La politique aux États-Unis prend de plus en plus la forme de guerres culturelles dont l’objectif n’est pas tant de gagner les prochaines élections, mais de transformer la société, notamment par la culture populaire. Dans cette logique de guerres culturelles, l’entreprise Walt Disney semble être devenue la cible des courants les plus radicaux au sein du Parti républicain.

Plusieurs membres de l’aile la plus à droite du Parti républicain cherchent à punir Walt Disney parce que l’entreprise serait «woke». Le terme «woke» signifie «être éveillé» face à la défense des minorités et à l’injustice sociale.

On reproche ainsi à l’entreprise Walt Disney, dans ses productions récentes, de laisser une trop grande place aux minorités. On pense notamment à toutes les controverses ayant entouré le choix de l’actrice Halle Bailey, une afro-américaine, pour incarner le rôle de La Petite Sirène, version française du film The Little Mermaid, dont la sortie est prévue en juin 2023.

Marvel, qui a été racheté par l’entreprise Walt Disney, a créé Miss Marvel, la toute première super-héroïne musulmane de l’histoire des séries américaines, diffusée sur sa plateforme Disney+ à l’été 2022. Black Panther, et sa version française Panthère noire, également de l’univers de Marvel, a été remarqué pour sa représentation de la culture africaine et afro-américaine.

Le «wokisme» suscite, parfois avec raison, de nombreuses critiques. Cependant, dans le cas de Walt Disney, la volonté de laisser une plus grande place aux minorités semble être motivée par des intérêts commerciaux plutôt qu’idéologiques.

Qui plus est, le mot «woke» a souvent été dénaturé par différents courants d’extrême droite à travers le monde pour en faire un terme un peu fourre-tout afin de s’opposer au progressisme. Ce mot est désormais régulièrement utilisé par l’extrême droite pour caricaturer la moindre défense des minorités culturelles ou sexuelles.

Les élus républicains, plus particulièrement ceux du courant MAGA, acronyme de «Make America Great Again», le slogan associé à l’ancien président Donald Trump, mènent un intense lobbying pour aller à l’encontre des intérêts de Walt Disney. Par exemple, ils proposaient de réduire les extensions de droit d’auteur dont bénéficie l’entreprise.

En Floride, le gouverneur républicain Ron DeSantis a mis fin en février aux avantages liés au statut favorable dont bébéficie le parc d’attraction Walt Disney World Resort. À l’époque de la construction du parc d’attraction près d’Orlando, dans les années 1960, l’entreprise Walt Disney avait été exemptée de la plupart des réglementations de l’État de Floride, mais devait garantir certains services publics tels que la collecte des déchets, le traitement des eaux et la protection contre les incendies.

Le ressentiment de Ron DeSantis s’explique en partie parce que l’entreprise Walt Disney s’est opposée à sa loi très controversée sur les droits parentaux, surnommée «Don’t say gay» qu’on pourrait traduire par «ne parlez pas des gais», qui interdit toute référence au genre ou à la sexualité dans les écoles primaires publiques. On reproche aussi aux fictions de Walt Disney de vouloir détruire la famille en tentant d’endoctriner les enfants en mettant en scène des minorités sexuelles dans ses productions.

Les courants les plus radicaux du Parti républicain ne souhaitent pas que des sujets de sociétés soient dépeints dans les fictions de Walt Disney, particulièrement celles qui s’adressent aux enfants.

En fait, leur objectif est de s’opposer aux œuvres de la culture populaire qui défendraient des valeurs plus progressistes et de faire la promotion de celles qui défendraient des valeurs plus conservatrices, voire réactionnaires.

Pour ce faire, ils ne se limitent donc pas aux discours politiques, mais mènent également leur combat sur la scène culturelle, en visant plus particulièrement ce qui concerne la culture populaire. Je me suis d’ailleurs intéressé à ces guerres culturelles face à une prétendue hégémonie de la pensée progressiste dans mon essai Faux rebelles: les dérives du «politiquement incorrect» (Poètes de brousse, 2022) récemment publié.

Reprocher à l’entreprise Walt Disney d’être «woke» est plutôt surprenant puisque ses productions restent non seulement très familiales, mais aussi très américaines. Les productions de Walt Disney sont bien souvent beaucoup moins engagées que la plupart des films indépendants que l’on peut voir aux festivals du film de Sundance, de Cannes ou d’ailleurs.

Il est indéniable que les productions de Walt Disney laissent plus de place aux minorités qu’il y a quelques années. C’est sans doute parce que Walt Disney tente de produire des œuvres de fiction plus représentatives de la société américaine d’aujourd’hui.

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