Ça y est. La toile de la Grande Tente Bleue, mise à rude épreuve depuis la fin du règne de Stephen Harper en 2015, est en train de se déchirer sous nos yeux, alors qu’une solide majorité du caucus a décidé de montrer la porte à son deuxième chef en autant d’élections.

On ne peut pas dire qu’Erin O’Toole ne l’avait pas un peu cherché. Député d’idéologie de centre-droite, un conservateur modéré se rapprochant plus de ses collègues progressistes des provinces maritimes que des ex-réformistes de l’Ouest sur le spectre politique, il avait joué la Grande séduction à la frange conservatrice sociale en campagne au leadership pour ensuite lui tourner le dos.

Minoritaires parmi l’électorat général mais puissants au sein de la base du PCC, les partisans de la droite plus dure on mal digéré le volte-face du chef durant les élections. Ses positions mal assumées sur la vaccination obligatoire, la taxe carbone et la réglementation des armes à feu en campagne aurait coûté des appuis à son parti, dont une partie de sa base est allée se réfugier dans le giron du Parti populaire du Canada. Ses dernières tergiversations, au sujet du soutien à octroyer au soi-disant «convoi de la liberté» à Ottawa, auraient été la goutte qui a fait déborder le vase.

Il est très peu probable que le parti choisisse à nouveau un Red Tory pour mener le parti après la débâcle O’Toole. Les noms qui circulent déjà comme remplaçants potentiels indiquent un sérieux virage vers la droite. Ce qui risque de plaire à la base du parti.

Mais cette base, en particulier de la droite dure qui flirte dangereusement – et de plus en plus ouvertement – avec des groupes racistes et complotistes, pourrait se révéler être le pire ennemi du Parti conservateur. En tirant l’opposition officielle vers une droite stridente, tentant d’arrêter l’hémorragie d’une partie de la base vers le Parti populaire du Canada, elle rend le parti de moins en moins attirant pour l’électeur médian, celui au centre de l’échiquier qui est le premier à sentir le vent tourner durant les élections, et qui permet une saine alternance du pouvoir.

Voilà un scénario qui a tout pour plaire aux libéraux, qui bénéficieront d’un long règne tranquille tant que l’opposition est plus occupée par ses affaires internes que par l’agenda législatif, mais qui devrait nous inquiéter pour la santé de la démocratie canadienne. Les électeurs méritent d’avoir parmi les bancs de l’opposition au moins un choix crédible de «gouvernement en attente», un parti qui a pour tâche de demander des comptes au gouvernement et d’être compétitif durant les élections. Or, un parti qui s’acoquine avec la droite dure ne sera jamais perçu comme tel par les Canadiens. Pire, il risque d’empoisonner le discours politique.

C’est un peu comme si avec cette déchirure dans la Grande Tente Bleue, on avait laissé s’échapper l’âme du Parti progressiste-conservateur. Cette dernière se retrouvera-t-elle un chez soi parmi une nouvelle formation politique, ou les électeurs de centre-droite seront-ils indéfiniment orphelins?

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