Comment les gouvernements peuvent-ils changer leurs orientations politiques et en faire des éléments positifs? C’est une bonne question, et nous pourrions en avoir un exemple parfait en ce moment avec l’immersion française.

Le gouvernement Higgs a annoncé qu’il n’y aura plus d’inscriptions en immersion française à partir de septembre 2023 mais que les élèves actuellement inscrits au programme pourront poursuivre leur apprentissage.

À la place, le gouvernement Higgs introduit l’enseignement du français dans les matières non essentielles. Les élèves passeront jusqu’à 50% de leur temps à apprendre le français, pourcentage qui sera réduit à 40% les années suivantes. De plus, l’apprentissage ne sera pas mesuré, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de points de référence pour ce que les élèves doivent apprendre, contrairement aux matières enseignées en anglais.

C’est une recette pour un désastre! Après tout, le recensement de 2021 montre que les personnes bilingues gagnent jusqu’à 56% de plus en salaire, selon leur profession. Alors pourquoi ne voudrions-nous pas, et encore moins le premier ministre Higgs et les conservateurs, de meilleurs salaires pour nos enfants?

Les critiques ont été nombreuses et variées. Les enseignants et les experts linguistiques, non seulement au Nouveau-Brunswick mais dans tout le pays, ont déclaré que le plan de M. Higgs ne fonctionnera pas. Même le gouvernement du Québec a déclaré qu’il s’agissait d’une attaque flagrante contre les droits linguistiques dans la province.

Les parents se sont également exprimés.

Réunion après réunion à travers la province, les parents se sont levés pour critiquer vivement le plan visant à éliminer l’immersion française. C’est à Moncton, Saint-Jean et Fredericton que les critiques ont été les plus vives, les parents exprimant haut et fort leur colère contre les conservateurs.

Par exemple, à Moncton, les parents en avaient tellement marre des consultations symboliques scénarisées des conservateurs qu’ils ont imposé un format différent pour que les gens soient mieux entendus!

C’est pourquoi une remise en question s’impose. Les conservateurs peuvent-ils se permettre de perdre ces circonscriptions des grandes villes au profit des autres partis politiques lors des prochaines élections? Les circonscriptions en question sont Moncton-Est (Daniel Allain), Moncton-Sud (Greg Turner), Saint-Jean-Havre (Arlene Dunn), Fredericton-Nord (Jill Green). Ces circonscriptions sont connues pour osciller entre les conservateurs et les libéraux.

À ces circonscriptions, nous pourrions ajouter Fredericton-York (Ryan Cullins), Oromocto-Lincoln (Mary Wilson) et la circonscription plus rurale de Carleton-Victoria où la conservatrice Margaret Johnson l’a emporté par seulement 382 voix en 2020. Si la moitié de ces circonscriptions bascule du côté des libéraux, nous allons nous retrouver avec un nouveau gouvernement libéral minoritaire (à condition que le Parti vert appuie également les libéraux).

Est-ce que le fait de se débarrasser de l’immersion française vaut le coup pour Blaine Higgs et les conservateurs?

Il ne fait aucun doute que M. Higgs répondrait par l’affirmative, car ce faisant, il poursuit l’assaut de son gouvernement contre les droits linguistiques dans la province.

Mais la question ici n’est pas tant de savoir ce que Blaine Higgs veut, mais plutôt ce qui est le mieux pour le Parti conservateur à long terme.

Si l’on pense à long terme, alors les bleus doivent saborder ce projet. Ce serait un revirement de politique, certes, mais si les conservateurs sont astucieux, ils peuvent recadrer le débat sur l’immersion française. Comment?

Ils peuvent dire qu’en tant que gouvernement, ils ont consulté la population et entendu de nombreux groupes. Ce qu’ils nous ont dit et ce qu’ils ont appris, c’est que les gens veulent préserver l’immersion française et veulent que les conservateurs, en tant que gouvernement, investissent plus de ressources là où elles sont nécessaires, dans le système scolaire pour mieux aider tous les élèves à réussir.

Cela démontrerait qu’en tant que gouvernement, les conservateurs sont à l’écoute de la population et changent de direction au besoin. En agissant ainsi, ils augmenteraient grandement leurs chances de remporter les circonscriptions qu’ils risquent le plus de perdre ou du moins de minimiser les pertes afin de pouvoir continuer à gouverner au-delà de 2024.

La question est de savoir si Blaine Higgs et le Parti conservateur feront preuve d’une telle prévoyance.

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