Alexis Légère est adepte d’une agriculture écologique et intensive pratiquée sur une très petite surface. - Acadie Nouvelle : Justin Dupuis
Ces jeunes fermiers qui font les choses autrement
NDLR: À quoi ressemble l’agriculture au N.-B.? Comment cette profession a-t-elle évolué au cours des dernières décennies et quel sera le visage de la ferme néo-brunswickoise de demain? Au cours des derniers mois, notre journaliste Justin Dupuis est allé à la rencontre de Néo-Brunswickois qui vivent de ce métier. L’Acadie Nouvelle vous présente le fruit de ses recherches tous les mardis et mercredi d’août.
Bien que l’âge moyen de l’agriculteur ne cesse d’augmenter et le nombre de fermes ne cesse de fondre au Nouveau-Brunswick, de jeunes agriculteurs tentent de réinventer ce métier en le pratiquant de manière différente.
Le visage de l’agriculture a beaucoup changé depuis une cinquantaine d’années au Nouveau-Brunswick.
En 1976, il existait 4551 fermes dans la province. Près de 50 ans plus tard, le Nouveau-Brunswick n’en compte plus que 1851, selon le dernier recensement de l’agriculture de 2021.
Pendant ce temps, la grosseur des fermes n’a cessé d’augmenter. Alors que la taille moyenne de la ferme néo-brunswickoise était de 103 hectares il y a cinq décennies, elle est aujourd’hui de 150 hectares.
Malgré cette tendance, plusieurs agriculteurs vont à contre-courant pour faire les choses autrement, notamment en ayant de plus petites fermes, plus respectueuses de l’environnement.
Le nombre de produits certifiés biologiques à la vente au Nouveau-Brunswick est par exemple passé de 49 à 74 de 2016 à 2021.
En faire plus avec moins
Alexis Légère, propriétaire des Racines Légère, à Bertrand, près de Caraquet, est de ceux qui veulent déboulonner certaines idées reçues sur la paysannerie au Nouveau-Brunswick.
M. Légère, qui en est à sa troisième saison, est un adepte d’un modèle inspiré du bio intensif, une agriculture écologique et intensive pratiquée sur une très petite surface.
Sa ferme d’un demi-acre offre 25 variétés de légumes, notamment des betteraves, des carottes, des piments, des tomates, des courges, des épinards et de la laitue.
«Je veux pousser les limites pour produire le plus de nourriture possible sur une petite surface, explique le jeune homme de 27 ans. Plutôt que de faire ça à grande échelle, la structure de ma ferme et les techniques que j’utilise font en sorte que j’ai moins de sols à préparer et je suis capable de produire beaucoup plus de légumes sur une petite superficie», a-t-il expliqué lorsque l’Acadie Nouvelle lui a rendu visite à la fin mai.
Afin d’arriver à produire de manière intensive, nul besoin de faire appel à des procédés peu respectueux de l’environnement, ajoute le jeune homme qui détient une formation en biologie. L’an prochain, M. Légère compte par exemple inoculer le paillis de son ail avec des champignons strophaires, une technique éprouvée afin d’augmenter les rendements.
«Un mètre carré donne habituellement environ 1,1 kilogramme d’ail. En mettant un paillis enrichi aux champignons, l’association entre les racines de la strophaire et de la plante devrait permettre de doubler la production d’ail. En plus, tu peux vendre ta production de champignons», précise-t-il.
Un mètre carré d’ail devrait ainsi générer 20 fois plus de revenus. Il compte d’ailleurs vérifier s’il peut améliorer sa production de poivrons grâce à des procédés semblables.
Étendre la période des récoltes
Alexis Légère cherche aussi divers moyens permettant d’étendre sa saison.
Cette année, ses betteraves – une pousse qui n’aime généralement pas être manipulée en raison de la fragilité de ses racines – ont été plantées beaucoup plus tôt grâce à un appareil permettant de facilement transplanter des semis.
«La majorité des agriculteurs commencent leurs betteraves plus tard et la première récolte n’est qu’à la fin juillet. Vu que je les démarre à l’intérieur, j’ai un mois d’avance et ils restent qu’un seul mois dans le sol. Pendant ce temps, j’en ai une autre batch de commencé à l’intérieur, donc aussitôt que je récolte, les nouveaux semis vont dans la terre. Je devrais donc avoir quatre récoltes cette année.»
À quelques kilomètres de là, la Ferme Nikkal pratique elle aussi une agriculture inspirée du maraîchage bio-intensif du Québécois Jean-Martin Fortier.
Sur leur petite ferme en plein cœur de Paquetville, Brian Légère et Lucille Doiron pratiquent une agriculture écologique, même pendant l’hiver, sans avoir recours à des serres chauffées.
Cet hiver, la Ferme Nikkal compte faire pousser plusieurs légumes, notamment des épinards, des bok choys, du chou frisé, des carottes et des betteraves.
«Il y a beaucoup de cultures que l’on peut faire l’hiver en serre, sans chauffage, pour que ça ait du sens d’un point de vue environnemental. De comprendre ça, et voir que c’est possible, ç’a été un déclic pour moi», dit-elle.
C’est aussi une stratégie adoptée par Alexis Légère.
«Grâce à mes serres, je devrais avoir des légumes à vendre d’avril à décembre l’année prochaine, dit-il. C’est sûr qu’on n’aura pas la diversité de légumes qu’on peut avoir en été, mais ça reste très intéressant. Une fois que l’on goûte les légumes racines et les verdures produites l’hiver, on s’en fout de ne pas avoir de tomates. Ça donne des légumes très sucrés et délicieux parce que, dans le cas des carottes, par exemple, la plante va concentrer le sucre du feuillage dans les racines pour ne pas mourir.»