L'hôtel de ville de Bouctouche. - Archives
Le spectaculaire essor du comté de Kent
Il y a à peine quelques décennies, Kent avait la triste distinction d’être le comté le plus pauvre au Canada. C’était à l’époque un coin de pays qui remplissait les camions de déménagement bien plus qu’il les vidait.
Plus maintenant. Même si certains défis persistent, le comté est devenu méconnaissable. Selon les données du recensement de 2021, le revenu médian des ménages de Kent arrivait au septième rang parmi les 15 comtés du Nouveau-Brunswick, n’étant devancé que par ceux qui englobent les trois cités du sud. Même là, le comté de Kent devance celui de Saint-Jean.
Au sein du Nouveau-Brunswick rural francophone (comtés de Kent, Gloucester, Restigouche, Madawaska et Victoria), Kent trône confortablement au premier rang. Dans l’ensemble du Nouveau-Brunswick rural, il arrive bon second, tout juste derrière le comté de Charlotte.
Le comté de Kent affiche également un bilan enviable au niveau de la croissance démographique. Entre les recensements de 2016 et 2021, il a vu sa population s’accroître de 5,6%. C’est environ 50% de plus que la moyenne provinciale (3,8%). En fait, parmi les trois grands centres urbains de la province, seul Moncton a connu une croissance nettement plus forte.
Qui plus est, l’essor démographique du comté de Kent n’a fait que s’accélérer depuis le recensement de mai 2021. Au cours des douze mois entre le 1 er juillet 2021 et le 30 juin 2022, le comté a vu sa population augmenter de plus de 800 résidents, soit un rythme deux fois et demi plus rapide qu’au cours des cinq années précédentes.
Qu’est-ce qui explique cette extraordinaire explosion démographique?
Comme à peu près partout ailleurs au Nouveau-Brunswick, les décès excèdent les naissances dans le comté de Kent. C’est donc du côté de la migration qu’il faut se tourner pour obtenir la réponse.
Entre le 1er juillet 2016 et le 30 juin 2022, le comté a accueilli 2215 personnes de plus qu’il n’en a perdu au reste du monde.
La quasi-totalité de ce gain (97%) était constitué de gens de l’extérieur de la province. Environ un cinquième étaient des résidents non-permanents, pour la plupart des travailleurs étrangers temporaires. Environ un sixième étaient des immigrants. Le reste, soit un peu plus de 60% des nouveaux arrivants, provenaient des autres provinces.
Parmi ces derniers, on retrouvait sans doute de nombreux immigrants récents qui se sont d’abord installés dans les grands centres canadiens avant de déménager dans le comté de Kent. Depuis 2021, on retrouve également des centaines et des centaines de «réfugiés du logement» du sud de l’Ontario en quête de propriétés plus abordables.
Fait intéressant, c’est tout le long du littoral, de Cocagne jusqu’à Pointe-Sapin, que la croissance a été particulièrement forte. Dans les terres, les gains ont été plus faibles. Ce fut le cas même à Champdoré, malgré sa proximité de Moncton. Cela s’explique sans doute par le fait que c’est le long du littoral qu’est concentrée l’activité industrielle et que c’est là que choisissent de s’installer la plupart des «réfugiés du logement».
Cela dit, tout n’est pas au beau fixe dans le comté de Kent. Malgré son explosion démographique, le comté a tout de même vu son nombre de travailleurs diminuer entre les deux derniers recensements. Cette perte, liée au vieillissement démographique accéléré du Nouveau-Brunswick francophone rural, a été entièrement concentrée dans le secteur privé, qui a vu ses effectifs diminuer d’environ 4%.
La crise du logement frappe également le comté de plein fouet. Selon mes calculs, il faudrait presque tripler la cadence de l’activité de construction résidentielle pour combler les besoins de logement dans les années à venir.
Cela montre encore une fois l’urgence pour le gouvernement de développer une stratégie du logement ambitieuse qui reflète l’ampleur des besoins partout dans la province.