Ton départ afflige tout un peuple. On ne l’attendait pas vraiment, on n’osait pas y penser, même si l’on savait que ta condition physique était problématique. On a eu le temps de se faire à l’idée de ton départ, mais on n’y est pas parvenu, car, même affaiblie, ta présence était rassurante. Maintenant, c’est le vide.

Un grand vide que tous nos souvenirs, tous nos hommages et notre immense chagrin ne sauraient combler. Via ton célèbre personnage, tu étais notre boussole, capable de nous aider à nous orienter et, ce faisant, capable de nous conforter dans notre identité.

Tu en étais bien consciente, et tu cherchais à mieux la comprendre pour pouvoir partager avec nous le fruit de tes découvertes. Tes discours pleins de sensibilité et de grandeur d’âme livrés à titre de sénatrice en font foi. Tu n’as jamais désespéré: il y avait en toi une lumière qui irradiait d’une sagesse ancienne et d’un émerveillement constant.

***

Tu savais que tu étais devenue la mère de tout un peuple? Mère de la nation, tu savais tout de nous, puisque tu l’incarnais dans ce personnage de la Sagouine que la modestie n’a pas empêchée d’être plus grande que nature. La Sagouine qui chantait nos mérites sans s’en apercevoir, et qui fourbissait notre âme singulière avec ses vieux mots encore pleins de sève et de vérité.

À travers elle, tu parlais à la fois à notre tête et à notre cœur, traduisant notre histoire en un récit national qui nourrit maintenant nos racines profondes et gave de suc créatif nos bourgeons nouveaux.

C’est toi, dans la peau de cette Sagouine prophétique, qui nous a le mieux raconté qui nous étions et d’où nous venions.

Et c’est bras-dessous, bras-dessus avec ton double théâtral que tu as foulé les scènes du monde, portant aux quatre vents la parole d’un peuple vaillant qui a su triompher des horreurs du passé.

Tu brillais sur toutes ces scènes où disparaissaient les frontières entre la femme que tu étais et celle que tu incarnais. Tu trimbalais dans ton baluchon tout un faisceau d’émotions qui vous reliaient toutes deux, dans une alchimie charnelle qui transcendait la scène, véritable catharsis pour le peuple à l’écoute.

***

Bien sûr, tu as été magnifiquement servie, et tu étais la première à le reconnaître, par une autre grande figure nationale: notre précieuse Tonine à qui nous souhaitons longue vie. Il y a quelque chose de la Trinité qui vous relie toutes trois!

On pourrait presque dire: la Mère, la Fille et la Sagouine!

Et cette trilogie de femmes fortes, de femmes de tête et femmes de cœur illustre bien la place centrale qu’occupent les femmes dans l’histoire de l’Acadie. On ne compte plus les pionnières qui méritent de figurer dans un Panthéon des Femmes d’or de l’Acadie, d’Anna Malenfant à Mathilda Blanchard, en passant par la garde Pinet, par exemple, sans oublier nos contemporaines, trop nombreuses pour être toutes citées ici!

Dans ce contexte, chère Viola, ton départ nous attriste encore plus, parce qu’il nous révèle que nous avons encore pas mal de planchers à fourbir avant d’avoir vraiment pris possession de notre destin.

Merci de nous avoir fait entrevoir, par ta vie et ton art, tous les possibles qui s’offrent à nous comme autant de promesses qu’il ne nous reste plus qu’à cueillir. Il nous faudra consentir des efforts pour y parvenir, mais ton souvenir restera comme un modèle à suivre. Oui, tu étais une inspiration pour ton peuple!

Adieu, éternelle Viola. Puisses-tu vivre éternellement en nous!

***

FUNÉRAILLES

J’apprends à l’instant que les funérailles de Viola auront lieu mardi prochain, en la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption de Moncton.

Dans son édito de lundi, mon collègue François Gravel avait émis l’opinion que le gouvernement du Niou-Brunswick lui accorde des funérailles d’État. Oui, il lui faut des funérailles nationales. C’est un minimum!

Pourtant, selon un autre article annonçant les funérailles, il ne pourrait s’agir de funérailles d’État (fédéral) car elles sont réservées à des gouverneurs généraux, des premiers ministres et des anciens ministres.

Reste à voir maintenant si le gouvernement provincial n’aurait pas de dispositions particulières pour des funérailles officielles honorant le passage d’une personnalité marquante de son histoire. Le premier ministre Higgs n’aurait-il pas son mot à dire en l’occurrence?

Le gouvernement provincial pourrait y voir, à moins que Higgs s’en tienne à sa mesquinerie habituelle à l’égard des francophones: le moins possible!

***

Le gouvernement du Québec a mis en place, il me semble, un type de cérémonie d’adieu funéraire qui, sans être des funérailles d’État, confère une solennité particulière au départ d’une personnalité marquante de l’histoire de la province.

Au Niou-Brunswick, la vie et l’œuvre de Viola Léger sont vraiment un cas de figure qui met en évidence la nécessité d’une telle formule funéraire.

On pourrait au moins s’inspirer de ce cérémonial. Il est évident que Viola Léger mérite amplement des funérailles dignes de la place qu’elle occupe déjà dans le cœur des Acadiens et Acadiennes, et de la place qu’elle occupera éternellement dans l’histoire de l’Acadie.

***

Et puis la vie va continuer. Déjà février fait son entrée dans nos vies. Le mois le plus court qui semble le mois le plus long!

Demain, la marmotte nous annoncera un printemps tardif. En milieu de mois, nous nous garrocherons sur le chocolat et les valentins. Puis, en moins de temps qu’il n’en faut pour crier «lapindepâques», la vie sortira de terre, créant des tapis de couleurs célébrant notre espérance récompensée.

Il y a toujours lieu d’aimer la vie peu importe les atours sous lesquels elle se présente. Aujourd’hui,

un grand chagrin, certes, mais qui se dissipera lentement avec le temps pour faire place à la confiance renouvelée, tel que nous l’a enseigné
Viola, véritable trésor national.

Han, Madame?

logo-an

private

Vous utilisez un navigateur configuré en mode privé ou en mode incognito.

Pour continuer à lire des articles dans ce mode, connectez-vous à votre compte Acadie Nouvelle.

Vous n’êtes pas membre de l’Acadie Nouvelle?
Devenez membre maintenant

Retour à la page d’accueil de l’Acadie Nouvelle