Dans sa nouvelle pièce L’art de s’enfuir, Herménégilde Chiasson aborde des dimensions qui lui sont proches, avec des références à ses multiples pratiques artistiques. Célébrité versus éloignement, place de l’art moderne, création et ruralité façonnent cette œuvre teintée d’ironie.

Dans une mise en scène de Philippe Soldevila, ce 40e texte dramatique (écrit, coécrit ou traduit) d’Herménégilde Chiasson se déroule quelque part en Acadie, près de la mer.

L’Acadie Nouvelle a rencontré l’équipe de création au théâtre l’Escaouette qui s’affaire aux derniers préparatifs. L’art de s’enfuir met en scène quatre personnages. On suit l’histoire de Raphaël Forest (Gabriel Robichaud), un peintre acadien qui a connu une certaine renommée puisqu’il a exposé au Musée d’art moderne (MoMA).

Après un exil à New York, il est de retour en Acadie avec son amoureuse Pénélope Léger (Jeanie Bourdages), bibliothécaire et spécialiste du cinéma muet. Le peintre doit préparer une exposition pour une galerie à New York, mais il a perdu sa ferveur et son inspiration, vivant maintenant loin de la grande ville. Il est tiraillé entre son amour et sa carrière, remettant en question ses choix et son talent.

Le frère de Pénélope, Hippolyte Léger (David Losier), garagiste, s’invite à dîner avec une nouvelle femme Alice Vaillancourt (Tanya Brideau) qu’il vient de rencontrer. Celle-ci est à la recherche de Raphaël pour sa soi-disant thèse sur la présence de la ligne dans l’art du 20e siècle. Pas trop éduqué, porté sur l’argent et les femmes, le personnage d’Hippolyte est en contraste avec ce monde.

C’est la première fois que l’auteur acadien écrit une œuvre dramatique sur l’art, un domaine qu’il connaît très bien puisqu’une grande partie de sa formation en provient. Il a une pratique en art visuel qui s’étend sur une cinquantaine d’années.

Il a écrit cette pièce pendant la pandémie, une période où l’écriture a occupé une grande place dans sa vie. Pour écrire ce texte, il s’est inspiré, entre autres, de la technique du dramaturge anglais Harold Pinter qui commençait ses pièces en partant d’une réplique pour ensuite développer le récit. Au fur et à mesure, l’histoire et les personnages se sont construits. Une de ses séries de peintures où il y avait des lignes figure parmi ses sources d’inspiration.

«J’ai pensé qu’est-ce que ce serait si cette toile-là atterrissait au musée d’art moderne (en fiction). C’est le genre de chose que tu vois dans ce genre de lieu là.»

L’auteur écorche avec humour le monde de l’art moderne. «Et je fais partie de ce monde», fait remarquer l’auteur établi à Grand-Barachois.
Comme le théâtre est un art collectif, il estime que la pièce évolue à travers le regard du metteur en scène, des concepteurs, des interprètes et du public. De version en version, c’est devenu une comédie dramatique un peu à la Woody Allen.

«Ça m’amuse beaucoup. Quand les interprètes sont bons, j’oublie que j’ai écrit ça», a confié l’auteur, en entrevue à l’issue de la répétition.

 

Un lien essentiel de communication

Entre le premier texte et la version finale, tout un chemin dramaturgique a été accompli, note Philippe Soldevila qui apprécie l’ouverture d’esprit de l’auteur. Quand il met en scène une pièce, il tient à ce que tout le monde dans la salle se sente concerné et embarque dans la proposition.

«C’est juste que je me fais un malin plaisir à faire en sorte que la communication soit toujours précise, claire. Pour moi, c’est un lien de communication entre la salle et la scène et il ne faut pas que ce lien soit rompu», a expliqué l’homme de théâtre québécois qui a signé plusieurs mises en scène en Acadie.

Dans son approche, il a voulu rendre compte de la multidisciplinarité de l’auteur reflétée à travers plusieurs clins d’oeil à l’histoire du cinéma dans la mise en scène.

«C’était mon parti pris, dans le sens de ne pas se contenter de rendre le texte, mais aussi de rendre un commentaire ou un point de vue à travers le texte.»

Un être excessif

Gabriel Robichaud incarne Raphaël, ce peintre torturé, un peu excessif, éternel insatisfait, qui tourne en rond depuis qu’il est de retour en Acadie. L’arrivée d’Alice vient le bouleverser et peut-être précipiter l’inévitable, souligne le comédien.

«Malgré cet état dépressif, le défi sur scène, c’est de le transformer dans la drôlerie.»

Pour arriver à jouer ce rôle, le comédien a même transformé son apparence physique ayant une barbe longue de cinq mois, afin de personnifier un peu l’ours dans sa tanière.

Bien que quelques-unes de ses pièces ont été montées à l’Escaouette, c’est la première fois qu’il joue dans une production de cette compagnie.

À part, le projet Un. deux. trois, il n’a pas foulé les planches de l’Escaouette depuis une dizaine d’années. Il se réjouit de jouer dans une œuvre d’Herménégilde Chiasson.

«J’ai déjà entendu dire Herménégilde on écrit toujours le même texte, mais en même temps, j’ai l’impression qu’il réussit vraiment à se réinventer à travers la matière, la façon de l’aborder et de l’approcher.»

Gabriel Robichaud qualifie ce texte de magnifique, d’objet théâtral un peu étrange, mais dans lequel il y a un terreau fertile pour l’interprétation, à la fois pour les comédiens, le metteur en scène et les concepteurs.

Publié par les Éditions Perce-Neige, le texte de la pièce sera lancé ce jeudi au théâtre l’Escaouette. Le spectacle est présenté les 29 (une soirée bénéfice), 30 et 31 mars.

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