Jean-Marie Nadeau a relancé l’idée d’un nouveau nom pour l’Université de Moncton. - Archives
«Se souvenir de l’avenir»
Voilà, le souhait du recteur de l’Université de Moncton, M. Denis Prudhomme, a été exaucé: une masse critique s’est levée en bloc pour réclamer que l’Université se donne un nom plus en phase avec l’Acadie contemporaine. En effet, près de 1100 signatures ont été collectées à cette heure; et en l’espace de quelque jours, ce qui plus est!
Maintenant, la balle est dans le camp de l’Université. Notamment, du Conseil de l’Université (anciennement le Conseil des gouverneurs). Ça adonne bien: la devise du Conseil proclame que la gouvernance est «Responsable – Transparente – Imputable». Yéé.
Naturellement, les multiples composantes de l’institution voudront également avoir voix au chapitre, du moins on le souhaite. De même que les grands organismes acadiens (notamment, l’AEFNB, l’AJEFNB, l’AMFNB, l’AAAPNB, le CENB).
La SANB et la SNA appuient l’idée d’un débat sur un changement de nom. C’est déjà ça. Mais on a déjà vu leadership plus vigoureux…
Certes, on peut comprendre que leurs dirigeants soient tenus de passer par leur exécutif, ou leur conseil d’administration, et qu’il leur faille respecter des échéanciers précis pour convoquer des réunions. Mais on peut aussi s’étonner qu’ils ne soient pas plus flexibles en termes de mobilisation. Zoom, que’qu’un?
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L’appel du militant acadien Jean-Marie Nadeau a eu une profonde résonance dans la population. Des gens de toutes les régions, de métiers ou de professions de toute nature, et de tous les groupes d’âge, ont tenu à inscrire leur nom sur cette liste à conserver dans les archives historiques de l’Acadie.
Toutefois, on ne peut passer sous silence que des personnes, au demeurant bien intentionnées, aient formulé des questions sur les coûts d’un tel changement; ou les répercussions possibles sur la validité académique des diplômes de «l’ancienne» Université; ainsi que des questions afférentes à la ville de Moncton, ou à la Acadia University, ou à l’impact sur son rayonnement international, ou sur sa capacité de recruter des étudiants étrangers.
Je présume que ces questions seront débattues par les autorités de l’Université. Mais rien n’empêche qu’elles fassent aussi l’objet de débats publics, ne seraient-ce que pour nourrir la réflexion des autorités universitaires. On y reviendra.
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J’ai signé cette lettre en toute confiance. Au-delà des querelles de clochers, ou des animosités que pourraient entretenir certains intervenants de part et d’autre, ou des réticences liées à la partisanerie politique, il me semble que l’Acadie a maintenant toutes les cartes en main pour régler cette question.
Cette fois, impossible de placer la responsabilité sur les épaules de quelqu’un d’autre. Impossible d’être la victime d’un gouvernement, rouge ou bleu, bon ou méchant. Ce changement de nom crucial va révéler la capacité de l’Acadie de se gouverner.
Selon la Loi sur l’Université de Moncton, sanctionnée le 18 juin 1986, le Conseil de l’Université peut créer ou fermer une constituante de l’Université. S’il a le pouvoir de poser un geste aussi déterminant pour l’avenir d’une région, on imagine mal qu’il puisse renoncer à user de son autorité pour endosser la nécessité d’un changement de nom qui requinquerait ses trois campus. Et toute l’Acadie!
Après la décision prise, le Conseil de l’Université n’aura plus qu’à demander que la présente Loi sur l’Université soit modifiée, tel qu’il est stipulé à l’article 9.
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Quant à la question des coûts, il y en aura, c’est évident. Combien? Nul ne le sait pour l’instant. Mais il serait indécent que les autorités de l’Université puissent invoquer un tel argument pour refuser un changement de nom sans faire preuve d’une transparence cristalline à cet égard.
Et sans compter qu’il y a toujours une source de fonds quelque part qui attend son heure. Sinon, comment expliquer tant de développement pédagogique ou immobilier aux trois campus? L’argent apparait toujours quand est prise la décision d’oser agir, même quand l’Université invoque un manque de fonds!
Quand on pense que des éducateurs et éducatrices d’autrefois ont justement bâti, avec presque rien, les académies, collèges et universités qui ont abouti à l’Université de Moncton, on est presque obligé de faire confiance au destin!
On connaît l’exemple de Mère Maillet qui n’avait pas l’argent pour acheter les briques en vue de la construction de l’Hôtel-Dieu de Saint-Basile. Qu’a-t-elle fait? Elle a organisé une fabrique de briques sur place!
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L’autre grosse objection, c’est le nom «Moncton». Certains invoquent que c’est le nom de la ville. Pas vraiment de l’odieux personnage. Non, non, cet argument est nul et non avenu. Si les fondateurs de la ville de Moncton ont cru bon honorer la mémoire du bourreau Robert Monckton, c’est leur affaire. La nôtre, c’est l’Université.
Et cette Université est française, comme a dû le rappeler en Afrique, à une interlocutrice, une ancienne prof de l’Université. À cause du nom anglais «Moncton», son interlocutrice croyait que l’Université était anglaise.
L’Université aime bien se féliciter de ses succès sur la scène internationale, et avec raison, mais sa nature française n’est pas encore assez évidente, comme le révèle cette anecdote. Et son nom peut porter à confusion. Même qu’il joue sur une certaine ambiguïté linguistique.
C’était peut-être utile au moment de sa création, afin que le gouvernement accepte de la financer, mais, vraiment, ce n’est plus d’actualité!
Surtout qu’elle est maintenant protégée par la loi sur l’égalité qui reconnaît à la communauté francophone le droit à des institutions distinctes!
Nous sommes justement en train de réviser les lois sur les langues officielles, tant au fédéral qu’au provincial, pour les mettre en phase avec la réalité de notre siècle. C’est aussi dans cet esprit que l’Université doit envisager un changement de nom qui sera bénéfique à l’Acadie.
«Le prophète est celui qui se souvient de l’avenir», dit-on. Espérons que ceux et celles qui auront à avaliser ce cri du cœur de l’Acadie garderont cette idée en tête au moment de leur décision. Pour la suite du monde. Et celle de l’Acadie.
Han, Madame?