Face-à-face: Entre Moncton et Campbellton
BERNARD THÉRIAULT
Les libéraux de Brian Gallant installeront à Campbellton, sur le site du complexe hospitalier, le nouveau centre pour les jeunes en difficulté. Bernard Richard tire à boulets rouges sur le gouvernement et les accuse de petite politique. Ce qui s’annonçait comme une excellente nouvelle à première vue est vite devenu un boulet aux pieds du gouvernement de Brian Gallant. Que diable s’est-il passé pour en arriver là?
Récapitulons et tâchons de comprendre. D’abord, après la mort d‘Ashley Smith en 2007, victime de mauvais traitement dans une institution carcérale de l’Ontario, les autorités provinciales du Nouveau-Brunswick furent pointées du doigt puisque la jeune Smith est originaire de la province. S’ensuit une série d’enquête et de recommandations implorant la province à se doter d’un établissement pour prendre soin des jeunes en grandes difficultés et pour qui, ni le système carcéral, ni les institutions psychiatriques n’ont rien pu faire. On attend cette annonce depuis plus de dix ans.
Bernard Richard est d’abord impliqué dans le dossier comme ombudsman et défenseur de la jeunesse. Il participe à de nombreuses enquêtes et se fait remarquer comme un humaniste sensible devant la détresse de ces centaines de jeunes en mal de vivre qui n’ont pas les outils pour s’en sortir. Richard, après son départ à la retraite, continue de jouer un rôle important, travaillant sur les scènes mondiales, nationales et provinciales pour défendre la cause de ces jeunes. Depuis quelques années, il se fait le porte-parole de nombreux citoyens et intervenants dans les sujets impliquant la protection de la jeunesse. Pour beaucoup d’observateurs, Richard est le meilleur premier ministre que l’on n’a pas pu avoir! Il s’exprime bien et ses années de politique n’ont rien enlevé à son charme et à son charisme.
Mais ce que peu de gens savent, ou encore ont oublié, c’est que beaucoup de libéraux – surtout ceux élus en 2003 – n’ont jamais pardonné à Bernard Richard de les avoir abandonnés en quittant son siège et en acceptant des conservateurs, le poste d’ombudsman. C’est qu’à cette époque, les conservateurs n’ont qu’un siège de plus que les libéraux et le départ de Richard arrange particulièrement bien les conservateurs de Bernard Lord. En quittant son siège, le député Richard savait très bien ce qu’il faisait. Hédard Albert, Rick Doucet, Donald Arsenault, Denis Landry, tous présent quand ce départ est survenu, n’ont pas encore digéré ce manque de loyauté de Bernard Richard. Qui plus est, l’actuel ministre de la santé responsable de l’annonce fut pendant longtemps l’adjoint de monsieur Richard et son successeur comme député de Shediac Cap-Pelé.
Richard, en prenant position aussi drastiquement, éclabousse au passage la susceptibilité des gens du Nord qui se demandent s’ils ne sont bons que pour accueillir des centrales thermiques polluantes ou des hôpitaux psychiatriques. On dirait que la distance est plus longue de Moncton à Campbellton que le contraire. Quant aux libéraux, ils ont finalement défendu leur décision hier et pour faire taire les critiques. Surprenez-nous en construisant le centre dans la ville plutôt que sur le site de l’hôpital.
JEANNOT VOLPÉ
Les décisions du gouvernement Gallant se succèdent. Elles ont des éléments en commun selon plusieurs observateurs de la scène politique. Les termes les plus utilisés pour décrire les actions du gouvernement sont: l’improvisation, le manque de direction et de vision.
Ceci conduit à des décisions irresponsables et à la politicaillerie. Personnellement, je crois qu’il y a trop de premiers ministres et pas assez de direction, ce qui envoie un message difficile à comprendre pour la population. Les premiers ministres Victor Boudreau, Donald Arseneault ou Dominic LeBlanc semblent remplir un vide laissé par le premier ministre Gallant. Il doit colmater ce vide le plus rapidement possible au risque de se retrouver dans la même position que le gouvernement Alward – soit de perdre les deux premières années de son mandat, en plus de lui coûter l’élection de 2014.
La décision du choix de l’emplacement d’un centre de traitement pour les jeunes ayant des problèmes de santé mentale est, selon Bernard Richard, la pire décision de politique gouvernementale. Celui-ci a toujours été un ardent défenseur pour les jeunes ayant besoin d’aide. Cette décision du gouvernement est certainement vue encore une fois comme de la partisanerie et de la politicaillerie qui ignore complètement un travail de plusieurs années de la part d’intervenants de tous les secteurs impliqués dans ce dossier. Tout comme le gouvernement Alward avant lui qui avait décidé d’ignorer les intervenants dans le dossier de la politique forestière, et la population lui a laissé savoir.
Si l’on ajoute les décisions d’augmenter les frais des foyers de soins pour les personnes âgées, les crédits d’impôt éliminés pour repayer les dettes étudiantes, le dossier des garderies ou les décisions en santé, il ne semble pas y avoir de plan ou de direction. Selon M. Soucy, politicologue à l’U de M, ce début de mandat ressemble beaucoup aux premières années du gouvernement Alward. Pourtant la population a voté pour du changement. La direction doit venir d’en haut sinon le champ devient grand ouvert pour la petite politique, et personne ne pense à l’avenir de la province ou de sa population.
Il semble que la majorité des décisions aient été prises sans une bonne connaissance et évaluation des dossiers, ou va à l’encontre de ce que proposaient des groupes d’intervenants nommés par le gouvernement. Il sera difficile à l’avenir de demander à des personnes de participer si leurs recommandations sont complètement ignorées par des ministres qui jouent le rôle de premier ministre pour des raisons partisanes. On se souviendra que les mêmes ministres sous Shawn Graham avaient aussi ignoré les recommandations de fonctionnaires dans les dossiers d’octrois gouvernementaux, source en partie des défis financiers actuels.
Il est encore temps pour le premier ministre Gallant de reprendre sa position de premier ministre, mais il devra surveiller de plus près les ministres qui sont à l’origine des défis financiers actuels.