Vous vous souvenez peut-être du film La mort vous va si bien, sorti en 1992 et mettant en vedette Meryl Streep, Goldie Hawn et Bruce Willis. Sans entrer dans aucun cliché de ressemblance – qui n’existe pas réellement, de toute façon -, disons simplement que le thème, clairement assumé samedi soir au dernier concert du Festival international de musique baroque de Lamèque, ainsi que le titre paraphrasé pourraient très bien convenir à la prestation étonnante et toute en beauté à laquelle nous avons eu droit.

Dans une église Sainte-Cécile remplie à pleine capacité à Petite-Rivière-de-l’Île, deux visions de la mort s’affrontaient sous le signe de la cantate sous la direction de Dana Marsh: celle de Telemann, très sombre avec Du aber, Daniel, gehe hin, TWV 4:17, puis celle de Bach, contenue dans Gottes Zeit ist die Allberbeste Zeit, BWV 106, aussi communément appelée Actus Tragicus, qui malgré un début plutôt grave débouche rapidement sur une luminescence créative qui rend presque la mort joyeuse, à dessein.

Car dans le premier cas, Telemann s’inspire du dernier verset du livre de Daniel dans l’Ancien Testament («Et toi, marche jusqu’à la fin; tu te reposeras et tu te lèveras pour ton héritage à la fin des jours», Da 12:13; Segond Colombe) et propose donc un cycle intimiste donnant place au recueillement, avec une orchestration dramatique parsemée de quelques moments d’exaltation, comme si la mort était le symbole d’un voyage à la fois douloureux et extatique vers l’autre monde.

En ce qui concerne Bach, la mort dans Actus Tragicus devient très lyrique, très poétique, le passage à trépas étant clairement pour lui une délivrance, la récompense d’une vie riche et honorable sous l’égide du Christ – une vision très protestante et luthérienne en somme, Bach n’ayant jamais caché son penchant pour la Réforme religieuse du 16e siècle. On ne s’étonne pas en outre, étant donné cette ligne directrice que s’est donnée Bach pour sa superbe cantate, que l’orchestration comme les voix soient plus colorées, plus exaltées – après tout c’est Bach!

L’Orchestre et le Choeur de la Mission Saint-Charles ont su défendre ce répertoire auquel s’adjoignaient aussi des oeuvres de Biber et de Buxtehude de manière convaincante.

Le Festival accueillait pour l’occasion des chanteurs solistes qui ont tous su, à leur manière, rendre justice aux oeuvres assez costaudes présentées samedi soir. La soprano Janelle Lucyk a brillé tout autant que sa robe scintillante dans le Telemann, avec une voix cristalline qui faisait penser à une Suzie LeBlanc des premières années. Le baryton acadien Dion Mazerolle, dont on lui pardonnera un léger accroc vers la fin d’Actus Tragicus, s’est déployé de manière toujours aussi magnifique, expressif sans tomber dans l’excès dans le Telemann, et magnanime dans ce Bach qui l’a fait descendre dans les catacombes des basses sans que sa voix fléchisse. Le ténor Kerry Bursey – qui fut aussi luthiste pendant le festival – a démontré de belles qualités vocales dans Actus Tragicus et le contreténor Ian Sabourin a été stupéfiant dans le Telemann avec son timbre puissant et ne souffrant d’aucun étranglement, même pas dans les hautes; le genre de voix que l’on pourrait écouter pendant des heures sans se lasser.

Le public a applaudi à tout rompre au lever du rideau de cette chaude soirée, et pour cause: la mort allait très bien au Festival international de musique baroque de Lamèque.

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