Par Jody Dallaire
Tout n’est pas rose dans l’industrie de la fleur coupée…
Une fois que je vous aurai fait part de tout ce que j’ai lu sur l’industrie de la fleur coupée, les bouquets du commerce ne seront plus jamais une source de plaisir innocent. Du moins pas sans avoir posé des questions d’abord. Selon les dires de Andrea Peart, du Sierra Club, des femmes empoisonnées et l’esclavage des enfants n’ont rien de romantique.
Donc, quel message transmettons-nous au juste lorsque «nous le disons avec des fleurs»?
Les conditions de travail dangereuses et l’exploitation qui existent dans l’industrie de la fleur coupée dans les pays comme la Colombie et le Kenya sont déplorables.
C’est ce qui se passe dans les pays pauvres en vue de fournir le marché de la fleur coupée, qui est en explosion dans les pays riches. Les prix ont baissé à mesure que la production a été transférée dans les pays pauvres. Les travailleurs dans ces pays pauvres sont surtout des femmes – parce que les femmes touchent un salaire inférieur – et parfois des enfants.
Ils travaillent dans des milieux comptant des produits toxiques sans aucun équipement ou formation. Les travailleurs sont dans les champs pendant la vaporisation des herbicides. On signale également que le harcèlement sexuel et la discrimination règnent dans l’industrie. Il est interdit à bon nombre des travailleurs de se syndiquer. Puis les pratiques d’embauche et de congédiement des travailleurs font en sorte qu’ils sont souvent moins bien traités que les fleurs coupées et jetables obtenues grâce à leur dur labeur.
La preuve se trouve dans les taux de fausses couches, d’asthme ainsi que d’autres symptômes et maladies: perte des ongles, troubles neurologiques, etc., chez les travailleurs suivant une exposition prolongée à des produits toxiques. Aussi, des organismes respectés comme Oxfam International, Human Rights Watch et l’Organisation internationale du Travail ont mené des enquêtes et ont alerté le monde entier de la situation.
Sur le coup, toute cette information vous fait regarder les bouquets du fleuriste de travers.
Heureusement, il y a des gestes que vous pouvez poser. Caveat emptor. Que le consommateur prenne garde… et pose des questions. Recherchez les fleurs certifiées équitables ou achetez des fleurs canadiennes. Bien des fleurs vendues dans les supermarchés sont cultivées en serre au Canada. Vous pouvez donc les apprécier avec l’esprit tranquille… si vous faites abstraction de l’empreinte écologique associée à ce luxe si éphémère.
Le café équitable a changé le monde des cultivateurs de café dans les pays pauvres. Certains décrivent le changement ainsi: le monde avant le commerce équitable et le monde après l’arrivée du commerce équitable, dans lequel ils ont les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école.
Le commerce équitable tente d’assainir l’industrie floricole en mettant tout en œuvre pour que les fleurs équitables soient cultivées conformément à des normes: aucun travail forcé, aucun travail des enfants, des salaires équivalents au moins au salaire minimum local, les producteurs sont tenus d’investir dans des projets sociaux et économiques, puis des règlements de sécurité sont en place pour encadrer le travail et empêcher l’utilisation de pesticides interdits.
Il existe d’autres certifications mises à part celle équitable. Toutefois, la plupart visent des préoccupations environnementales plutôt que les conditions de travail. Par exemple, VeriFlora est un programme de certification des bonnes méthodes agricoles et Rainforest Alliance garantit la production agricole viable.
L’association colombienne des exportateurs floricoles compte son propre logo de certification: Florverde. Celui-ci atteste du respect de normes visant les soins accordés aux travailleurs, mais leurs normes seraient moins élevées que celles du commerce équitable. De plus, les propos tenus par les cultivateurs colombiens selon lesquels leur programme rend la certification équitable inutile éveillent la méfiance partout dans le monde.
Selon Industrie Canada, en 2010 notre pays a acheté pour 150 millions $ de fleurs. Environ 100 millions $ ont été dépensés en Colombie et en Équateur.
Récemment, le Canada a conclu un accord de libre-échange avec la Colombie, lequel élimine les droits de douane sur les importations. Les floriculteurs canadiens ont demandé aux agents canadiens du commerce pourquoi ils ont sacrifié l’industrie de la fleur coupée. Selon un commentateur, l’accord a vu le jour parce que les négociateurs colombiens étaient prêts à renoncer à l’accès aux secteurs des mines, du blé et de l’orge en échange de la libre exportation de fleurs coupées vers le marché canadien.
Dave Harrison, de Greenhouse Canada, affirme que nous avons effectivement un accord de libre-échange, mais que celui-ci est loin d’être équitable. L’accord est probablement encore moins équitable pour les travailleurs colombiens.
L’an dernier, une journaliste du cyberjournal The Tyee a rédigé une série d’articles fascinants et poussés sur les fleurs destinées à la Colombie-Britannique. Voici la conclusion de la journaliste: «Au bout du compte, les choix que nous faisons comme consommateurs sont notre moyen le plus puissant de faire en sorte que la vie des travailleurs qui cultivent les fleurs soit aussi “rose” et belle que les bouquets ornant notre table.» (traduction libre)
Il est difficile de comprendre pourquoi les fleuristes et les supermarchés mettent rarement en évidence les fleurs locales. Pour vous assurer de transmettre un beau message lorsque vous le dites avec des fleurs, posez des questions et achetez des fleurs canadiennes ou équitables.