Le numéro 33 de la revue Ancrages, Cris de terrestres, rend hommage à Cri de terre, le premier livre édité en Acadie. - Gracieuseté
Les 50 ans du recueil de poésie Cri de terre
Un demi-siècle après la publication de Cri de terre de Raymond Guy LeBlanc, la revue acadienne de création littéraire Ancrages propose de revisiter cette œuvre fondatrice par la plume de 12 écrivains de divers horizons.
Le poète et cinéaste Paul Bossé qui a dirigé avec Jean-Pierre Caissie ce 33e numéro, Cris de terrestres, estime qu’au-delà de son importance historique, Cri de terre demeure un livre puissant, tout aussi pertinent en 2022.
«Non seulement c’est la première publication, mais si on fait une liste des top 10, Cri de terre serait peut-être encore numéro un. Tu relis ça 50 ans plus tard puis je trouve que ça très très bien vieilli, c’est encore frais», a déclaré en entrevue Paul Bossé qui est aussi le nouveau poète officiel de la Ville de Moncton.
Premier livre à avoir été publié en Acadie en décembre 1972 (Éditions d’Acadie), Cri de terre, réédité à quelques reprises au fil des années, a donné l’élan au développement de la littérature acadienne.
«J’habite un cri de terre aux racines de feu», ainsi s’ouvre avec force le célèbre poème éponyme. Dans sa préface intitulée Cinquante orbites sur la sphère terrestre, Paul Bossé souligne l’oeil loquace et la sensibilité fine de celui que l’on a désigné comme étant le poète fondateur. Le rédacteur précise que le célèbre recueil l’a toujours interpellé.
«La première fois que je l’ai lu, je pense que je devais avoir peut-être 19 ou 20 ans. Au début, je trouvais ça trippant les jeux de mots qu’il faisait et les mots qu’il inventait. Ensuite, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas juste de l’audace formelle, il y a différentes sections, il y a des poèmes qui sont tendres, des poèmes sur la nature, ensuite sur la culture, sur le bouillonnement intellectuel qui se passait à l’époque. C’est quasiment comme un livre anthologique. Tu peux puiser tellement de choses dans ce recueil-là.»
Dans sa postface, Jean-Pierre Caissie illustre bien la naissance de l’édition en Acadie et la collaboration entre les artistes et les autres professionnels des arts avec cette allégorie. «Les poètes ont levé la voix telle une voile et les éditeurs et éditrices ont levé l’ancre en prenant soin de capter le vent.»
Pour ce numéro, le comité de rédaction n’avait qu’une exigence, celle d’intégrer au moins un vers du recueil Cri de terre dans leur texte. Jean-Pierre Caissie a fait une recherche afin de suggérer 18 vers aux écrivains, sans toutefois les limiter. Les auteurs pouvaient en choisir d’autres. Certains vers tels que «l’heure du révolutionnement se “cristalictise”», tiré du poème Petitcodiac, reviennent dans quelques textes. Le directeur du numéro n’a pas été surpris puisque c’est un extrait qui peut s’appliquer à beaucoup de poèmes. Quelques textes dont ceux de Marc Arseneau, Henri-Dominique Paratte et Herménégilde Chiasson rendent hommage au poète et à l’homme, tandis que d’autres sont composés dans l’esprit de Raymond Guy LeBlanc, note Paul Bossé.
«C’est comme les textes de Christian Roy et Sébastien Bérubé. Ils continuent le travail de Raymond Guy LeBlanc sans parler de lui directement.»
On retrouve aussi un joli poème Orage du lac d’A.M. Matte composé à partir de paroles de son bambin de trois ans Zéphraïm. Les responsables de ce numéro ont jugé important d’inclure de la poésie pour les enfants, puisque Raymond Guy LeBlanc aimait les jeux, l’enfance et il a écrit aussi à propos des enfants.
Les 12 textes choisis sont signés par des auteurs de l’Acadie et de différentes régions du pays. Parmi les Acadiens, on retrouve aussi notamment Fernande Chouinard, Murielle Duguay et Janice Durant. Paul Bossé a fait savoir qu’environ 60 écrivains de par le monde ont soumis des textes pour ce numéro. «On aurait aimé publier plus de textes, mais notre budget nous permettait d’en publier 12.»
Les textes sont accompagnés des œuvres visuelles de Rotchild Choisy.
Le retour du poète flyé
Premier poète flyé du Festival Frye en 2006, Paul Bossé revient aux sources. Il tient à nouveau ce rôle non seulement au festival, mais aussi à la Ville de Moncton, en devenant le poète officiel. Il partage ce poste avec le jeune poète anglophone Drew Lavigne. Ils succèdent ainsi à Jean-Philippe Raîche et Kayla Geitzler qui ont occupé ce poste au cours des deux dernières années.
Nommé pour un mandat de deux ans, Paul Bossé participera au Festival Frye en tant que poète flyé et sera présent dans divers événements publics à Moncton.
«Je trouve que c’est un beau poste. C’est beaucoup plus gros qu’avant. […] J’ai aussi un peu carte blanche, ce qui est intéressant.»
Il entend organiser des lectures de poésie dans quelques lieux de la ville. Paul Bossé travaille également à l’écriture d’un essai autobiographique sur la crise climatique à travers les 50 années de sa vie, soit de 1971 (son année de naissance) jusqu’en 2021.