Estelle (Frédérique Cyr-Deschênes) dans une scène du film Notre Dame de Moncton. - Gracieuseté: Bellefeuille Production
Budget provincial: le milieu des arts déconcerté
C’est la déception dans le milieu des arts et de la culture au lendemain du dépôt du budget du Nouveau-Brunswick. Le financement de ce secteur, incluant l’industrie du cinéma et de la télévision, demeure sensiblement le même.
Le cinéaste Phil Comeau et le producteur en cinéma et télévision Jean-Claude Bellefeuille estiment que ce budget augure mal pour les années futures. Ils ne voient pas comment le gouvernement provincial pourra ainsi respecter son engagement d’atteindre un financement de 20 millions $ en 2026. En 2022-2023, le budget des arts médiatiques est passé de 2,5 millions $ à 5 millions $, mais rien ne laisse croire qu’il augmentera cette année, alors que les artisans de l’industrie espéraient une hausse.
«On se dit qu’au moins ils n’ont pas ramené le programme à 2,5 $ comme ce l’était initialement, mais malheureusement, c’est pas nécessairement de bon augure pour le futur. On est à 5 millions $ et la ministre avait pourtant dit 20 millions $ pour 2026», fustige Jean-Claude Bellefeuille.
Le gouvernement s’était fixé comme objectif d’atteindre un financement de 20 millions $ pour le secteur du cinéma, de la télévision et des nouveaux médias en 2026, afin d’en faire une véritable industrie. Le nouveau budget déposé mardi prévoit une hausse d’à peine 580 000$ pour les arts et la culture.
«On sait qu’il n’y aura pas d’augmentation, ça fait qu’on présuppose qu’on n’atteindra pas le 20 millions $ en 2026», a poursuivi le producteur d’expérience.
Phil Comeau estime inconcevable que le gouvernement n’ait pas tenu sa promesse d’augmenter le financement des arts médiatiques, surtout dans un contexte de surplus budgétaire. Selon lui, l’industrie risque de traverser une crise si le budget continue de faire du sur place.
«De toute évidence, il y a des projets qui vont tomber. Je sais qu’il y a beaucoup de films et de téléséries qui avaient été déposés au provincial et au fédéral et ça ne va pas être finançable.»
Le cinéaste acadien rappelle que la province voisine, la Nouvelle-Écosse, investit 40 millions $ annuellement dans l’industrie du cinéma et de la télévision.
«On fait vraiment dur avec notre petit 5 millions $.»
Des projets en suspens?
Les détails des dépenses du secteur des arts et de la culture seront annoncés plus tard en avril. Jean-Claude Bellefeuille ne sait pas encore combien de projets ne pourront pas être financés.
«On espère qu’il y aura de l’argent pour financer de nouveaux projets, mais quand on parle avec les gens de l’industrie, il y a encore des gens qui attendent des réponses du dépôt de l’an dernier. Ça veut dire qu’une partie de ce 5 millions $ sera imputable pour les projets qui n’avaient pas encore été financés.»
Les producteurs qui réclament plus de transparence sur le financement des projets souhaitent depuis longtemps le retour d’une commission du film, d’un crédit d’impôt, d’une association provinciale et de programmes de formation. Ça n’existe toujours pas.
«De quelle façon on va répartir la tarte, répondre à ces questions et aux besoins de l’industrie? À un moment donné, politiquement est-ce qu’on peut se rendre à 20 millions $ quand on est à 5 millions $ en 2023- 2024?», a ajouté le producteur.
Budget insuffisant
Le président de l’Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick (AAAPNB), Philippe Beaulieu, soutient que le budget déposé hier représente en réalité une compression, estimant que les demandes du milieu des arts s’étant accrues de 40%.
«Ce gouvernement-là refuse systématiquement d’investir dans ce secteur. C’est déconcertant. On dirait que le gouvernement ne réalise pas que la façon dont il fonctionne est en train d’accroître la pauvreté.»
À son avis, le budget est insuffisant pour suivre l’évolution du secteur des arts et de la culture dans la province.
«On sort d’une pandémie, les arts et la culture ont été durement frappés. Pendant toute la pandémie, il n’y a pas eu vraiment de nouvelles sommes attribuées pour la création de programmes d’aide. C’était le fédéral avec ses programmes d’urgence. La reprise n’est pas chose faite.
Ça va prendre quelques années avant de revenir à une nouvelle normalité.»
Le ministère du Tourisme, de la Culture et du Patrimoine voit son budget augmenter de 6,4 millions $, atteignant ainsi un peu plus de 75 millions $, dont 14,2 millions $ consacrés au secteur des arts et culture.
Dans un courriel envoyé à l’Acadie Nouvelle, la ministre du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture, Tammy Scott-Wallace, a dit se réjouir de cette augmentation, tout en précisant que le budget provincial conserve une approche durable et responsable à l’égard de la gestion des finances.
«J’ai hâte de dévoiler les détails des plans de dépenses du ministère dans quelques semaines, y compris en ce qui concerne l’industrie du cinéma, de la télévision et des nouveaux médias, dans le cadre du processus du budget principal à l’Assemblée législative», a-t-elle affirmé, sans dévoiler davantage de détails.
Le financement destiné au Conseil des arts du Nouveau-Brunswick sera également rendu public dans le cadre de ce processus, à la fin avril.