Le vidéoclip Thriller, avec Michael Jackson. - Archives
Quand t’as peur d’avoir peur
On fait semblant qu’un monsieur qu’on connaît pas essaie de nous attraper. Ça, c’est mon gars qui m’expliquait pourquoi lui et sa sœur couraient partout dans notre cour, après-midi, en criant comme deux perdus… Drôle de jeu, me direz-vous? Et je vous l’accorderai. D’un autre côté, ça me rassure de voir qu’ils développent leur réflexe de se sauver d’inconnus qui voudraient les attraper. Et surtout, ça m’a rappelé un jeu de ma propre enfance.
Je devais avoir cinq ou six ans et on faisait semblant qu’il y avait, dans le parc entre chez nous et chez pepé, une sorte de bibitte volante que, si elle nous piquait, on pouvait mourir. Alors, on se huchait par la tête: «Vite! A l’arrive su’ toi. Sauve-toi!». On se couchait dans le grand foin en pensant être à l’abri… et à peine avait-on repris notre souffle que le maringouin meurtrier imaginaire nous rattrapait, et nous forçait à sortir de notre cachette pour aller ailleurs. Jeu pour devenir paranoïaques, me direz-vous? Et je vous l’accorderai. Mais ce que je retiens surtout de tout ça, c’est que lorsqu’on est enfant, la ligne entre ce qui est vrai et ce qui est faux est aussi floue qu’une promesse électorale. J’ai fini par y croire vraiment et par avoir peur pour vrai. J’ai alors paniqué et je suis rentré chez nous… pour le restant de la journée.
Mais des frayeurs d’enfants, on en a tous eu plusieurs. Je me souviendrai toujours du jour où j’avais gagné une tente de toile en première année. Je l’avais monté en arrière de chez nous, question de ne pas avoir à marcher trop longtemps entre les deux quand je déciderais que j’en avais assez d’essayer de dormir dehors sans succès. Je l’avais d’ailleurs tellement collé sur la maison que la sortie de sécheuse chauffait ma tente qui était, ma foi, déjà assez humide sans ça. Bref, après l’avoir montée de sueur et de misère, je m’y installe pour la première fois avec mon petit walkman et mes écouteurs à mousse orange. Je voulais écouter de la musique, tout seul, dans ma tente. Tranquille. Sauf que l’unique cassette que j’avais à l’époque, c’était l’album «Thriller» de Michael Jackson. Pour vous situer, la chanson «Thriller» commence avec des sons de portes qui grincent et des bruits de pas… Quand tout ça arrive directement dans les oreilles d’un enfant de sept ans, enfermé dans une tente trop humide et qui sent le Fleecy… ça fait son effet. Je n’ai jamais dézippé un zipper aussi vite de toute ma vie. En deux enjambées, j’étais rendu dans le salon de la maison. Un jeu pour développer la peur du camping, me direz-vous? Et je vous l’accorderai.
Jusqu’à ce qu’au Noël suivant, je me retrouve chez mon oncle Gaston. Mon cousin avait alors des View-Master; c’étaient des espèces de jumelles rouges avec lesquelles on pouvait regarder des photos, comme des diapositives, qu’on retrouvait sur des disques blancs. En baissant une petite poignée sur le côté de la jumelle, on faisait tourner le disque pour passer d’une image à l’autre. La grosse technologie des années 1980. Je le prends donc et commence à zieuter les photos. C’est Michael Jackson qu’on voit dessus… Michael Jackson qui semble malade… Michael Jackson qui a d’atroces douleurs… Michel Jackson qui a de grands yeux jaunes… Michael Jackson qui se transforme en loup-garou! C’étaient les diapositives de son vidéoclip «Thriller»… la même chanson qui m’avait tant fait peur dans ma tente. Je n’ai plus jamais remis les View-Master de mon devant mes yeux. Drôle de marketing que de vendre des images d’horreur dans un jeu d’enfant, me direz-vous? Et je vous l’accorderai.
La peur a quelque chose d’intrigant. On aime avoir peur. On n’a qu’à penser aux films d’horreur. Un jour, je regarde TV Hebdo et un titre attire mon œil de 8 ans: «Vampire, vous avez dit vampire». Comme ça passe très tard dans la nuit, je programme mon gros VHS Zénith gris qui pèse une tonne. Quand je l’écoute, le lendemain, j’ai peur. Mais j’ai quand même tellement aimé le film que je l’ai gardé. J’ai même cassé la petite pinouche sur la cassette pour ne pas enregistrer par-dessus par erreur. Eh bien, à partir de ce jour-là, je me suis mis à faire des cauchemars. Sur une base régulière. Jusqu’à ce que j’allume: je devais me débarrasser du film. Croyez-le ou non, dès que j’ai eu enregistré par-dessus le film, mon sommeil est revenu comme avant. Étrange, me direz-vous? Et je vous l’accorderai.
Quand on est enfant, on a peur de tout et de rien. Et quand il n’y a rien pour nous faire peur, on s’en invente. Un soir, alors que je restais seul à la maison, j’ai entendu un bruit pendant que je regardais la télé. Ledit bruit n’avait pourtant rien d’inquiétant, mais je me suis mis à penser que si jamais quelqu’un était caché quelque part chez nous, je n’avais rien pour me défendre contre lui. Je suis donc descendu au sous-sol en allumant toutes les lumières de la maison pour aller chercher un bâton de hockey. J’ai gardé le bâton à côté de moi jusqu’à ce que mes parents reviennent de leur soirée. Se faire des peurs comme un gros pissou, me direz-vous? Et je vous l’accorderai.
Quand j’étais jeune, comme tout le monde, j’avais peur de plein de choses. D’une image de Dracula sur mon livre du même nom… tellement qu’il a fallu que je le couche, tête première, dans ma bibliothèque pour ne plus le voir. Du film «Opération beurre de pinottes», quand le petit garçon entre dans la maison et crie à en perdre ses cheveux… tellement que je n’ai jamais revu le début de film depuis, et j’ai quand même perdu mes cheveux. Du père Lafrance, d’André le Géant, de ma directrice au primaire, et j’en passe. Heureusement, on grandit et on finit par ne plus avoir peur de tout ça, me direz-vous? Et je vous l’accorderai.
On se r’parle!