Viola Léger, dans son rôle de la Sagouine. - Archives
Viola
«Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé» écrivait le poète Lamartine. Aujourd’hui c’est l’Acadie qui le ressent dans son âme depuis le départ de notre chère Viola Léger. J’écris et dis rarement «notre» pour parler d’une personne parce que je crois que nul ne nous appartient, mais je fais une exception aujourd’hui pour Viola parce qu’elle était à la fois des nôtres et nôtre.
J’en veux pour preuve toutes les petites histoires et témoignages touchants qui circulent depuis des jours maintenant tout aux côtés des éloges sur sa carrière d’artiste et de sénatrice. Un tel qui était son élève, un autre qui associait Viola à ses premières expériences d’acteurs, ceux et celles qui ont bénéficié de ses encouragements, de sa fondation ou de ses coups de pouce. Ceux et celles, comme moi, à qui elle laissait de temps à autre des petits messages téléphoniques pour souligner un bon spectacle ou une chronique touchante. Viola a accordé tant de petites attentions, durant des décennies, à tant de personnes de l’ombre, du quotidien, du «pas connu», qu’elle s’était taillé une place dans nos vies intimes.
Sur scène, dans ses hardes, au fil des milliers de représentations de la Sagouine, elle s’était aussi taillé une place unique dans la vie de l’Acadie avec un grand «A», représentation publique et éblouissante d’une Acadie à la fois imaginaire et vraie, pauvre trop souvent, mais toujours grande d’âme. S’il est vrai que le personnage de la Sagouine n’était pas fille de Viola, le fait qu’elle ait été quasiment la seule à l’incarner et surtout le fait qu’elle lui a carrément donné ses traits, sa démarche, son âme, font que, pour nous toutes et tous, Viola représentait à la fois la Sagouine et l’Acadie.
Notre peuple n’a jamais eu beaucoup de héros ou d’héroïnes de chair et d’os, surtout pas dans ces temps dits «modernes ». Viola Léger était une héroïne, et même si depuis plusieurs années elle avait disparu de la vie publique, on la savait là, comme un trésor mis à l’abri. Après une vie bien remplie, après tant de services rendus à l’Acadie, au théâtre et au pays tout entier, là voici partie, soulagée sans doute.
«Aussitôt mort, là tu pourras respirer à ton aise: t’aras pus besoin de crouère sans ouère, tu comprendras tout seul.»
Merci. Pour tout.