Acclamée par le public, la première de la pièce L’art de s’enfuir d’Herménégilde Chiasson au théâtre l’Escaouette joue sur les contrastes entre la grande ville et les régions éloignées, l’humour et le drame et les personnages très typés.

«Je trouve que c’est un point de culmination pour Herménégilde Chiasson. C’est toute sa culture, son intelligence et son humour qui sont rassemblés dans la même pièce. Je pense que c’est un classique instantané», a exprimé le poète Mario Thériault à l’issue de la première, mercredi soir.

Les spectateurs ont applaudi chaleureusement les acteurs Gabriel Robichaud, David Losier, Jeanie Bourdages et Tanya Brideau, dont le jeu est excellent tant par la justesse et le naturel que par la maîtrise du texte.

En résumé, L’art de s’enfuir met en scène Raphaël Forest, un artiste qui a connu une certaine célébrité à New York et son amoureuse, Pénélope Léger, bibliothécaire. Le couple est revenu s’installer en Acadie, dans le village fictif de Saint-Paisible-sur-mer.

Tiraillé entre son ancienne vie et sa réalité actuelle, Raphaël s’ennuie et n’arrive plus à peindre comme avant. Le frère de Pénélope, Hippolyte, un garagiste, fait la rencontre d’Alice Vaillancourt qui se dit historienne de l’art. Il la présente au couple. Celle-ci qui s’intéresse aux tableaux du peintre acadien prépare une thèse sur la fonction de la ligne dans l’art du 20e siècle. L’arrivée d’Alice vient perturber l’existence du couple alors qu’Hippolyte fait une importante découverte. Le passé trouble de certains personnages refait surface. L’artiste se confronte aussi au gros bon sens du personnage d’Hippolyte, un passionné de char, plutôt terre-à-terre. Il y a un bel équilibre entre l’humour et les questions existentielles avec des trouvailles assez ingénieuses et des répliques percutantes et savoureuses.

Le metteur en scène Philippe Soldevila a fait un travail remarquable pour mettre en valeur ce texte, en prenant le parti du cinéma avec plusieurs clins d’oeil aux films muets notamment avec des projections. Même le jeu des acteurs et la musique de Jean-François Mallet évoquent à certains égards le septième art. Chaque personnage a sa propre gestuelle, rendant leur interprétation très efficace.

«J’ai été très impressionné surtout par le jeu des acteurs. J’ai trouvé qu’ils étaient excellents. La pièce était quand même rafraîchissante au niveau de parler un peu des grandes villes et des petits villages et communautés. C’était très intéressant», a commenté un spectateur, François Gionet.

Plusieurs spectateurs ont salué le travail de l’auteur qui signe son 40e texte de théâtre.

«Je pense que c’était très inspirant. […] C’était bien placé. L’idée en général est vraiment bonne. Les comédiens étaient excellents», a souligné une autre spectatrice, Dana Roussel.

La mer occupe une grande place dans cette œuvre, apportant ainsi de la poésie au spectacle. Impossible de rester insensible devant cette pièce qui conjugue réflexions sur l’existence, la place de l’art moderne, le pouvoir de l’argent et l’importance du lieu où l’on vit.

 

Vivre en région éloignée

Faut-il vivre absolument dans les grands centres pour faire de l’art moderne? Une question qui revient dans la pièce, notamment lorsque Raphaël s’écrie: «Je vais quand même pas me mettre à peindre des paysages parce que ça se vend.»

Herménégilde Chiasson qui habite lui-même dans la petite localité de Grand-Barachois est confronté un peu à cette situation.

«Le type d’art que je fais est très urbain, ça serait probablement mieux reçu dans une grande ville, mais j’ai décidé de vivre ici, en plus à la campagne. […] Maintenant, je suis devenu très zen. Je me dis que j’ai choisi ça et je vis avec les conséquences.»

L’auteur est heureux et soulagé de la réaction du public. Il y avait beaucoup de fébrilité dans l’air pour cette première mondiale. L’auteur salue l’intelligence et la générosité du public.

«Je suis vraiment très heureux parce que c’est quelque chose que j’ai jamais fait avant. C’est comme mélanger quelque chose d’instructif, d’informatif avec de l’humour. Je trouve que le metteur en scène a vraiment fait un travail incroyable parce qu’il a ajouté une dimension que moi je n’ai pas placée dans le texte.»

On est frappé par la beauté du décor contemporain du scénographe Jean Hazel, qui intègre des structures rappelant celles d’un atelier. On se promène de la maison au garage en passant par l’atelier d’artiste et le bord de la mer.

Parmi les commentaires récoltés lors de la première, une spectatrice s’est demandé si la pièce n’exploitait pas des clichés par rapport à la campagne et à la ville ou aux types de personnages. Que se passerait-il si on mélangeait les rôles? Une réflexion intéressante à poursuivre.

L’art de s’enfuir est présentée au théâtre l’Escaouette à Moncton jeudi et vendredi à 19h30. L’équipe de concepteurs comprend aussi Marc Paulin aux éclairages, Claudie Landry aux costumes et accessoires, ainsi que Ghislain Basque à la régie et assistance à la mise en scène.

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