La protection des baleines noires et l’industrie de la pêche en Atlantique
BERNARD THÉRIAULT
De Jonas à Moby Dick, les baleines frappent l’imaginaire des gens de la côte depuis des lustres, mais voilà que la réalité nous frappe en plein visage. Et seul le temps nous dira si le gouvernement a pris la bonne décision en fermant des zones de pêche. Tous s’entendent toutefois pour dire que le contexte commercial créé par l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis n’offrait guère de choix. Les grands perdants dans toute cette histoire, ce sont, comme toujours, les travailleurs d’usine!
Il faut le reconnaître, les pêcheurs de crabe ne l’ont pas de facile cet année. D’entrée de jeu, je veux nuancer la rumeur voulant que plusieurs pêcheurs de crabe du Nouveau-Brunswick vendent le produit de leur pêche ailleurs cette année. Après vérification, il faut reconnaître que la presque totalité de nos pêcheurs de crabe continuent de débarquer sur les quais de la Péninsule. Bravo à ceux qui le font. Selon ma courte enquête, moins de 10% de nos pêcheurs livrent à l’extérieur de la province et quelques bateaux du Québec livrent chez nous.
Malgré tout, il faudrait rappeler à ces pêcheurs moribonds qui livrent ailleurs une petite leçon d’histoire, au cas où ils seraient trop jeunes pour s’en souvenir.
D’abord, le crabe des neiges est une ressource collective qui appartient à tous les Canadiennes et Canadiens. Le privilège de pêcher cette ressource fut judicieusement octroyé en fonction de chaque province et chaque flottille afin que les retombées économiques puissent bénéficier à nos régions respectives. La province du Nouveau-Brunswick a été une pionnière dans son développement et sans les investissements qu’elle y a consentis, nous n’en serions pas les principaux exploitants.
Rappelons également que la flottille actuelle n’a pas toujours connu la richesse et le succès qu’on lui connaît aujourd’hui. Pour en arriver là où elle est, bien sûr nos pêcheurs et certains de leurs dirigeants méritent beaucoup de crédit, mais il ne faut pas oublier que les gouvernements ont subventionné jusqu’à 50% de la construction de la flottille dont la majorité des bateaux est toujours en activité. La province a également offert des prêts subventionnés à la très grande majorité des détenteurs de permis, leur permettant ainsi de survivre durant les temps difficiles.
Qui plus est, le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’est constamment battu pour conserver ses parts provinciales, ce qui a résulté en le système actuel de quotas qui a fait de la plupart de nos pêcheurs des millionnaires. Sans nommer de noms, je soulignerai que le magnifique bateau sorti des chantiers de Bas-Caraquet le mois dernier, le Lady Esther, réalisé en grande partie par de la recherche et des subventions provinciales, livre sa production dans une autre province.
Dommage! Si les travailleurs d’usine en avaient les moyens, il serait intéressant d’afficher chaque semaine dans nos journaux la photo d’un bateau et de son capitaine qui livre ailleurs!
En terminant, c’est un appel au sens commun que je lance en invitant tous les décideurs à ne pas laisser les travailleurs d’usine dans l’incertitude et la misère dans laquelle ils se trouvent. Ils méritent mieux que cela!
JEANNOT VOLPÉ
Comment atteindre un juste équilibre entre la protection des baleines et la protection des emplois dans le secteur des pêches? Pêches et Océans Canada n’a pas le choix de réagir rapidement considérant le haut taux de mortalité de baleines l’année dernière, mais aussi à la menace de boycottage américain, si rien n’est fait pour corriger la situation.
Est-ce que de nouveaux procédés ou façons de faire ont été offerts aux pêcheurs? Et est-ce que ceux-ci les utilisent afin de réduire les risques d’enlisement des baleines dans les filets? Est-ce qu’Ottawa veut faire réagir plus rapidement les pêcheurs qui tardent à changer leurs façons de travailler et semblent ignorer le problème ainsi que les solutions possibles?
Une chose est certaine: une économie saisonnière n’a pas les mêmes marges de manœuvre qu’une industrie qui fonctionne toute l’année. Les pêcheurs, les usines ainsi que leurs employés ont raison d’être inquiets. Chaque jour de production perdu va engendrer des résultats qui auront des conséquences néfastes pour tous. Tous sont d’accord que le haut taux de mortalité de baleines l’année dernière demande des actions à tous les niveaux. Est-ce que le message des mesures envisagées par Ottawa depuis l’an dernier a été mal communiqué ou ignoré par les pêcheurs? Est-ce que les usines et les syndicats ou autres organisations de pêcheurs ont été ignoré par un processus de consultations quasi inexistant ou ont-ils mal compris l’obligation d’agir rapidement?
Quoi qu’il en soit, personne n’a probablement totalement raison ou totalement tort dans ses arguments et une solution ultime est probablement possible pour l’avenir de l’industrie des pêches. Les Américains surveillent de très près les prises de position d’Ottawa et pourraient très bien utiliser l’argument à l’effet que trop peu a été fait pour protéger les baleines et imposer un boycottage sur les produits de la mer de l’Atlantique. Cette solution pourrait être aussi très désastreuse pour les usines de transformation qui veulent exporter leurs produits aux États-Unis et, possiblement, même ailleurs dans le monde.
Je suis tout à fait d’accord que trop souvent les fonctionnaires d’Ottawa ou de Fredericton sont déconnectés des réalités de ce qui se passe ailleurs que dans leurs villes de fonctionnaires.
Les choses sont très différentes entre imposer une décision et la mettre en application. La mise en application demande souvent des changements de procédés et parfois même de nouveaux équipements.
Or, pour le fonctionnaire, ce sera le même stylo, le même bureau pour plusieurs autres changements et cela peut se faire très rapidement.
Autrefois, la pêche à la baleine était une industrie qui créait des revenus pour les usines et des emplois. Pourtant, aujourd’hui, leur protection menace le secteur des pêches et la création d’emplois qui s’y rattache. La protection des baleines est nécessaire, mais la protection de toute une industrie pèse aussi très lourd dans la balance et je suis convaincu que les pêcheurs trouveront une solution.