En 1849, Martha Hamm Lewis, de Lewisville, au Nouveau-Brunswick, voulut s’inscrire à l’École normale de Saint-Jean. Pour être admise, il lui fallut un décret du lieutenant-gouverneur de la province afin de pouvoir s’inscrire et assister aux cours: l’École normale était normalement réservée aux étudiants masculins.

On n’en était plus là, évidemment, lorsque la jeune Marguerite Michaud décidait d’entreprendre des études collégiales à l’université St. Francis Xavier d’Antigonish. Mais si on se rappelle qu’elle devenait au terme de son séjour dans cet établissement la première Acadienne à obtenir un baccalauréat, on peut se faire une idée de la longueur du chemin que les femmes ont dû parcourir pour approcher d’un statut d’égalité avec leurs frères. Il faut bien dire approcher; elles n’y sont pas encore tout à fait…

Née à Bouctouche en 1903, Marguerite Michaud fut une élève brillante à la petite école de son village et au couvent Immaculée-Conception. À l’âge de 13 ans, elle se voyait décerner la médaille du lieutenant-gouverneur pour l’excellence de ses résultats scolaires. Après avoir terminé sa huitième année, elle part faire son «high school» à la Saint Mary’s Academy de Newcastle. Inscrite à St. Francis Xavier, elle devenait en 1923 la première Acadienne à recevoir un baccalauréat, avec distinction. L’année suivante, elle y recevait une maîtrise en littérature et histoire.

Elle vient déjà d’ouvrir une porte pour laquelle on croyait que seuls les hommes avaient une clef. Mais elle ne s’arrêtera pas à ce succès. Grâce à des bourses du gouvernement français et du comité France-Acadie et part en 1925 pour la France où elle s’inscrit à la Faculté des lettres de la Sorbonne, à Paris. Elle poursuivra en outre des études à l’université Columbia de New York, où elle obtient une maîtrise ès arts, et en 1947 elle reçoit un doctorat magna cum laude (avec grande distinction) en histoire de l’Université de Montréal, et selon d’autres sources, un doctorat ès lettres de la Sorbonne la même année… ce qui est peu probable; mais ce qui est certain, c’est qu’elle a été diplômée de trois universités prestigieuses après son baccalauréat. On peut dire qu’après avoir ouvert la porte du jardin, elle l’a fort bien exploré.

Au début des années 1940, elle enseigne dans les écoles du Nouveau-Brunswick, puis à l’École normale de Fredericton. En 1952, elle est membre de la délégation de trois Canadiens en Hollande, pour y participer au forum des Nations Unies sur l’enseignement des droits de l’homme dans les écoles secondaires; la même année, elle est déléguée à la Conférence canadienne sur l’éducation tenue à Ottawa. Toujours en 1952, elle est nommée déléguée de l’UNESCO aux Pays-Bas. En 1960, elle devient directrice adjointe de l’École normale, devenant la première femme à occuper ce poste. Elle y sera pendant huit années. De 1968 à 1973, elle est professeure à l’université St. Thomas. À sa retraite, elle est nommée professeure émérite par l’Université de Moncton.

Elle est à l’origine de plusieurs initiatives dans le but de perfectionner le système d’éducation de la province. Elle sera impliquée à divers niveaux de nombreux mouvements, dont le Foyer-école, l’Association acadienne d’éducation, l’Association des instituteurs acadiens et le Cercle français de Fredericton.

Elle fut présidente de l’UNICEF pour le Nouveau-Brunswick. Elle est l’auteure d’une Grammaire française qui fut en usage dans les écoles francophones du Nouveau-Brunswick pendant plusieurs années. On lui doit aussi plusieurs ouvrages didactiques et historiques, dont Les Acadiens des Provinces maritimes, publié en 1967. Elle a aussi publié un récit pour enfants adapté de l’histoire d’Évangéline, d’après le poème de Longfellow.

Son œuvre lui a valu de nombreux prix et distinctions. L’université Saint-Joseph de Memramcook (en éducation), l’université St. Francis Xavier (en lettres) et l’université St. Thomas (en droit) lui ont décerné des doctorats honorifiques. Elle est devenue membre de l’Ordre du Canada en 1964, et a reçu la médaille du Jubilé d’argent de la reine Elizabeth II en 1977. Elle a reçu le prix de mérite de l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick en 1979. La France lui a décerné la médaille de l’Alliance française. En 1981, elle était admise comme membre de La Compagnie des Cent-Associés francophones, une corporation créée deux ans plus tôt par l’Association canadienne d’éducation de langue française dans le but de «rendre hommage à l’élite de la francophonie canadienne». Elle a été présidente de l’Association des instituteurs et institutrices acadiens et membre du Conseil consultatif du multiculturalisme en 1973.

En 1989, l’université St. Francis Xavier créait en son honneur le prix Dre-Marguerite-Michaud (Dr. Marguerite Michaud Prize in Canadian Studies), ce qui suggère qu’elle fut une des élèves de cet établissement à s’être particulièrement fait remarquer. Une école dans sa ville natale de Bouctouche et une bibliothèque à Fredericton portent fièrement son nom.

Combien de ces femmes acadiennes admirables qui se sont illustrées dans le domaine de l’éducation – et dans d’autres domaines, sans doute – ont été inspirées, dans une plus ou moins grande mesure, par cette pionnière? Il est impossible de le dire; mais il est impensable qu’elle n’ait pas été un modèle et une guide pour plusieurs.

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Une erreur s’est glissée dans la chronique sur le docteur Albert Sormany: la médaille à son nom fut créée en 1994 et non en 1984.

• Sources: – (mccord-museum.qc.ca/fr); (francoidentitaire.ca/acadie); Marguerite Maillet, Gérard LeBlanc, Bernard Emont, Anthologie de textes littéraires acadiens 1606-1975, Éditions d’Acadie (Moncton), 1979; (www.bouctouche.ca); (sites.stfx.ca).

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