Diana Eloie LeBlanc et Marie Ulmer devant quelques tableaux de l’exposition Facture salée. - Acadie Nouvelle: Sylvie Mousseau
Facture salée: des céramiques sur l’urgence environnementale
Avec comme toile de fond la mer et ses marées, l’exposition Facture salée des artistes céramistes Marie Ulmer et Diana Eloie LeBlanc évoque l’urgence de la situation environnementale.
«Si on ne fait pas attention, on va le payer. La facture est déjà salée», note Marie Ulmer.
Amies de longue date, ces deux artistes aguerries signent une exposition fascinante. Une trentaine de tableaux blancs de céramique en trois dimensions occupent la Galerie 12 à Moncton. Ces œuvres illustrent les préoccupations au quotidien des riverains, la montée des eaux et l’inquiétude du monde face à la pollution.
La mer rappelle les changements climatiques et la dégradation de l’habitat. Les deux artistes ont eu envie de créer une série d’oeuvres sur ce sujet brûlant d’actualité, sans toutefois tomber dans les clichés.
«On est en train de débalancer complètement le système. Avec cette exposition, nous avons fait ce qu’on devrait faire et qu’on ne fait pas, c’est de ramasser nos cochonneries et faire attention parce que la mer est en train de nous manger», a expliqué Marie Ulmer.
Si l’ensemble de la série a été créé par le tandem Ulmer-LeBlanc, il reste que chacune y a apporté sa touche personnelle en interprétant le thème à sa façon. Certaines œuvres sont signées par les deux artistes, d’autres par l’une ou l’autre d’entre elles.
Bien qu’elles collaborent souvent à des projets de recherche ou à des pièces dans des expositions collectives, c’est la première fois qu’elles réalisent une collection complète en duo. Trente-cinq tableaux ont été réalisés pour cette série.
Elles se connaissent depuis une quarantaine d’années. Marie Ulmer qui a été professeure de céramique à l’Université de Moncton a enseigné à Diana Eloie LeBlanc qui est technicienne d’ateliers (céramique, peinture et sculpture) au département des arts visuels depuis 33 ans.
«Cette co-création était un défi parce qu’on travaille avec le même médium, mais on fait vraiment des choses différentes du côté idée ou philosophique. On ne travaille pas du tout de la même manière, mais quand on se rassemble sur des projets, on travaille ensemble», a indiqué Marie Ulmer, ajoutant du même souffle que cette co-création a été un bonheur total.
Ce projet de longue haleine s’est étendu sur plus d’une année. Après maintes discussions sur le médium, la thématique, des esquisses, des propositions et des essais, elles se sont lancées dans la création. Elles ont pris de la terre (du grès) d’un atelier à Moncton, à laquelle elles ont mélangé de la pulpe (provenant de cartons d’oeufs et de cabarets de tasses à café). Selon Diana Eloie LeBlanc, ce procédé qui ressemble à celui de la porcelaine donne une texture très intéressante.
«La terre va entrer dans les fibres de papier et quand on la cuit, le papier brûle, il reste juste la terre donc ça devient plus léger, on peut travailler les épaisseurs et très minces», précise sa collègue.
Les pièces ont été modifiées soit avant ou après la cuisson ou laissées comme elles ont été créées au départ. L’idée du tableau au lieu de la sculpture leur est apparue naturellement.
«Pour moi, quand je vois la mer, c’est un tableau devant moi.»
Chez elle, devant sa fenêtre, elle voit la mer qui avance, ses pièces étant un peu plus abstraites.
Dans son travail, Diana Eloie LeBlanc confronte des personnages aux éléments, comme dans son œuvre Traversée qui est une porte s’ouvrant sur la mer.
Rehausser les textures
Les tons de blanc leur semblaient tout à fait approprié pour cette collection.
«On voit la mer de toutes les couleurs, et ici je donne au spectateur la possibilité de voir sa propre couleur, ce qu’il ressent devant ce désastre», mentionne Marie Ulmer.
Diana Eloie LeBlanc estime que cela donne un bel éclat aux œuvres et rehausse les textures. Elles ont travaillé sur ce projet dans son atelier près de Saint-Antoine, pendant six mois. Beaucoup de travail technique a dû être accompli pendant la création.
«Il y a énormément de travail. Quand ça parait très simple, ça veut dire que c’est très compliqué.»
Tous les cadres sont faits à la main et individuellement.
Elles espèrent que les gens auront autant de plaisir à visiter l’exposition qu’elles ont eu à la créer ensemble. Choisis méticuleusement, les titres des tableaux sont très révélateurs.
L’exposition Facture salée est présentée à la Galerie 12 du Centre culturel Aberdeen jusqu’au 12 avril. Les artistes souhaitent également faire voyager la collection dans d’autres galeries.