Êtes-vous cosmopolite ou nationaliste? En réalité, nous sommes probablement les deux.

Les cosmopolites considèrent le monde comme une société unique. Bien que nous puissions être d’ethnies différentes, nos droits fondamentaux sont protégés dans tout le pays, car nous voyons la société fondée sur un sens commun de la moralité. Comme une société multiculturelle.

Et cela faisait partie de la vision de l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, tout comme le bilinguisme officiel.

À cela s’oppose le nationalisme, qui consiste à éprouver un fort sentiment de loyauté et d’attachement envers sa nation ou son État-nation pour lequel nous soutenons fortement ses intérêts. Ce sentiment se manifeste souvent selon des lignes ethniques et peut prendre la forme du séparatisme.

Prenez l’exemple du Québec. Face à la réduction des droits des francophones dans l’ensemble du Canada, le Québec était de plus en plus convaincu que la séparation était la seule solution pour protéger les intérêts des francophones. C’était la vision de l’ancien premier ministre René Lévesque.

Ces visions sont en jeu dans le rapport préliminaire de la Commission sur la délimitation des circonscriptions électorales et la représentation du Nouveau-Brunswick concernant la circonscription de Memramcook-Tantramar.

Pour ceux qui ne le savent pas, la circonscription de Memramcook-Tantramar a été créée en 2013 à la suite d’un redécoupage lorsque le village de Memramcook (70% de francophones) a été retranché de la circonscription de Memramcook-Lakeville-Dieppe et ajouté à l’ancienne circonscription de Tantramar (91% d’anglophones). La nouvelle circonscription de Memramcook-Tantramar était à 68% anglophone.

Cette décision a été controversée et souligne la division linguistique de la province.

Dans la foulée de la création de la nouvelle circonscription, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, entre autres, a fait valoir que les droits des minorités francophones protégés par la Constitution étaient violés. Une contestation judiciaire s’en est suivie, mais elle a été abandonnée en 2015 après que la province a modifié sa Loi sur la délimitation des circonscriptions électorales et la représentation pour exiger que les futurs redécoupages tiennent compte des questions linguistiques.

C’est là que nous nous trouvons aujourd’hui. Le rapport préliminaire 2022, publié en décembre 2022, a pris une tournure nationaliste. Il divise la circonscription de Memramcook-Tantramar en deux entités. Memramcook rejoint Dieppe dans la nouvelle circonscription à prédominance française de Dieppe-Memramcook avec 12 230 électeurs, tandis que Tantramar devient sa propre circonscription à prédominance anglaise avec 9058 électeurs.

Ceci est important pour plusieurs raisons.

Il y a d’abord le nombre d’électeurs par circonscription, appelé quotient électoral. Chaque circonscription doit compter 11 667 électeurs (un écart de plus ou moins 15% est permis) et doit tenir compte, entre autres, de la représentation effective des communautés linguistiques et des communautés d’intérêts de la province. Dans des circonstances extraordinaires, un écart allant jusqu’à 25% peut être autorisé.

C’est là que les choses deviennent intéressantes.

Avec les changements proposés, la circonscription de Dieppe-Memramcook a plus d’électeurs que le seuil (4,83%) mais dans la marge des 15% autorisés. Tantramar, quant à elle, a moins d’électeurs que le plancher fixé par un facteur de 22,36%, ce qui implique la disposition relative aux circonstances extraordinaires pour assurer que Memramcook reste avec une population largement francophone à Dieppe.

Qu’est-ce que cela signifie?

Cela signifie qu’un vote dans Tantramar vaut plus qu’un vote dans Dieppe-Memramcook étant donné que Tantramar a beaucoup moins d’électeurs. Un vote dans Tantramar vaut encore plus qu’un vote dans les circonscriptions francophones environnantes, comme Shediac-Beaubassin-Cap Pelé et Baie-de-Shediac-Dieppe, qui comptent beaucoup plus d’électeurs, soit 14,5% et 8,08% respectivement.

Tout cela pour préserver que les francophones votent avec les francophones, ce qui est une perspective nationaliste. Aurons-nous une meilleure représentation grâce à cela? Je ne pense pas et c’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec cette solution.

Je considère ce rapport préliminaire comme un échec face à l’évolution démographique de la province. Laissez-moi vous expliquer.

D’autres options pour Memramcook-Tantramar étaient possibles. Par exemple, une meilleure solution serait d’inclure Cap-Pelé et une partie de Beaubassin dans une nouvelle circonscription appelée Memramcook-Tantramar-Cap-Pelé. Cela augmenterait le nombre de francophones dans la circonscription, ce qui éliminerait les problèmes linguistiques tout en maintenant des intérêts communs, car toutes les communautés sont rurales.

Il existe également un précédent: la circonscription fédérale de Beausejour. Il s’agit d’une vaste circonscription qui s’étend de Saint-Louis-de-Kent au nord à Bouctouche, Shediac, Port Elgin, Sackville et Memramcook. Elle comprend de nombreuses communautés linguistiques et d’intérêts communs, en grande partie rurales.

Et au dire de tous, les électeurs sont satisfaits de leur représentation, ayant élu le libéral Dominic LeBlanc comme député à chaque élection depuis 2000! Si cela peut fonctionner au niveau fédéral, alors une circonscription de Memramcook-Tantramar-Cap-Pelé peut fonctionner au niveau provincial!

La réalité est que la population des circonscriptions du nord de la province diminue partout, sauf dans les circonscriptions de Belle-Baie-Belledune et de Tracadie-Neguac. Pendant ce temps, la région du sud-est de la province connaît une croissance exponentielle.

Ainsi, la recommandation du rapport préliminaire concernant la surreprésentation dans le Nord, la plupart des circonscriptions ayant moins que les 11 667 électeurs visés, et la sous-représentation dans le Sud-Est, la plupart des circonscriptions de Dieppe et des environs ayant beaucoup plus d’électeurs que nécessaire, ne résout pas grand-chose. Ce qu’il fait, c’est qu’il reporte la question à plus tard, dans dix ans, pour que la prochaine commission de redécoupage s’en occupe.

Soyons clairs. Une restructuration de nos circonscriptions électorales s’en vient, ce qui sera probablement douloureux pour les gens du nord du Nouveau-Brunswick. Il faudra donner plus de circonscriptions au Sud-Est et cela devra venir de quelque part si on maintient le nombre total de circonscriptions à 49.

Une solution serait de porter le nombre de circonscriptions à 55 d’ici dix ans. C’est ce que nous avions de 1995 à 2010. Pourtant, compte tenu de la taille de la population globale de la province, ce serait une surreprésentation flagrante. Trop de politiciens pour une trop petite population.

Faites l’exercice: ceux d’entre vous qui veulent plus de politiciens, veuillez lever la main.

Si vous êtes comme moi et que vous ne voulez pas plus de politiciens, une circonscription Memramcook-Tantramar-Cap-Pelé a du sens.

Très simplement dit, nous devons construire des ponts entre les communautés linguistiques. Une approche nationaliste ne fait pas progresser les choses.

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