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Repenser notre assiette pour la planète
«La poursuite des habitudes alimentaires actuelles dans le monde d’ici à la fin du siècle pourrait ajouter environ 1°C de réchauffement additionnel», conclut un groupe de chercheurs américains dans la plus récente étude publiée dans l’importante revue scientifique Nature, le 6 mars 2023. Ce qui signifie qu’à lui seul, le système alimentaire actuel nous conduit vers un réchauffement planétaire largement supérieur à l’objectif de 1,5℃, qui constitue une limite à ne pas franchir pour éviter les pires effets des changements climatiques.
La vaste majorité de ce réchauffement est causé par des produits alimentaires qui engendrent de grandes quantités de méthane, un puissant gaz à effet de serre (GES), tel que le bœuf ou le mouton. Les auteurs prônent donc une réduction de la consommation de viande et de produits laitiers pour lutter contre la crise climatique.
Ces résultats n’ont rien d’étonnant en soi, puisque de nombreuses études antérieures ont montré l’impact considérable de la production alimentaire sur l’environnement, en particulier la viande et les produits laitiers, mais la nouvelle étude fournit des estimations des hausses de température que leurs émissions pourraient provoquer.
Alors que le système alimentaire mondial engendre 26% des émissions de gaz à effet de serre, 14,5% de ces émissions proviennent directement de la production de produits animaux. Autrement dit, plus de 55% des émissions de gaz à effet de serre produites par notre alimentation découlent directement de l’agriculture animale!
L’augmentation de la température mondiale engendrée par nos habitudes alimentaires n’augure rien de bon, puisque l’étude se base sur la projection selon laquelle la consommation de viande dans le monde demeurerait stable au courant des prochaines décennies. En revanche, il est en réalité estimé que la consommation de produits animaux dans le monde pourrait augmenter de 70% d’ici 2050, selon la croissance démographique.
De ce fait, il est devenu évident que pour lutter efficacement contre les changements climatiques, des changements au niveau des habitudes alimentaires des gens devront avoir lieu, même si cette façon de faire demeure aujourd’hui très impopulaire au sein de la population et de la classe politique.
Pourtant, il existe une panoplie de bonnes raisons de revoir nos régimes alimentaires, puisque les problèmes écologiques et climatiques de l’agriculture animale ne se limitent pas qu’aux immenses émissions des différents gaz à effet de serre qu’elle émet. Elle est aussi responsable d’une utilisation massive des terres agricoles et donc, de déforestation; d’utilisation massive d’eau douce et de perte de biodiversité. En fait, l’agriculture animale est la cause principale de déforestation dans le monde, causant ainsi la perte d’habitats pour d’innombrables espèces animales et végétales, ce qui crée une pression écologique immense sur celles-ci.
Aujourd’hui, il est estimé, comme le démontrent les analyses de l’Université Oxford, que 94% de la biomasse des mammifères non humains est constituée de bétail. Cela signifie que le bétail surpasse les mammifères sauvages d’un facteur de 15 à 1. Pour ce qui est des oiseaux, 71% de la biomasse aviaire provient de la volaille. Cela signifie que la volaille l’emporte sur les oiseaux sauvages dans un rapport de plus de 3 à 1. Ces analyses concluent donc que si le monde adoptait un régime alimentaire à base de plantes, nous réduirions l’utilisation des terres agricoles mondiales de 4 à 1 milliard d’hectares, ce qui représente une solution en or pour lutter contre les nombreux enjeux écologiques de notre époque.
Toutefois, changer les habitudes alimentaires d’une population prend énormément de temps et en pleine urgence écologique, le temps presse. Mais un passage à des assiettes plus végétalisées, une consommation saine de calories, une réduction du gaspillage alimentaire et une amélioration des rendements des cultures et des pratiques agricoles sont absolument essentiels.
Ensemble, ces façons de faire nous feraient évoluer vers un système alimentaire mondial plus productif et plus éthique, ayant un faible impact sur le climat et offrant une alimentation saine et nutritive à tous.