Malgré les défis engendrés par la pandémie, la vie culturelle a repris un peu de vigueur en 2021. Je vous propose de revoir certains des événements ayant marqué la scène artistique acadienne au cours de la dernière année.

Le phénomène Salebarbes

À peine trois ans après sa création, le groupe Salebarbes est devenu un véritable phénomène. À la suite du lancement de son deuxième album Gin à l’eau salée au mois d’août, le quintette acadien a connu une ascension fulgurante. Il a donné 41 spectacles un peu partout au Québec et en Acadie, souvent devant des salles combles.

«On tripe et on est surpris de l’accueil. On voit les ventes de billets s’envoler et c’est du jamais vu. Quand on entre dans les salles, souvent les gens nous disent que ça fait longtemps qu’ils n’ont pas vu un engouement comme ça pour un groupe. Ça nous fait tout le temps un velours. Ça nous donne beaucoup d’énergie même si c’est difficile de tourner dans les conditions actuelles avec les restrictions sanitaires», a exprimé Kevin McIntyre.

Au Festival acadien de Caraquet, cet été, alors que le Nouveau-Brunswick était en phase verte, ils ont joué devant 3000 spectateurs.

«On a vécu quelque chose que pas grand band n’a vécu au Canada cette année. Ç’a un peu lancé le début de cette tournée de spectacles.»

Le groupe a été très présent dans le paysage médiatique. On les a vus, entre autres, sur le plateau du populaire talk-show Tout le monde en parle et de l’émission Ça finit bien la semaine. Une série documentaire sur le groupe a été tournée aux Îles-de-la-Madeleine et diffusée à Radio-Canada. Salebarbes aux îles (Productions KOTV) nous fait découvrir, en trois épisodes, les membres du groupe, des amitiés qu’ils ont développées avec des artistes invités et la culture des Îles-de-la-Madeleine. Il s’en dégage un côté humain, convivial et familial.

Salebarbes, c’est la rencontre de cinq auteurs-compositeurs-interprètes chevronnés du Nouveau-Brunswick et des Îles-de-la Madeleine: Kevin McIntyre, Jean-François Breau, George Belliveau, Jonathan et Éloi Painchaud. Kevin McIntyre raconte que le groupe a évolué depuis deux ans et raffiné son matériel, tout en gardant une énergie débordante et une franche camaraderie.

Les deux albums du groupe se sont retrouvés au sommet des meilleurs vendeurs au Canada francophone pendant plusieurs semaines.

«On est content de pouvoir avoir ce succès-là à ce stade-ci de nos vies.»

L’année 2022 s’annonce tout aussi occupée pour Salebarbes, avec près de 70 spectacles déjà prévus. Les 16 prochains concerts affichent complet. Ils espèrent aussi produire d’autres projets télévisuels.

Antonine Maillet honorée par la France

– Archives

La célèbre écrivaine acadienne est entrée dans l’histoire en recevant la plus haute distinction de la Légion d’honneur décernée par la France. Antonine Maillet, qui a été reçue par le président de la République française, Emmanuel Macron, à l’Elysée à Paris, a été élevée au grade de Commandeur de la Légion d’honneur, soit l’un des honneurs les plus prestigieux qui puissent être remis à une personne de l’extérieur de la France.

«J’ai 92 ans et à cet âge-là, on n’a pas les mêmes vues de la gloire, des honneurs qui nous sont faits, enfin tout ce côté-là un peu tapageur, mais je ne veux pas dire que je les méprise. J’ai beaucoup de reconnaissance vis-à-vis de la France qui vient de me donner le plus haut grade de la Légion d’honneur parce que j’étais déjà officier et là, je deviens commandeur. Ce n’est pas une question de mérite, c’est plutôt une question d’opportunité», a exprimé l’auteure de Pélagie-la-charrette qui, en 1979, remportait le prix Goncourt.

La distinction lui a été remise à la fin novembre lors de la visite d’une délégation acadienne à Paris. L’écrivaine a participé, entre autres, à la plantation d’un chêne dans les jardins d’Élysée symbolisant ainsi la pérennité des liens entre la France et l’Acadie.
«La chose qui est importante pour les Acadiens c’est de se souvenir d’où ils viennent. De se rappeler que dans toute l’Amérique du Nord, la première colonie européenne qui est venue et restée en Amérique du Nord, c’est l’Acadie.»

«Il ne faudrait jamais qu’on se sente inférieur, qu’on se sente un peu plus petit, j’ai appris ça à cause de ma taille […]. On doit se dire que les Acadiens ont quelque chose d’unique, il ne faut pas avoir honte de ça. Ça fait partie de notre patrimoine.»

L’écrivaine souligne qu’elle a encore plusieurs projets. Pendant la pandémie, elle a écrit deux livres, dont un qui sera publié au printemps. Ce sera en quelque sorte un testament nouveau genre. Comme elle n’a pas d’héritier direct, n’ayant pas eu d’enfant, elle raconte dans ce livre ce qu’elle laisse à ses personnages.

«Par exemple, qu’est-ce que je peux laisser à la Sagouine? Je lui laisse le Pays de la Sagouine. Qu’est-ce que je laisse à Pélagie? Le peuple acadien qu’elle est venue déverser de sa charrette à la frontière de l’Acadie et ce qu’il est devenu en quatre siècles. Je raconte l’Acadie moderne à Pélagie.»

Un théâtre acadien en santé

Une scène de la pièce Crow Bar – Archives

Le théâtre acadien a été à l’honneur au cours des derniers mois. Chez Satellite Théâtre tout comme au Théâtre populaire d’Acadie et au théâtre l’Escaouette, ce sont les dramaturges d’ici qui ont brillé.

La plus récente œuvre dramatique de Gabriel Robichaud, Crow Bar, a eu finalement droit à sa première à l’automne. Cette pièce qui navigue entre l’imaginaire et la réalité mise en scène par Matthieu Girard, est appuyée par une solide distribution. La pièce poétique Savèches de Jonathan Roy, dans une mise en scène d’Allain Roy a été présentée à Caraquet, Moncton et Ottawa. Dans les deux cas, ces productions ont été bien reçues par le public.

Plus tôt cet été, le Verger Belliveau à Memramcook a accueilli une œuvre théâtrale hors du commun de l’auteure Caroline Bélisle, inspirée par la crise sanitaire. Incarné par quatre comédiennes, le spectacle déambulatoire en plein air, Pépins un parcours de petites détresses, de Satellite Théâtre, a célébré la nature et partagé les deuils causés par l’isolement.

Reprise des spectacles dans le contexte de la pandémie

Les arts de la scène ont connu une certaine relance avec l’assouplissement des mesures sanitaires cet été. Pour certains festivals, c’était presque un retour à la normale, note la propriétaire du Grenier Musique, Carol Doucet. «Un réel bonheur», lance-t-elle.

À l’automne, après l’effervescence des lancements de saisons culturelles, la quatrième vague de COVID-19 a causé à nouveau des casse-têtes aux producteurs de spectacles avec quelques reports et des annulations. Malgré tout, l’offre culturelle a été plutôt bien garnie. Des théâtres ont présenté à nouveau des pièces devant public, le FICFA a offert une programmation complète en salle avec des invités et une sélection de films en ligne. Le Réseau atlantique de diffusion des arts de la scène (RADARTS) a offert sept tournées cet automne, alors que le réseau présente en moyenne une trentaine de tournées par année.

«Ce n’est pas une reprise totale. Habituellement, on annonçait une programmation annuelle. On se rend compte maintenant avec la pandémie que c’est beaucoup plus simple d’annoncer la programmation par saison. C’est difficile pour les diffuseurs de s’engager six mois ou un an à l’avance quand les règles de la santé publique changent aux deux jours», a expliqué la directrice générale de RADARTS, Jacinthe Comeau.

Celle-ci mentionne que le public était quand même un peu frileux cet automne. Même si l’offre était là, les salles n’étaient pas toujours pleines.

Or les salles étaient en mesure de fonctionner au maximum de leur capacité avec l’instauration du contrôle vaccinal. Au Théâtre Capitol à Moncton, l’équipe a pu respirer à nouveau, estime la directrice générale Kim Rayworth.

«C’était au-delà de mes attentes. J’aurais pensé que les gens auraient été plus lents à retourner en salle, mais ils nous ont dit qu’ils se sentaient en sécurité et qu’ils avaient le désir profond de célébrer à nouveau les arts de la scène et de vivre ces moments-là avec les artistes. J’ai vu à plusieurs reprises des salles combles.»

La situation demeure toutefois instable. Alors qu’une nouvelle vague est à nos portes, les producteurs de spectacle doivent de nouveau composer avec une réalité difficile et s’adapter au retour de la règle du 50% de la capacité d’accueil des salles et du resserrement des mesures sanitaires. Tout cela survient à l’aube de la nouvelle année.

Six artistes acadiens récompensés à la FrancoFête

Six artistes de l’Acadie sont repartis avec des prix de la FrancoFête en Acadie, le 6 novembre dernier. Maggie Savoie, Chloé Breault, Émilie Landry, Daniel Goguen, Pierre Guitard et Shaun Ferguson sont les lauréats de ces récompenses qui leur permettront de faire voyager leur musique. Les auteurs-compositeurs-interprètes se sont présentés avec du nouveau matériel. Il faut mentionner que l’année 2021 a été marquée par la sortie de nombreux albums acadiens.

«Nous avons trouvé ça absolument extraordinaire. Quelle belle tournure pour les artistes! […] Pour nos artistes de l’Acadie, c’est comme un élan de solidarité ou de force qui leur donne un peu le courage de retrouver les scènes», a affirmé la directrice générale de la FrancoFête, Jacinthe Comeau.

Le marché francophone des arts de la scène en Atlantique a été présenté en salle pour les délégués et en ligne pour le public, permettant ainsi aux artistes de se produire devant un public.

Les artistes visuels Rémi Belliveau et Mathieu Léger brillent de tous leurs feux

Rémi Belliveau – Archives
Mathieu Léger – Archives

Rares sont les artistes de l’Acadie à s’être retrouvés sur la courte liste du Prix Sobey pour les arts, leur ouvrant ainsi la porte du Musée des beaux-arts du Canada. En se retrouvant parmi les cinq finalistes de ce prix national, l’un des plus généreux pour les artistes visuels canadiens émergents au monde, Rémi Belliveau a eu droit à une exposition au Musée des beaux-arts du Canada et une bourse de 25 000$. Son projet Jean Dularge qui allie vidéo et pièces d’archives y est exposé jusqu’au 20 février aux côtés des oeuvres des trois autres finalistes et de la lauréate Laakkuluk Williamson Bathory.

«C’est le haut point de ma carrière. C’est tellement valorisant. On ne peut pas s’attendre à une distinction comme ça. Je le vis toujours et j’apprécie beaucoup toutes les rencontres que j’ai pu faire, autant les artistes que les professionnels du milieu […]», a exprimé l’artiste de Memramcook.

Le fait d’exposer au musée national contribue au rayonnement de l’art acadien. La commissaire lui a d’ailleurs fait valoir l’importance d’entendre la voix des artistes visuels de l’Acadie, raconte-t-il. Son projet d’historiographie autour du chansonnier fictif engagé Jean Dularge aura un deuxième volet, inspiré cette fois d’un film de Pink Floyd.

Mathieu Léger de Moncton a également eu droit à son heure de gloire en 2021. Celui qui a reçu le prix de la Lieutenante-gouverneure pour l’excellence en arts visuels a mis la main sur le Prix Strathbutler (assorti d’une bourse de 25 000$), soit la plus haute distinction de la province en art visuel. Mathieu Léger qui a une pratique artistique étoffée et variée a accueilli cet honneur avec beaucoup de reconnaissance. La liste des lauréats du Prix Strathbutler depuis 1991 ne compte que six Acadiens.

Silence, on tourne… de plus en plus au Nouveau-Brunswick

Après une année 2020 au ralenti en raison de la pandémie, 2021 a été tout autre. Le nombre de productions au Nouveau-Brunswick a explosé autant en documentaire, qu’en fiction que dans le domaine de la variété. Phil Comeau et Denise Bouchard figurent parmi les cinéastes qui ont entrepris le tournage de documentaires cette année. En fiction, le dernier chapitre de la comédie À la Valdrague (Mozus Production) de Patricia Léger s’est tourné cet été dans la Vallée de Memramcook. L’humoriste Line Woods a vu son projet de comédie à sketches Garde partagée prendre forme cet automne, sous la houlette du réalisateur Christian Essiambre.

Selon Gilles Doiron, de Botsford Media, qui a coproduit, entre autres, Garde partagée, la série Sexe + techno et la fiction jeunesse Comme dans l’espace, c’est une année très chargée. À son avis, cela témoigne de la bonne santé de l’industrie du film.

«2022 sera une autre bonne année et on espère qu’on peut poursuivre cette évolution parce que ça va créer des emplois et maintenir l’industrie.»

Cette recrudescence de productions est due, entre autres, aux reports de certains tournages à l’international en raison de la situation sanitaire. La demande des diffuseurs pour du contenu local a donc été très grande. Les artisans de l’industrie se sont retroussé les manches pour produire du contenu tout en respectant les protocoles sanitaires.

«Ce qui était excellent pour nous parce qu’au Nouveau-Brunswick, nous n’étions pas dans une situation aussi terrible comparativement à d’autres provinces. Ça nous a permis de sauter et de faire des productions locales. Les diffuseurs voient que la qualité est là et que ça se fait hors Québec ou hors Ontario. Nous avons gagné une confiance qui nous permettra de continuer à faire des productions.»

Gilles Doiron précise qu’environ 95% des techniciens ayant travaillé sur ses productions viennent du Nouveau-Brunswick. Or le défi du financement provincial demeure un enjeu majeur pour le secteur, estime Gilles Doiron.

«Le programme qu’on a à la province est bon, mais il pourrait être meilleur. C’est un maximum de 2,5 millions $. Si on veut continuer d’attirer l’attention hors de la province, il faudrait que ce programme-là soit plus intéressant et perçu davantage comme un investissement.»

Les défis des salons du livre

La crise sanitaire a causé des casse-têtes aux organisateurs des salons du livre de la province. Si ceux d’Edmundston et de la Péninsule acadienne se sont déroulés essentiellement de façon virtuelle, celui de Dieppe qui avait lieu un peu plus tard à l’automne, a pu tenir son événement en personne au Centre des arts et de la culture de Dieppe. Le milieu littéraire s’entend pour dire que bien que les activités virtuelles permettent de rejoindre un public plus vaste et parfois plus éloigné, il reste que pour avoir une véritable rencontre avec les lecteurs et des ventes significatives, le salon en présentiel demeure la formule gagnante.

«C’est ça le gros bonbon d’où l’appréciation qu’on a du Salon du livre de Dieppe qui tient quelque chose en chair et en os», a déclaré Marie Cadieux des Éditions Bouton d’or Acadie.

Malgré les défis de tenir des lancements et des activités en personne, le milieu du livre a continué d’être très actif tout au long de l’année. Les Éditions Perce-Neige ont souligné leur 40e anniversaire, la maison d’édition jeunesse Bouton d’or Acadie a célébré ses 25 ans, tandis que les Éditions de la Francophonie ont franchi le cap de la vingtaine avec pas moins de 57 nouveautés en 2021. Au dire de Mme Cadieux, cela témoigne d’une stabilité dans le monde de l’édition. Une grande variété d’ouvrages a été publiée par les éditeurs de l’Acadie, dont certains ont récolté des nominations et des prix. La poète acadienne Georgette LeBlanc a été couronnée du Prix littéraire du Gouverneur général pour la traduction du recueil Océan de Sue Goyette.

Le Festival Inspire prend la route

Le Festival Inspire de Moncton a étendu ses activités cet été en voyageant dans sept municipalités du Nouveau-Brunswick pendant huit semaines. Lisa Griffin, directrice de ce festival d’art urbain, explique que les organisateurs voulaient ainsi rejoindre plus de personnes. Les organisateurs ont donc loué une caravane 1979, baptisée Inspire mobile, pour faire le tour de la province.

«Nous avons lancé un appel à tous et avec ça, nous avons reçu beaucoup de demandes. Ç’a été très bien reçu.»

L’équipe répétera l’exercice en 2022 dans huit municipalités. Le festival se déroulera pendant toute la saison estivale sur 126 jours.

«On deviendra ainsi le plus long festival au monde», lance Lisa Griffin. Les localités choisies seront annoncées au début du printemps. Dans chaque municipalité, le festival comprendra deux volets: création de murales et ateliers. En 2021, ce sont 325 artistes qui ont participé au Festival à la grandeur de la province.

«Pour nous, c’est le fun de voyager et d’apporter de l’inspiration dans les différentes villes surtout dans les municipalités rurales où on peut avoir un immense impact.»

Depuis ses débuts, le Festival Inspire a contribué à la création de 75 fresques sur les murs des municipalités de la province, dont une cinquantaine dans le Grand Moncton.

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