En 1984, quand l’écrivain Stephen King a vu l’adaptation de son roman Charlie (Firestarter; 1980) au grand écran, il a exprimé son dégoût, disant que le film avait exagérément simplifié ses écrits. Le pauvre homme risque d’être encore plus désenchanté quand il visionnera l’édulcorée nouvelle version de son oeuvre, en salle depuis vendredi.

Que ce soit dans le livre, dans le film original ou dans le remake, l’histoire est la même: les sbires d’une agence gouvernementale sont aux trousses d’une fillette appelée Charlie qui possède des dons de pirokinésie – elle peut créer et contrôler le feu avec son esprit.

Le film original, tourné par Mark L. Lester (Commando) a de ça d’intéressant qu’il met en vedette une jeune Drew Barrymore, tout juste auréolée d’une gloire planétaire grâce à son rôle dans E.T. (1982).

Heather Locklear – qui deviendra une super vedette une décennie plus tard grâce à Place Melrose – y fait quant à elle sa première apparition au cinéma dans le rôle de la mère de Charlie. Le grand Martin Sheen (Apocalypse Now) interprète de son côté le grand chef de la méchante agence.

La nouvelle version n’a pas le même attrait. Le comédien le plus connu est Zac Efron, un jeune homme au talent plutôt limité, mais dont raffolent les adolescentes. L’autre gros nom est John Carpenter, mais le réalisateur du classique Halloween (1978) notamment, se contente à signer la plus ou moins réussie trame sonore. L’ensemble est dirigé par le très peu connu cinéaste Keith Tomas.

Si l’oeuvre originale était une métaphore sur la peur d’un gouvernement cachottier et tout puissant, le film de Keith n’a pas vraiment de deuxième degré, si ce n’est qu’un soupçon de psychologie à cinq cennes sur les remords, le bien et le mal.

En fait, Thomas et le scénariste Scott Teems (Halloween Kills) frôlent un angle potentiellement très intéressant quand, dans le troisième acte, la chef de l’agence gouvernementale propose à Charlie de lui apprendre à maîtriser et à utiliser son pouvoir pour faire le bien. Développer cette facette aurait permis au remake de se distancer de l’oeuvre originale, et même, en partie, du livre de King.

Malheureusement, les cerveaux du nouveau Charlie ont choisi d’emprunter une autre direction, laissant plutôt Charlie donner libre cours à sa colère dans une orgie destructrice dont l’ampleur n’arrive malheureusement pas à la cheville du carnage auquel on a assisté dans l’oeuvre de 1984.

Il s’agit là d’un non-sens total. La technologie ayant évolué depuis 40 ans, les pouvoirs pyrokinésiques de Charlie sont beaucoup plus spectaculaires dans le nouveau film. Le hic, c’est qu’ils sont montrés trois fois moins souvent que dans l’oeuvre originale. Ce qui m’amène à la question suivante: qui, à Hollywood, a été assez con pour croire que le public avait envie de voir un film sur un enfant qui n’utilise à peu près pas son pouvoir de contrôler le feu?

Une autre grande déception est le personnage de Rainbird, l’homme de main en chef de l’agence. Retors, manipulateur et joué brillamment par George C. Scott dans le film original, le tueur est devenu unidimensionnel dans le film de Thomas – sans compter que ses motivations sont incompréhensibles.

Pour tout dire, malgré tous ses défauts, le film original était une explosion nucléaire en comparaison avec le petit feu de broussaille étouffé qu’est le remake.

Tout y est prédigéré et ennuyeux, dans un film où les comédiens manquent soit de talent ou de direction. Assurément une des pires adaptations d’un roman de Stephen King.

(Une étoile et demie sur cinq)

 

Loin du périph

Autrefois doté d’une identité propre et envié partout sur la planète, le cinéma français perd chaque année un peu plus de son lustre. Dernier exemple en date de ce triste état de fait: le gênant exercice de copier-coller qu’est Loin du périph (The Takedown; Netflix), avec l’unidimensionnel Omar Sy.

La prémisse de départ de ce film de Louis Leterrier (The Incredible Hulk) est identique à celle de Bon Cop, Bad Cop (2006). Si dans le film québécois, la découverte d’un cadavre coupé en deux force un policier francophone indiscipliné et un collègue anglophone pincé à travailler ensemble contre leur gré, dans Loin du périph, deux moitiés de corps obligent un commissaire urbain et rangé (Sy) à collaborer avec un capitaine provincial et superficiel (Laurent Lafitte).

Dans ce qui ressemble à un très gros effort pour imiter l’extraordinaire comédie britannique Hot Fuzz (2007), les deux gendarmes se rendent en région et découvrent un vaste complot impliquant un maire raciste.

Et comme dans la saga Lethal Weapon (notamment…), les deux policiers aux personnalités aux antipodes apprennent à se connaître, ce qui, à la fin du film, fait d’eux des amis et de meilleures personnes.

Comme vous pouvez le voir, il n’y a rien, mais alors là absolument rien d’original dans Loin du périph. En plus, le méchant est une gênante caricature, le scénario est convenu, tout comme l’évolution des personnages et le pathétique prétexte qu’est le mystère au coeur de l’enquête. Plus générique et daté que ça, tu meurs.

Le scénario est de plus rempli incongruités. Comme ce criminel le plus recherché d’Europe qui participe à des combats d’arts martiaux mixtes… sous son vrai nom. Ou le personnage d’Omar Sy qui tue un témoin avec un pistolet électrique et qui quitte la scène comme si de rien n’était afin de poursuivre son enquête. Franchement!

Parlant de Sy, après les deux saisons de la série Lupin et le film Les Intouchables, ce serait bien qu’on le voit interpréter autre chose que le gars hyper cool doté d’une intelligence de la rue supérieure. Son sourire dégoulinant d’ironie me revient de moins en moins…

L’oeuvre se fait de plus moralisatrice sur le racisme. Rien de bien original là, mais les efforts des scénaristes sont anéantis par l’aura homophobe qui entoure le récit. C’est… pénible. Et gênant.
Pour en revenir au film, c’est une création typique de Leterrier, rentré en France après une carrière plus ou moins réussie en Amérique. Le cinéaste est doté d’un talent de calibre mondial pour

filmer des scènes d’action – ce qu’il prouve à nouveau, aidé de nombreux drones. Mais côté nuances, c’est le néant.

(Deux étoiles sur cinq)

 

The Wilds – Saison 2

Même si elle n’a pas la visibilité de productions pourtant très inférieures comme Moon Knight et Inventing Anna, la deuxième saison de la très audacieuse série The Wilds (Prime Video) est un succès éclatant.

Lancée en 2020, la première saison s’était aisément hissée dans mon palmarès des 10 meilleures séries de l’année. On y faisait la connaissance d’une très tordue sociologue (l’exceptionnelle Rachel Griffiths) et de son grand projet: étudier à leur insu le comportement de huit adolescentes échouées sur une île déserte. Le but de la chercheuse: démontrer que le patriarcat est l’obstacle principal à la réussite des femmes.

La saison se terminait sur une surprise de taille: les filles ne sont pas seules dans leur éprouvante aventure; un groupe de huit garçons adolescents vit exactement la même expérience.

On retrouve donc, dans la deuxième saison, nos deux bandes de rescapés. Alors que les filles tentent de s’adapter à la mort d’une d’entre elles, les garçons, eux, font face à deux prédateurs fort différents, ce qui a pour effet de tantôt souder, tantôt détruire la dynamique de groupe.

Parfois inspirée de l’émission de télé-réalité Survivor, The Wilds est d’abord et avant tout ce qu’aurait pu être la série culte Lost (2004-2010) sans la dimension surnaturelle. Et c’est bon sans bon sens.

Magnifiquement écrite, la série est originale et crédible malgré sa prémisse extrêmement controversée.

Le récit – qui déborde de réelles surprises – aborde une quantité incroyable de thèmes (viol, deuil, orientation sexuelle, violence familiale, suicide, intimidation, racisme, exclusion) auxquels les auditeurs adolescents peuvent s’identifier et réfléchir. C’est fait avec beaucoup de goût et de doigté. On est loin du paternalisme de Watatatow ou Degrassi, disons…

Une autre grande force de The Wilds est ses personnages – tous interprétés par de jeunes comédiens inconnus. Il est difficile de ne pas profondément s’attacher à ces 16 êtres parfaits dans leurs imper­fections, leurs doutes, leurs angoisses, leurs difficultés et leur croissance personnelle. On les adopte au point que leurs luttes deviennent les nôtres.

Chaque personnage est unique, superbement bien défini et nous sommes les témoins très privilégiés de leur évolution – comme dans bien peu de séries dans l’histoire de la télévision.
Comme dans la vraie vie, les rescapés sont aussi mis devant des choix difficiles, qui ne sont jamais totalement noirs ou blancs.

Malgré quelques raccourcis dans le scénario et la bizarre évolution du personnage de Leah, The Wilds est une série qui déborde d’idées originales et qui frôle la perfection. Croyez-moi, il n’y a pas de calories vides là-dedans!

(Quatre étoiles et demie sur cinq)

 

À surveiller

The Lincoln Lawyer

(Sur Netflix depuis vendredi)
Le verdict du plomb est un des bons romans de Michael Connelly et son adaptation au cinéma (La défense Lincoln; 2011), avec Matthew McConaughey est un des solides drames juridiques du nouveau siècle. Cette série de dix épisodes raconte la même histoire: celle de Mickey Haller (Manuel Garcia-Rulfo) un avocat dont le bureau roulant est une luxueuse Lincoln.

Senior Year
(Sur Netflix vendredi)
Après avoir passé 20 ans dans le coma, une trentenaire (Rebel Wilson; Bridesmaid) se réveille et retourne à l’école secondaire.

The Time Traveler’s Wife
(Sur Crave dimanche)
C’est la semaine des romans adaptés au cinéma puis à la télévision! Cette fois, c’est un livre d’ Audrey Niffenegger, transformé en film avec Rachel McAdams en 2009 qui devient une série de six épisodes mettant en vedette Rose Leslie (Game of Thrones). Le titre résume très bien l’intrigue: un homme marié voyage dans le temps.

Lovestruck High
(Sur Prime Video mercredi)
Je me tiens loin de la téléréalité, mais cette série me semble très originale: 15 adolescents britanniques débarquent dans une école secondaire américaine avec comme mission de se trouver un cavalier pour le bal de fin d’année. Et c’est animé par Lindsay Lohan!

Night Sky
(Sur Prime Video vendredi)
Cette série de huit épisodes raconte l’histoire d’un couple (les indémodables et toujours excellents JK Simmons et Sissy Spacek) qui découvre que sa cour arrière donne… sur une planète désertique.

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