ministre, ce qu’il veut vraiment dire, ce sont les intérêts corporatifs.»
Le député Kevin Arseneau croit que le ministre se donne le pouvoir de modifier les arrêtés unilatéralement en raison de la façon dont le projet de loi est écrit.
Dans le cas contraire, il se demande aussi si une «personne morale», soit une corporation, pourrait faire une demande de révoquer un arrêté.
Jacques LeBlanc, député libéral de Shediac-Beaubassin-Cap-Pelé, avait toujours des questions pour le ministre à la sortie du comité.
«Des réponses qui m’ont été données précisent un peu le projet de loi, mais il y a encore beaucoup d’inquiétude sur la consolidation du pouvoir, de vouloir contrôler [les nominations].»
Il rappelle qu’il reviendra au cabinet de nommer les membres de la commission de la gouvernance locale pour une période de dix ans.