La mine de potasse de PotashCorp, située près de Sussex, a cessé ses activités en janvier 2016. - Archives
La mine de potasse de Sussex renaîtra-t-elle?
La potasse, un sel riche en potassium, est prisé pour sa contribution à la fabrication d’engrais nécessaires à nourrir la planète.
Le Canada est de loin le plus important producteur de potasse. Selon Ressources naturelles Canada, notre pays comptait en 2020 pour presque le tiers de la production mondiale.
À l’intérieur du pays, c’est la Saskatchewan qui monopolise la production. À elle seule, celle-ci détiendrait la moitié des réserves mondiales de ce produit.
Ce qu’il faut savoir à-propos de l’industrie canadienne de la potasse, c’est que ce n’est pas une industrie comme les autres.
Au Canada, en vertu de la Loi sur la concurrence, l’établissement de cartels (organismes visant à contrôler les prix ou autrement réduire la concurrence) est considéré une infraction criminelle passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans et/ou d’une amende pouvant aller jusqu’à 25 millions $.
Sur les marchés internationaux, par contre, cette loi fait fi du principe moral selon lequel il ne faut pas faire aux autres ce que l’on ne veut pas qu’on nous fasse. Ainsi, bien que la loi ne permette pas aux cartels d’opérer sur le marché canadien, elle permet cependant à ceux-ci de faire affaire à l’étranger tant que cela ne fait pas augmenter les prix domestiques.
Le cartel canadien d’exportation de la potasse porte le nom de Canpotex. De nos jours, celui-ci est propriété des deux entreprises responsables de l’ensemble de la production canadienne, soit la société américaine Mosaic et la canadienne Nutrien, qui est elle-même issue de la fusion des sociétés PotashCorp et Agrium en 2018.
Bien sûr, les dirigeants de Canpotex et de ses deux sociétés propriétaires nient le fait qu’ils forment un cartel visant ultimement à manipuler les prix que doivent payer des millions de pauvres fermiers à travers le monde pour leur engrais à base de potasse. Cela dit, une simple recherche en ligne nous permet de réaliser qu’à peu près personne d’autre ne partage leur opinion.
Le Nouveau-Brunswick, comme on le sait, renferme un important gisement de potasse dans la région de Sussex, autrefois exploité par PotashCorp. Cette dernière a même complété une nouvelle mine pour exploiter ce gisement en 2015, à un coût s’élevant à plus de 2 milliards $ américains.
Or, comme on le sait également, cette mine, qui apppartient maintenant à Nutrien, a été fermée presqu’aussitôt qu’elle a été ouverte. La raison évoquée à l’époque par son propriétaire était que le marché de la potasse s’était détérioré et que la mine de Sussex coûtait plus cher à exploiter que ses cinq autres mines, une information qu’il était impossible de valider.
Ce qu’il faut savoir, cependant, c’est que les cinq autres mines se trouvaient toutes en Saskatchewan. Le gouvernement de cette province exerçait une très grande influence sur PotashCorp. Après tout, c’est lui qui établissait les redevances sur la production de potasse sur son territoire. Tant qu’à déplaire à un gouvernement en fermant une mine, il valait sans doute mieux déplaire à celui du Nouveau-Brunswick qu’à celui de la Saskatchewan.
Après la Saskatchewan, la Russie et la Biélorussie occupent confortablement les deuxième et troisième rangs mondiaux parmi les pays producteurs de potasse.
Suite à l’invasion russe de l’Ukraine, l’offre mondiale de potasse a subi un dur choc. En conséquence, le prix de ce produit, qui était déjà en hausse, a continué de grimper en flèche. La potasse se transige désormais à des niveaux qui n’ont pas été vus depuis les sommets historiques atteints à la fin des années 2000.
Si la mine de Sussex était une entreprise autonome, son propriétaire pourrait bien estimer rentable de la rouvrir. Mais comme tel n’est pas le cas, elle ne rouvrira que si elle s’avère rentable selon les calculs stratégiques mondiaux de Nutrien, sa société mère.